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JUSTICE

Mobilisés pour défendre l'Etat de droit

14 avril 2025 | Mise à jour le 15 avril 2025
Par | Photo(s) : Bapoushoo
Mobilisés pour défendre l'Etat de droit

Des centaines de personnes se sont rassemblées, ce samedi 12 avril, sur la Place de la République à Paris à l’appel de la CGT et de SOS Racisme et de diverses assocations pour réaffirmer leur attachement à l’Etat de droit, au lendemain des remises en cause par nombre de responsables politiques de la décision de justice qui a condamné Marine Le Pen à cinq ans d’inéligibilité. Des rassemblements étaient organisés partout en France. 

Il fallait marquer le coup. Répondre au premier ministre François Bayrou, qui s’est dit « troublé » par la condamnation, le 31 mars dernier, de Marine Le Pen à cinq ans d’inéligibilité immédiate, et quatre ans de prison dont deux fermes. A Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, qui a immédiatement fustigé des « juges rouges ». Aux menaces de l’extrême droite vis à vis des magistrates auteures de la décision, qui ont du être placées sous protection policière, « comme le furent les juges menacés par la mafia en Italie. Comme Trump les menace aux Etats-Unis », rappelle Dominique Sopo, porte-parole de SOS Racisme, en guise d’ouverture du rassemblement pour défendre l’Etat de droit, organisé sur la Place de la République ce samedi 12 avril à Paris, à l’appel de la CGT et de SOS Racisme. Des rassemblements ont aussi eu lieu à Nantes, Arras, Bordeaux, et Lyon.

La séparation des pouvoirs, garante des libertés

Sous un ciel menaçant, la sono hurlante diffuse les prises de parole. « Protéger l’état de droit, c’est protéger les libertés fondamentales, et notamment les libertés syndicales. Il n’y a pas de progrès social, de démocratie sans libertés syndicales », martèle Gérard Ré,  secrétaire confédéral de la CGT, qui partage pour l’occasion texte et micro avec ses homologues de Solidaires et de la FSU. Les organisations syndicales sont présentes d’une part pour défendre les conditions de travail de ceux qui font vivre la justice, et exiger qu’ils soient « protégés, reconnus et respectés ». Et d’autre part, parce qu’elles considèrent que l’état de droit et la séparation des pouvoirs sont garants des libertés de chacun.es au sein d’un Etat démocratique, et que le service public de la justice, qui assure un accès égal de tous et toutes à la justice, sans privilège de classe, de discrimination, est un bien commun garant de l’égalité entre les citoyennes et les citoyens. Sans oublier leur opposition au projet raciste de l’extrême droite, qu’elles combattent notamment au travers d’une campagne commune lancée le 21 mars dernier. L’inquiétude des représentants des intérêts des travailleurs et des travailleuses s’explique aussi par la dimension internationale de ces attaques contre les justices, une stratégie commune « de Musk à Poutine, en passant par Orban et Netanyahu ». « On peut approuver ou désapprouver une décision de justice, mais en France, personne n’est au dessus des lois. Si on commence à faire une exception pour Marine Le Pen, pourquoi pas passer au dessus de la condamnation du patron d’Orange comme responsable des multiples suicides dans les années 2000, récemment confirmée par la cour de Cassation ? », s’interroge Benoît Martin, secrétaire de l’union départementale de Paris de la CGT et salarié d’Orange . « Si on lâche là dessus, qu’y aura-t-il ensuite ? Reviendra-t-on sur le droit de se réunir, de s’organiser en syndicat, de manifester ou de faire grève ? », poursuit le syndicaliste.

 

« Nous refusons qu’on attribue des visées politiques à des décisions de justice »

Non loin de lui, la secrétaire générale du syndicat de la magistrature agite son drapeau. Elle représente ceux, ou plutôt celles qui sont la cible directe des attaques de l’extrême droite. « Si je suis ici aujourd’hui, ce n’est pas « contre l’extrême droite ». C’est justement parce que nous refusons qu’on attribue des visées politiques à des décisions de justice, et ainsi qu’on les discrédite. Je suis là pour défendre l’Etat de droit » explique Mathilde Thimotée. La magistrate regrette que ses collègues soient menacées et se retrouvent sous protection policière pour avoir « rendu une décision fondée en droit ». Enfin, le syndicat de la magistrature porte au sein du mouvement social les valeurs d’indépendance de la justice, d’égalité devant la loi et de préservation des libertés individuelles. Se succèdent ensuite à la tribune des associations anti-racistes, féministes, de défense de l’environnement, de jeunesse, de défense des droits démocratiques… entrecoupés par des concerts de jeunes artistes tels que Valentin Vander, Jodie Coste, ou encore les danseurs de « Planète boom boom ». Parmi les manifestants, Jeremy et Victor, la vingtaine, arrivent directement du rassemblement pour la Palestine non loin de là. « On est venus parce que ça fait bizarre de voir à nouveau l’extrême droite dans la rue. Pour dire à Marine Le Pen, que non, nous ne sommes pas « son » peuple », indiquent les deux jeunes, évoquant le meeting organisé le dimanche précédent aux Invalides par le Rassemblement national. Peut-être le flop de ce rassemblement explique-t-il en partie la faible participation à celui organisé par ses opposants ce samedi.

« Nous ne sommes pas assez nombreux »

Armée de tiges couronnées de la petite main jaune, Dissa, étudiante en sciences de l’éducation pour devenir CPE, et Gracia, en BTS  négociation et digitalisation de la relation client, une vingtaine d’années elles aussi, sont venues de Sevran et d’Aulnay sous Bois (93), avec SOS Racisme. « La lutte contre le racisme, l’antisémitisme, pour le féminisme sont importantes pour nous. On croit que les droits sont acquis, mais ils ne le sont pas. Quand Marine Le Pen se permet d’organiser une manifestation pour contester une décision de justice, on est pas loin de l’idée de coup d’Etat », s’inquiètent-elles. Sous les drapeaux à l’effigie du logo de la Ligue des Droits de l’Homme, Brigitte, retraitée de l’enseignement supérieur et de la recherche, liste ses tourments : « La France est un pays de plus en plus corrompu, et où on respecte de moins en moins la séparation des pouvoirs. Les politiques se permettent de critiquer des décisions judiciaires, alors que la justice fait ce qu’elle peut, avec les moyens qu’on lui donne. L’extrême droite avance dans les paroles des responsables politiques, et au delà de ceux qui émargent au RN ou chez Zemmour. C’est gravissime. Et face à ça, nous ne sommes pas assez nombreux », se désole-t-elle. Peut-être le tube porteur d’espoir « Danser encore », d’HK et les Saltimbanks,  lui redonnera-t-il un peu de baume au cœur… en attendant des jours meilleurs.