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RETRAITES

Emploi des seniors : la France à la peine

4 juillet 2025 | Mise à jour le 4 juillet 2025
Par | Photo(s) : Patrick ALLARD/REA
Emploi des seniors : la France à la peine

© Patrick ALLARD/REA

Alors que les gouvernements successifs repoussent l'âge de départ à la retraite, les entreprises restent promptes à licencier et rechignent à recruter les salariés de plus de 55 ans. Ces derniers sont plus exposés à la précarité et leur taux d'emploi en France est un des plus faibles de la zone euro.

François Bayrou tente de jouer les prolongations et sa survie politique. Le Premier ministre souhaitait que les trois syndicats de salariés (CFDT, CFE-CGC, CFTC) et les deux organisations patronales (Medef, CPME) restant reprennent les négociations sur les retraites jusqu'à la mi-juillet, mais la CFDT a décliné l'invitation. Le « conclave » initié par François Bayrou qui s'est étiré jusqu'au 24 juin, restera donc sur un échec, les discussions ayant achoppé sur la pénibilité et le financement du système par répartition. La CGT elle, avait claqué la porte dès la mi-mars, lorsqu'il s'était avéré impossible de revenir sur la borne d'âge de départ à la retraite à 62 ans. En l'état de la réforme, les personnes nées après 1968 devront donc travailler jusqu'à 64 ans. Or, le taux d'emploi des seniors (des 55-64 ans) en France reste un des plus faibles de la zone euro. Selon la Dares, en 2023, 58,4% des personnes âgées de 55 à 64 ans avaient un emploi, contre une moyenne de 63,9% au sein de l'Union européenne, loin derrière celui des Danois (75%), des Allemands (75,2%) et des Suédois (78,1%). Le taux d'emploi décroche à partir de 60 ans, pour atteindre 42,4% en 2024 pour les 60-64 ans, selon le Conseil d'Orientation des Retraites (COR). Parmi les ouvriers, à peine 20% des 60-64 ans sont en emploi.

Contradiction entre le gouvernement et le patronat

« Il y a une contradiction entre l'ambition gouvernementale de repousser l'âge de départ à la retraite et les politiques d'entreprises qui licencient les salariés à partir de 55 ans et rechignent à les recruter quand ils sont au chômage, les jugeant improductifs », constate Sandrine Mourey, dirigeante confédérale CGT qui a mené les négociations sur l'emploi des seniors, l'aménagement des fins de carrière et le dialogue social. Menées en parallèle de celle sur l'assurance-chômage en novembre 2024, elles ont donné lieu à trois accords, la CGT ayant refusé de signer ceux portant sur les deux premiers volets. Dans la continuité, le projet de loi actuellement en examen au parlement favorise notamment la retraite progressive qui permet à des salariés de passer à temps partiel et avalise la création d'un « CDI senior », pudiquement rebaptisé « CDI de valorisation de l'expérience ». Requête du patronat, ce nouveau contrat devrait permettre de recruter des demandeurs d'emploi de plus de 60 ans jusqu'à leur départ en retraite à taux plein, « moyennant de nouvelles exonérations de cotisations sociales », dénonce Sandrine Mourey. « La CGT militait pour fixer des objectifs en matière de maintien dans l'emploi, d'embauches et des sanctions en cas de non-respect. Mais les entreprises refusent toute contrainte. Quant aux dispositifs d'aménagement de fin de carrière, ils ne sauraient se substituer à une vraie négociation sur la pénibilité, ce dont le patronat ne veut pas entendre parler », enchaîne-t-elle. Le projet de loi actuellement en cours d'examen devrait aussi reprendre le fruit de la négociation portant sur les transitions et reconversions professionnelles, qui s’est achevée le 25 juin dernier. « Une concertation a minima » selon la CGT, qui n'a pas fait gagner de nouveaux droits aux salariés, mais a seulement préserver des droits existants. Ainsi, le Projet de Transition Professionnelle (PTP), seul dispositif à la main des salariés, est préservé, mais limité à 950 heures. « Le sujet aurait mérité une négociation plus longue, qui traite notamment des enjeux industriels. Nous n'avons pas affaire à un état stratège, qui anticipe les mutations des métiers, mais un état qui veut utiliser les fonds de la formation sur les métiers en tension », déplore Sandrine Mourey. La CGT, qui consulte ses instances dirigeantes la semaine du 7 juillet devrait refuser de ratifier l'ANI sur les transitions et reconversions.

Précarité en hausse

Dans les faits, le report de l'âge de départ à la retraite, de 60 à 62 ans, puis de 62 ans à 64 ans se traduit par une plus grande précarité. Selon l'Insee, « une personne sur cinq entre 55 et 61 ans, n'est ni en emploi, ni à la retraite. Dit autrement, ils sont de plus en plus sujets à la précarité. La part des 50 ans et plus en CDD a augmenté de 25% entre 2003 et 2020 ». En particulier, les ouvriers et les employés sont particulièrement touchés par ces périodes de ni-ni (ni en emploi, ni en retraite). « Les évolutions générales de l'emploi couplées aux réformes des retraites ont conduit à fragiliser les travailleurs de plus de 50 ans aussi bien du point de vue du chômage que de l'emploi. Alors que les seniors sont contraints de prolonger leur période d'activité suite aux réformes des retraites, nombre d'entre elles et eux se retrouvent au chômage, et leur reprise d'emploi se fait parfois sur des contrats courts », écrivent Claire Vivès et Delphine Remillon dans la revue travail et emploi. « CDD, missions d'intérim, auto-entreprenariat contraint…Le travail de seniors est souvent un simulacre de stabilité. 44% sont en temps partiel, majoritairement subi. Moins de 30% des chômeurs de plus de 55 ans retrouvent un emploi après un an. Ces chiffres révèlent une exclusion structurelle de l'emploi, où les logiques marchandes et gestionnaires priment sur la reconnaissance de l'utilité sociale des travailleurs et travailleuses vieillissants. Les seniors ne sont pas des inadaptés, mais les premières victimes d'un système fondé sur la productivité immédiate et l'adaptabilité forcée », écrivent les chômeurs rebelles de la CGT dans une note d'analyse. « On enregistre aussi une explosion des bénéficiaires du RSA de plus de 50 ans en 2025. Avec le recul de l'âge de départ en retraite, la pauvreté se déplace vers la période de pré-retraite », observe Alexis Bordes, secrétaire général du Comité national CGT des travailleurs privés d'emploi et précaires. La dernière réforme de l'assurance-chômage est préjudiciable aux droits des seniors, puisqu'elle repousse de deux ans les bornes d'âge pour toucher une durée maximale d'allocations (de 53 à 55 ans pour toucher 22,5 mois d'indemnisation et de 55 à 57 ans pour accéder à 27 mois d'allocations). Alors que le gouvernement a lancé sa campagne de promotion de l'emploi des seniors, rares sont les entreprises qui se penchent sur le sujet et sur l'aménagement des fins de carrière. « Des grosses entreprises ont pu négocier des accords assez favorables. Mais dans les PME, les salariés usés par le travail sont licenciés pour inaptitude », observe Sandrine Mourey. Chez Rians, laiterie qui emploie 750 salariés dans le Cher, Philippe Bernardin, secrétaire de la CGT fait le même constat. « A partir de 57 ans, les salariés usés par le métier vont plutôt être licenciés pour inaptitude. Quelques-uns vont pouvoir bénéficier de la cessation anticipée d'activité, mais c'est assez rare ».