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EUROPE SOCIALE

Directive «Travailleurs des plateformes» : les syndicats français exigent une transposition totale et rapide

29 septembre 2024 | Mise à jour le 29 septembre 2024
Par | Photo(s) : DR
Directive «Travailleurs des plateformes» : les syndicats français exigent une transposition totale et rapide

Adoptée en avril 2024 par le Parlement européen, la directive sur le travail de plateforme doit à présent franchir l'étape de sa transposition en droit, dans chaque pays membre de l'Union Européenne. En France, les syndicats sont en ordre de bataille pour affronter un gouvernement et un patronat déterminés à ne rien leur céder.

« Je suis très fière d'être ici aujourd'hui pour le lancement du Platforum, le plus grand rassemblement syndical consacré à l'économie de plateforme », a annoncé Tea Jarc, secrétaire confédérale de la Confédération européenne des syndicats (CES) et représentante du mouvement européen des travailleurs « uberisés ». Dans son propos liminaire, Tea Jarc souligne que le choix de tenir ce 3ème Platforum en France est hautement symbolique : « c'est le pays de l'UE qui s'est le plus opposé à la directive européenne ».

Cette 3ème édition du PlatForum – qui se déroulait les 25 et 26 septembre 2024- intervient en effet dans un contexte très particulier : après avoir échoué à empêcher l'adoption de la directive européenne, malgré l'intense travail mené par ses bataillons de lobbyistes, le président Macron est aujourd'hui appelé à transposer ladite directive dans le droit français. Et cela, au pire moment pour un président « pro-business » affaibli comme jamais, d'abord par le scandale des Uber Files de 2022,(du nom de l’affaire qui a révélé comment l’entreprise américaine a tenté entre 2013 et 2017 de faire changer à son avantage la législation dans de nombreux pays  avec le soutien de personnalités politiques de premier plan), puis par les deux séquences électorales désastreuses des européennes de juin et des législatives de juin-juillet.

Les syndicats sur le ring pour le second round

Requinqués depuis avril par l'adoption d'une directive qui avait été qualifiée d' impossible à obtenir par les thuriféraires de l' uberisation du travail , les syndicats français sont en ordre de bataille pour remporter le deuxième round de ce combat crucial : réglementer le travail des « forçats du bitume » et autres faux- indépendants ou sans papiers, surexploités par les algorithmes de multinationales aux moyens financiers colossaux.

Lucides, les syndicats français ne minimisent pas les difficultés et obstacles qu'il leur faudra surmonter pour gagner une transposition « de bon niveau ». « Cette directive reste en dessous des revendications de la CGT, mais elle apporte des avancées notables pour les travailleurs des plateformes », consent Boris Plazzi, secrétaire confédéral CGT, en rappelant les principaux objectifs de la transposition :

– une présomption de salariat effective et efficace

– l'inversement de la charge de la preuve (de salariat) incombant aux plateformes ;

– le contrôle des conditions de travail par une autorité nationale compétente ou par l'inspection actuelle ;

– la transparence de la gestion algorithmique des travailleurs, avec droit de regard des organisations syndicales ;

– le contrôle humain des systèmes de prise de décisions automatisés ;

– la requalification systématique du faux statut d'indépendant en salariat, avec contrat de travail, interdiction de rupture du contrat et rétroactivité des droits à la protection sociale;

– la régularisation des travailleurs sans papiers …

Lutter contre le travail à la tâche et informel

Autant de revendications qu'il faudra arracher avec les dents auprès de l’Autorité des relations sociales des plateformes d'emploi (Arpe), un établissement public créé en 2021,  et du Medef , toujours et plus que jamais déterminés à imposer un tiers-statut du travail échappant à toute réglementation et à tout contrôle.

« L'adoption de cette directive nous a donné une clé qui doit ouvrir la porte à une réelle régulation du marché. Sa transposition doit permettre de faire primer les droits des travailleurs contre les profits de ceux qui les surexploitent, afin de les protéger, ainsi que toute la société, du retour au « tâcheronnage » et au travail informel qui, sous l'impulsion de l'uberisation, s'étendent chaque jour à de nouveaux secteurs professionnels », a fait valoir Brahim Ben Ali, secrétaire confédéral de FO.

L'IA, accélérateur du travail uberisé

Dans ce droit fil, Anne Chatain, présidente de la CFTC Media a souligné les impacts de l'intelligence artificielle (IA) dans le processus d'accélération de l'uberisation du travail et de son extension à de nouveaux secteurs professionnels. « Dans le commerce, par exemple, on demande désormais aux caissières de se placer sous le statut d'auto-entrepreneur pour leur imposer le travail à la demande et non plus à horaires », a-t-elle expliqué en rappelant que, dans l'esprit de la directive du 24 avril, « l'IA ne doit pas être le manager, ni le DRH, mais doit être placée au service de l'humain et non devenir l'instrument de son asservissement ». L'enjeu de cette transposition est donc énorme. Pour les actuels 40 millions de travailleurs européens des plateformes, (chiffre officiel, largement sous-estimé), mais aussi pour les millions d'autres à venir, dans tous les secteurs professionnels compatibles avec les exigences des multinationales plateformisées.

A l'aune de quoi, la bataille qui s'engage entre patronat et syndicats risque d'atteindre une conflictualité vertigineuse  : « on s'attend à une bagarre d'une rare intensité, notamment de la part du Medef, que nous sommes prêts à affronter en nous appuyant sur la mobilisation du monde du travail », a prévenu Béatrice Lestic, secrétaire confédérale de la CFDT.