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1er mai

Des manifestations contre l’austérité, pour l’emploi et les salaires

2 mai 2024 | Mise à jour le 2 mai 2024
Par | Photo(s) : Bapoushoo
Des manifestations contre l’austérité, pour l’emploi et les salaires

Pouvoir d'achat, emplois, salaires, libertés syndicales, lutte contre les réformes de l'assurance chômage et de la fonction publique, mais aussi lutte pour la paix… À quelques semaines des Jeux Olympiques, les revendications étaient nombreuses dans les cortèges du 1er-Mai qui ont rassemblé plus de 200 000 manifestants en France et 50 000 dans la capitale. En tête de cortège à Paris, au sein de l'intersyndicale CGT, Solidaires, FSU, CFDT et UNSA, Sophie Binet secrétaire générale de la CGT, a résumé les enjeux de ce défilé 2024. Paroles de syndicalistes à l'appui.

Ils étaient plus de 200 000 manifestants à battre le pavé en France, dont 50 000 dans les rues de la capitale, entre les places de la République et de la Nation, pour le traditionnel défilé du 1er-Mai. Moins spectaculaire qu'en 2023, où des cortèges d'ampleur s'étaient formés pour dire « non » à la réforme des retraites, la mobilisation, cette année, était lancée à l'appel de cinq syndicats (la CGT, Solidaires, la FSU, la CFDT et l’UNSA) pour l’amélioration des conditions de travail et contre l’austérité.

La société ne tournerait pas sans notre travail

En tête de cortège, parmi les leaders syndicaux, Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT a déclaré :  « On est là contre l'austérité, pour dénoncer le fait que le travail paye de moins en moins avec tout qui augmente, les prix, les dividendes, les salaires des patrons mais pas les salaires des salariés. En cette journée internationale de lutte pour les droits des travailleurs et des travailleuses, nous voulons rappeler que la société ne tournerait pas sans notre travail et que celui-ci mérite respect, reconnaissance et rémunération.  Le deuxième motif de mobilisation aujourd'hui, c'est notre refus des politiques de casse sociale du gouvernement et du patronat, à commencer par cette réforme de l'assurance chômage violente, scandaleuse, injustifiée, puisque je rappelle que les comptes de l'assurance chômage sont au vert, qu'on a déjà encaissé cinq réformes en sept ans de mandat d'Emmanuel Macron, et qu'il doit arrêter de considérer l'argent que nous versons pour les cotisations sociales comme une annexe de son tiroir-caisse et de sa tirelire. La casse sociale du gouvernement, ce sont aussi les violentes coupes imposées dans nos services publics, à commencer par l'Éducation nationale où les enseignants découvrent la diminution drastique de leurs heures supplémentaires d'ici à la fin de l'année, ce qui est un mépris complet pour leur travail en direction des élèves. » Enfin, le troisième motif de mobilisation est celui de notre inquiétude quant au cap dangereux franchi sur la question des libertés, de façon générale, et des libertés syndicales en particulier. Chaque jour nous apprenons qu'il y a des poursuites contre de nouveaux militants et militantes de la CGT. Hier encore, j'apprends que dix militants de l'hôpital de Carhaix (Finistère), des soignants finistériens, sont poursuivis suite à leur mobilisation contre la fermeture du CHU. Ils vont avoir un procès soi-disant pour séquestration alors qu'ils n'ont séquestré personne. » Et de citer la présence à ses côtés de « Jean-Paul Delescaut, secrétaire général de l’UD CGT du Nord, qui a été condamné à un an de prison avec sursis pour une ligne dans un tract. C'est une peine d'une gravité inédite. C'est gravissime de pénaliser l'activité syndicale et l'activité militante ». Et ce n'est pas tout : « ici, derrière moi Kamel Brahmi, secrétaire général de l'UD CGT 93, également victime de poursuites [arrêté le 4 avril, à l'issue de l'action « plan d'urgence 93 », lors de l'inauguration de la piscine olympique, à Saint-Denis, NDLR] comme plus de 1000 militants et militante de la CGT qui sont poursuivis pour leur activité syndicale. C'est inquiétant car c'est notre société démocratique qui est fragilisée à travers ces poursuites. Rappelons, en ce 1er mai, que tous les droits sociaux dont on bénéficie aujourd’hui ont été arrachés grâce aux luttes sociales et aux organisations syndicales. Et donc quand on remet en cause les militants syndicaux et les libertés syndicales ce sont les droits de tous les salariés qu'on fragilise. »

« Le ras-le-bol avant les JO de Paris 2024 ».

Interrogée sur le climat social à quelques semaines de Jeux Olympiques, Sophie Binet a répondu : « Nous en avons ras-le-bol. Ça fait plus de deux mois que la CGT interpelle les pouvoirs publics sur les dysfonctionnements sociaux dans la préparation des Jeux olympiques. J'ai demandé, il y a deux mois, à ce que se tienne, à Matignon, une table ronde pour regarder les problèmes qui se posent. Nous n'avons toujours pas de réponse. »  Et d'enchainer : « Comment voulez-vous que ça se passe bien si les pouvoirs publics ne sont pas en mesure de répondre aux questions les plus simples, à savoir quelle contrepartie pour les salariés qui n'auront pas de congé cet été et devront faire des heures supplémentaires, du travail de nuit, travailler durant les week-ends, etc. du fait des Jeux ? Le travail, ça se rémunère et donc il faut traiter ces problèmes. » Et de préciser : « Nous posons également la question des gardes d’enfants et de l’accès au logement. Et puis nous posons la question des libertés de circulation. Il y a évidemment des enjeux de sécurité très importants, nous ne les nions pas, mais cela ne doit pas empêcher les délégués syndicaux de pouvoir accéder à tous les sites de travail. Or, aujourd'hui, c'est ce qui se passe. À Sodexho par exemple, les délégués syndicaux se sont entendus dire qu'ils n'auront pas accès au site de travail des salariés. Or, cette liberté syndicale est fondamentale pour continuer à jouer notre rôle auprès des salariés. Il nous faut donc des réponses des pouvoirs publics et aujourd'hui ce n'est pas le cas. »

Encourager les salariés à faire pression, à utiliser les JO pour obtenir des avantages ?

« On dit aux salariés de ne pas se laisser faire et de se mobiliser pour gagner des accords dans leur entreprise. Je me félicite que, grâce à la mobilisation de la CGT, on ait gagné un accord à la RATP avec des modalités d'organisation qui permettent le respect des droits des salariés pendant les Jeux. Nous avons également, à la suite d'une grève de près de trois semaines, gagné un accord à la Monnaie de Paris pour les salariés qui frappent les médailles pour les athlètes. C'est ce qu'il faut généraliser partout. Malheureusement, les pouvoirs publics ne jouent, aujourd'hui, aucun rôle là-dedans et nous sommes obligés de hausser le ton pour forcer le patronat à ouvrir des négociations dans tous les secteurs. C'est un problème que la charte sociale des Jeux olympiques, que la CGT a arrachée, ne soit pas respectée. »

 

Paroles de syndicalistes dans le cortège CGT

 

Le cortège des Kanaki contre le dégel du corps électoral

« Notre message est simple : non au dégel du corps électoral et total soutien au peuple Kanak dans sa lutte pour son émancipation et sa souveraineté, résume Michel Lolo, délégué syndical CGT, qui accompagne le cortège de la CCSK (cellule de coordination et de solidarité pour la Kanaky) composé de plusieurs centaines de manifestants Kanaks chantant et dansant dans leurs habits traditionnels. Aujourd'hui, [avec les deux projets de loi prévus, NDLR] le président Macron et son gouvernement remettent en cause la poignée de mains entre les leaders calédoniens Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur qui scellait les Accords de Matignon et ont garanti 36 ans de paix au pays. On ne peut pas laisser le gouvernement faire ça car ce serait la mort du peuple Kanak. »

 

Les cheminots pour la paix et fiers de leur accord sur les retraites

« On est là face à l'actualité, pour appeler à la paix, aux cessez-le- feu partout, pose Arnaud Marcinkiewicz, secrétaire de la CGT cheminots Montparnasse. Ce n'est pas le monde du travail qui est à l'origine des guerres mais bien les intérêts capitalistes, les intérêts patronaux, la vente d'armes et les intérêts politiques, comme au Proche-Orient où il est choquant de voir des populations se faire massacrer tous les jours aux infos. » Revenant aux enjeux concrets de son entreprise, il dit sa fierté de « l'accord retraites » ou de « cessation anticipée d’activité » signé entre les quatre principaux syndicats de cheminots et la direction, le 22 avril. « Cette victoire est directement liée à la mobilisation durant la réforme des retraites. On a obtenu l'amélioration du dispositif déjà existant à la SNCF – et dans nombre d'entreprises – qui permet aux cheminots de réduire leur activité avant de partir en retraite [la dernière période où le salarié ne travaille plus reste rémunérée à 75%, NDLR]. Cet accord permet de pratiquement compenser la contre-réforme des retraites qu'Emmanuel Macron nous a imposée l'année dernière et nous revendiquons qu'il soit étendu à tous les salariés de la branche du ferroviaire et à tous les salariés de France. Nous sommes fiers de le dire et d'envoyer le message que c'est possible. On appelle tous les travailleurs à s'organiser, à lutter pour gagner des avancées sociales. »

Les éboueurs franciliens (6000 agents) prêts à débrayer pour obtenir une prime J.O.

« Notre commission exécutive vient de voter un préavis de grève à partir du 14 mai puis à partir du 22 mai et ensuite pendant toute la période des J.O. soit du 1er juillet au 8 septembre pour revendiquer une prime pour tous de 1900 euros et l'augmentation de la prime IFSE [Prime de la fonction publique, NDLR ] de 400 euros car éboueurs, conducteurs et égoutiers vont tous être impactés dans la période, explique Smina Mebtouche, secrétaire général de la CGT FTDNEEA. Le gouvernement a appelé la SNCF, la RATP à mettre tout en œuvre avant les JO pour éviter les débordements, pour négocier. Or, avec nous, la Ville de Paris ne veut rien négocier et prétend nous accorder une prime au mérite et par palier alors qu'on sera tous impactés. Pendant cette période, ce ne seront pas seulement les lieux des épreuves qui seront concernés par l'afflux de touristes mais bien tout Paris et banlieues. Il y aura bien plus de déchets et avec les restrictions de circulation bien plus de complications pour que les agents rejoignent leurs ateliers à l'aube ou la nuit en voiture. On est les premiers à vouloir que les J.O. se passent bien, à montrer une ville propre mais si on n'est pas entendus, on sera obligés de recourir à la grève… »

 

Les agents de la RATP prêts à faire grève pour des primes J.O.

« On est mobilisé spour les droits des travailleurs et ce 1er mai particulièrement parce qu'on fait face à des attaques en série ces derniers temps, relève Alexandre el Gamal, secrétaire général de la CGT Bus et Tramways.. Attaque par la réforme des retraites, à l'intérieur de notre entreprise avec la détérioration des conditions de travail, avec des salaires qui ne compensent pas l'inflation. Les machinistes perçoivent entre 1600 et 1700 cents euros nets mensuels et les mainteneurs entre 1500 et 1600 euros alors qu'ils subissent aussi la pénibilité au travail. » Et pour la période des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 ? « On réclame des augmentations de salaire : 300 euros tout de suite et 50 points échelonnés sur l'année. Les NAO sont terminées, l'UNSA et FO ont signé l'accord qui prévoit 15 points d'indice (soit une centaine d'euros) qu'on ne percevra qu'en décembre et en 2025. Pour nous, c'est insuffisant. On a déposé un préavis de grève. Pour l'instant, on s'organise. On prévoit plusieurs mouvements, notamment au sein de la maintenance et parmi les chauffeurs de bus au sein desquels il y a une inégalité salariale d'environ 300 euros entre les embauchés de 2023 et les antérieurs alors qu'ils subissent la même pénibilité du travail. »

 

La BNF, un service public culturel exsangue

« Cette année, la CGT réclame des hausses de salaires et dénonce la casse sociale, explique Christine Patureau, de la CGT Bibliothèque nationale de France (BNF). À la BNF, on fait face aux coupes budgétaires annoncées par le gouvernement dans les services publics. Or, on a besoin des budgets suffisants et des emplois pour réaliser nos missions dans de bonnes conditions de travail. On a perdu plus de 300 postes dans les 10 dernières années alors que le périmètre de nos missions n'a cessé d'augmenter. On est bien représentatifs de ce qui se passe dans les services publics et dans la culture : baisse de budgets, baisse d'effectifs et toutes les conséquences que ça génère sur l'accueil des usagers et sur nos conditions de travail. »

 

La santé menacée par la réforme du statut des agents de la fonction publique

« Je suis venue avec toute l'Union des hôpitaux de Paris (US AP) parce qu'on a besoin de réclamer plus haut et plus fort l'augmentation de tous nos salaires et parce que nous portons, nous, dans les hôpitaux publics, des revendications quant au statut de la fonction publique malmené actuellement par Stanislas Guerini et Bruno Lemaire, explique Nathalie Marchand, déléguée syndicale CGT, représentant du personnel de la fédération santé action sociale. Au-delà des économies qu'ils nous imposent, on assiste à une totale remise en cause du statut des agents de la fonction publique. Suppression des catégories A, B et C, introduction de clauses de licenciement… Le gouvernement veut réformer de l'intérieur et il faudra combattre la loi travail qui arrivere à la rentrée car pour nous leur objectif final est bien de laisser partir les hôpitaux publics et l'aide sociale à l'enfance, nos Ehpad, etc. au secteur lucratif. Et là, on n'est plus d'accord. Le service public, c'est pour tout le monde ! »

 

Stellantis le grand écart des salaires et le flou pour les travailleurs

« Chez Stellantis, pour Monsieur Tavares (PDG, NDLR), tout va bien mais pour les salariés beaucoup moins, raconte Michael Colin, opérateur polyvalent, syndiqué CGT de Stellantis Poissy et secrétaire général de l'UL de Poissy. Là, on est en chômage depuis un bon moment, on doit faire un numéro vers tous les jours pour savoir si on va travailler le lendemain. On est au chômage technique, on n'a plus de pièces pour travailler suite au mouvement de grève d'un des sites de sous-traitance [90% du personnel de MA France est en grève depuis le 17 avril à l'appel de l’intersyndicale CGT, CFDT et FO pour dénoncer la fermeture à bas bruit du site d'Aulnay-sous-Bois, 280 CDI et plus de 150 intérimaires sont concernés NDLR]. » Face à l'annonce, ces derniers jours, de la rémunération en forte hausse du PDG de Stellantis, il rit jaune : « je trouve ça fabuleux qu'un salarié puisse être augmenté de 56 % d'un coup. On attend juste les retombées pour nous, les travailleurs, parce que pour l'instant les NAO nous ont apporté moins de 3% d'augmentation de salaire et pas de nouveau véhicule en vue. On ne sait pas où va l'usine. Normalement les plans de production des nouveaux véhicules sont annoncés par la direction à trois ans. Là, rien. Monsieur Tavares attendra fin 2024 pour annoncer ce que deviendront les sites. Les salariés sont dépités. »