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INDUSTRIE

« La France a besoin d’un État stratège »

30 octobre 2025 | Mise à jour le 30 octobre 2025
Par | Photo(s) : Jean-Christophe VERHAEGEN / AFP
« La France a besoin d’un État stratège »

Marche citoyenne en soutien aux salariés de l'usine à Hagondange, dans le Nord-Est de la France. Septembre 2025

La CGT recense désormais 444 plans de licenciements sur sa liste noire mise à jour depuis un an et demi. Reçue ce 30 octobre 2025 à Bercy par le ministre de l'Industrie Sébastien Martin, une délégation syndicale conduite par Sophie Binet a de nouveau tiré la sonnette d'alarme.

Au sortir d'une première rencontre avec le ministre de l'Industrie, Sébastien Martin, la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, a livré un message sans détour : la France est engagée dans une désindustrialisation profonde et il est urgent de changer de cap. Devant Bercy, la dirigeante syndicale a dénoncé une politique industrielle « sans stratégie, ni contrepartie », et a appelé à la tenue d'assises nationales de l'industrie débouchant sur une loi de programmation pluriannuelle. « Cela fait un an et demi que nous alertons sur la vague de désindustrialisation violente, dangereuse et profonde que traverse le pays », a martelé Sophie Binet. Avec à la clé 100 000 emplois directs supprimés ou menacés, dont près de 40 000 dans la seule industrie. « Aujourd'hui, même les chiffres du Ministère confirment que nous fermons plus d'usines que nous n'en ouvrons. Il faut donc changer d'approche en profondeur. »

« Mettre fin au chèque permanent pour les multinationales »

Pour la secrétaire générale, la priorité est claire : conditionner les aides publiques et relocaliser la production. « Il faut arrêter d'avoir une politique industrielle qui se résume à signer des chèques pour les multinationales. Nous demandons une vraie stratégie industrielle pour transformer l'appareil productif, le décarboner, et enfin utiliser les 211 milliards d'aides publiques autrement que pour financer des entreprises qui licencient.» Sophie Binet a plaidé pour que ces aides soient attribuées avec des contreparties sociales et écologiques, et que les salariés soient associés aux décisions stratégiques.« Aujourd'hui, les représentants des salariés sont sur des strapontins dans les conseils d'administration, quand ils y sont. Nous demandons des droits réels pour intervenir sur les orientations industrielles et que les donneurs d'ordre soient responsabilisés vis-à-vis de leurs sous-traitants. »

Responsabiliser les grands groupes

La délégation CGT a notamment rappelé au Ministre qu'elle porte la proposition de loi des salariés de GMS, entreprise sous-traitante de l'automobile, pour instaurer une solidarité dans la chaîne de production. « Les salariés de GMS ont été abandonnés par leurs donneurs d'ordre, essentiellement Stellantis. Leur texte vise à ce que les donneurs d'ordre soient enfin responsables des conséquences de leurs décisions sur les sous-traitants. C'est une revendication de justice industrielle », a insisté Sophie Binet. La délégation CGT est aussi venue avec une liste de dossiers urgents.  La leader syndicale a cité tour à tour la papeterie Condat dans les Landes, Novasco à Hagondange, ArcelorMittal, Vencorex, la Fonderie de Bretagne, Duralex, et aussi Stellantis Poissy, dernier bastion automobile d'Île-de-France, « lui aussi menacé de fermeture ». « Pour Condat, la CGT avait alerté les précédents ministres : le propriétaire n'avait aucune stratégie industrielle et visait à rapatrier ses activités en Italie et en Espagne. Résultat : 200 emplois en danger et des aides publiques captées par une entreprise qui ne joue pas le jeu », a dénoncé Binet, qui défend désormais un projet de société coopérative (SCIC) pour sauver le site. Elle a aussi défendu la proposition de loi de nationalisation d'ArcelorMittal, débattue le jour même au Sénat : « Mittal ne tient aucune de ses promesses. L'État doit cesser de se faire mener par le bout du nez et redevenir maître de ses outils industriels. »

Novasco et Fonderies de Bretagne : deux urgences

Aux côtés de Sophie Binet, Stéphane Flégeau, secrétaire général de la Fédération CGT de la métallurgie, est revenu sur deux dossiers emblématiques : Novasco ex-Ascometal (Hagondange) et la Fonderie de Bretagne (Caudan). « Sur Novasco, le repreneur potentiel, Métal Blanc, vient de se retirer du projet à Hagondange. C'est la seule aciérie électrique en France : l'enjeu est fondamental. Nous espérons que cette décision n'est pas définitive », a-t-il déclaré. Concernant la Fonderie de Bretagne, le syndicaliste salue une première ouverture : « cela faisait un an que nous demandions à intégrer le comité de suivi. C'est désormais accepté. Une table ronde se tiendra le 15 novembre, avec les élus locaux et le ministère. Tout le monde pousse pour qu'Europlasma respecte ses engagements d'investissement. » Mais il prévient : « Europlasma est un acteur inquiétant, présent aussi sur ces deux dossiers et d'autres reprises. L'État doit surveiller de très près sa stratégie. »

« Maintenant, on attend des actes »

Si la rencontre avec le ministre s'est déroulée dans un climat constructif, la CGT reste prudente. « Sébastien Martin a une expérience d'élu local, il connaît les réalités des territoires industriels. C'est un point positif », a reconnu Sophie Binet. « Il a compris qu'il fallait une rupture dans la stratégie industrielle. Maintenant, on attend des actes. » La centrale syndicale a remis au ministre une liste de 444 plans de licenciements recensés par ses équipes, « un chiffre sous-estimé, car beaucoup de plans échappent encore à la comptabilité officielle », selon Sophie Binet Binet. En conclusion, la dirigeante syndicale a rappelé l'urgence d'un changement de cap industriel : « L'industrie, ce sont des emplois, des savoir-faire, des territoires. Si on continue à laisser partir nos usines, c'est la souveraineté du pays qu'on abandonne. La France doit redevenir un État stratège. »