17 octobre 2025 | Mise à jour le 17 octobre 2025
Lors des élections législatives du 8 septembre 2025, le bloc de gauche a réussi, de justesse, à se maintenir au pouvoir face à une extrême droite national-populiste qui a doublé son score par rapport aux élections de 2021. Dans cette résistance à la percée de l'extrême droite, les syndicats ont joué un rôle crucial.
Le vent mauvais des idées d'extrême droite n'a pas fini de souffler sur l'ensemble des pays de l'Union Européenne. Y compris sur la très prospère Norvège, septième pays le plus riche du monde en termes de PIB par habitant selon la Banque Mondiale. Avec 23,9 % des voix gagnées lors des législatives du 8 septembre, le FrP, « Parti du Progrès » classé à l'extrême droite, a obtenu le meilleur score de son histoire et se positionne désormais en deuxième force politique du pays, devant la droite libérale. Et cela inquiète. Tout particulièrement le bloc de gauche, parvenu en tête des élections avec 28,2% et les syndicats qui, avec leur taux de 50 % de syndiqués, constituent l'ossature de l'Etat providence norvégien.
La prospérité économique n'empêche rien
Forte de ses ressources pétrolières et gazières (22 % du PIB), la Norvège dispose du plus important fond souverain mondial (2 000 milliards de dollars d'actifs). En dépit de quoi, les idées et partis d'extrême droite y prospèrent, sur les mêmes thématiques observables en France et ailleurs en Europe. A savoir, et en vrac : le ralentissement économique (même si très limité en Norvège) ; la hausse des impôts finançant l'investissement dans les technologies d'avenir ; l'augmentation du coût du logement ; l'inflation qui pèse sur le coût de la vie ; le recul des services publics ; l'immigration et la contestation des « élites », ainsi qu'un « nationalisme rétif à toute intégration européenne ». Autant de facteurs qui, se combinant, favorisent les arguments populistes du FrP. « On parle d'une extrême droite plus « soft », dans le sens où elle ne remonte pas à une tradition proprement fasciste, même si elle partage toutes les thématiques classiques des droites ultras », détaille la CGT Europe-Inter dans un communiqué. Principale figure de l'extrême droite norvégienne, le FrP, parti national-populiste, a pour projet la suppression des impôts sur la fortune des plus riches, le rejet des politiques de transition écologique et bien sûr, la lutte contre l'immigration désignée comme source de tous les maux du pays. Car en Norvège comme ailleurs, l'extrême droite prend prétexte des difficultés économiques du moment pour asseoir un climat anxiogène propice aux idées de rejet, de repli sur soi, voire de haine. Dans sa minutieuse analyse du résultat des élections législatives du 8 septembre en Norvège, la CGT Europe-Inter qualifie la percée des idées d'extrême droite de « syncrétisme entre orientations économiques ultralibérales et positions classiques sur une immigration mère de tous les maux ».
Modèle social menacé
Dans ce contexte, les quatre principales confédérations syndicales norvégiennes (LO « Landsorganisasjonen i Norge », Unio, Akademikerne et YS), qui disposent de sections syndicales sur de nombreux lieux de travail, se sont fortement mobilisées pour opposer un bouclier à la percée du FrP, qui menace de liquider le modèle social norvégien, l'un des plus avancés d'Europe. Principal syndicat norvégien traditionnellement proche du Parti travailliste, LO pour qui les élections consistaient à choisir entre une politique de réduction des inégalités ou une autre qui les augmente, a appelé ses troupes à ne pas voter pour le FrP. Le syndicat des agents publics Fagforbundet, qui compte 360 000 membres, a publié une déclaration invitant ses membres à voter en faveur du boc rouge-vert. Avec le mouvement « For Velferdsstaten » (Campaign for the Welfare State), les syndicats et leurs alliés du secteur associatif ont pu, lors de ces législatives sous haute tension, défendre l'état providence norvégien menacé de dislocation par la dérégulation et la privatisation des services publics prônée par le FrP.
Vu d'ici, depuis cette France obnubilée par la question de l'immigration, laquelle serait la source de toutes nos défaillances économiques et de tous nos désordres sociaux, le cas de la Norvège offre un effet miroir où il conviendrait de s'y mirer. Voici un pays dont le PIB par habitant figure parmi les plus élevés au monde. Nonobstant quoi, les idées d'extrême droite y prospèrent en surfant sur la peur de l'autre ou du lendemain et surtout, sur l'abolition de l'Etat qui impose le consentement à l'impôt. Les syndicats norvégiens qui cultivent une longue tradition de la solidarité ont pu « limiter la capacité de l'extrême droite à imprégner réellement le monde syndical lors de cette législative », souligne la Cgt-Europe-Inter. Ca ne renverse pas son monde, certes, mais ça y résiste.