2 mai 2025 | Mise à jour le 2 mai 2025
Le mot de « nationalisation » a beaucoup circulé dans la manifestation dunkerquoise, quelques jours après les 636 annonces de suppressions d'emplois chez ArcelorMittal, dont la plus grosse usine française est dans l’agglomération. Reportage à Dunkerque.
Un grand soleil, une fanfare qui ouvre la manifestation sur l’air de l’Internationale, plus de monde que d’habitude – deux mille personnes selon la CGT –, des casques estampillés ArcelorMittal… A Dunkerque, le 1er mai a été une réussite, malheureusement favorisée par l’annonce récente de 636 suppressions d'emplois dans le groupe sidérurgique, dont la plus grosse usine est à Dunkerque (lire ici).
Avant la manifestation, les prises de parole de la CGT, de la FSU et de Solidaires n’oublient pas les autres thèmes du jour : dénonciation du « meurtre islamophobe » d’Aboubakar Cissé dans une mosquée du Gard, appel à la paix notamment en Ukraine et à Gaza, revendication d’augmentation des salaires, opposition à « l’économie de guerre », rejet de l’abandon des services publics ou encore refus de la retraite à 64 ans. Mais la revendication phare de journée reste la nationalisation d’ArcelorMittal France, voire de toute la sidérurgie française.
Des revendications à traduire en actes politiques
Dit autrement, selon le slogan imprimé sur de gros autocollants rouges : « Faire du métal sans Mittal ». Car au-delà des 636 licenciements annoncés et des 1 400 transferts de postes « supports » en Inde, c’est à terme la disparition complète d’ArcelorMittal en Europe, au profit de ses implantation en Inde, au Brésil et aux Etats-Unis, qui est redoutée. Reste maintenant à traduire les slogans en actes politiques, que les nombreux représentants de la gauche présents à Dunkerque jeudi – Olivier Faure (PS), Marine Tondelier (EELV), Aurélie Trouvé (LFI), François Ruffin (Picardie Debout)… – sont chargés d’initier. Un ultimatum de deux mois est donné au gouvernement, « sinon, ce ne sera plus une manifestation calme, on va tout bloquer », assure Gaëtan Lecocq, secrétaire de la CGT ArcelorMittal Dunkerque. Jean-Paul Delescaut, de la CGT du Nord, promet même que sans cela, il n’y aurait « pas d’étape du Tour de France Valenciennes-Dunkerque le 5 juillet ».
« Il faudrait 600 millions d’euros d’investissement pour remettre à flot [le site de Dunkerque], seulement 250 millions ont été débloqués. », Reynald Quaegebeur, CGT ArcelorMittal
« Cela fait un an qu’on alerte, malheureusement, on avait raison », souligne Gaëtan Lecocq. « On fait de moins en moins de préventif », témoigne Emerson Haegman, ouvrier de maintenance chez ArcelorMittal Dunkerque et délégué CGT, embauché en 2006. Résultat ? « Les installation sont vétustes, ce qui nous oblige parfois à des arrêts de haut-fourneau », ajoute-t-il. « Il faudrait 600 millions d’euros d’investissement pour remettre à flot [le site de Dunkerque], seulement 250 millions ont été débloqués », complète Reynald Quaegebeur, délégué central CGT chez ArcelorMittal France. « Beaucoup de collègues refont leur CV et postulent ailleurs. On va perdre des compétences », remarque Emerson Haegman, par ailleurs délégué CGT.
La désindustrialisation et ses conséquences en cascade
La désindustrialisation du Dunkerquois, Cédric Decriem connaît bien. Le secrétaire CGT du CSE de Total Dunkerque a vécu la fin de la raffinerie dunkerquoise du groupe, qui employait 400 salariés. Un dépôt pétrolier a bien été maintenu et une école de formation créée, mais « la promesse de 260 emplois n’a jamais été tenue ». Il en compte en réalité un peu moins de la moitié. « On a vécu un drame industriel autant qu’humain, avec des divorces, des suicides… »
Les conséquences en cascade d’une lente disparition d’ArcelorMittal à Dunkerque et Mardyck, son usine voisine, seraient multiples. Parmi beaucoup d’autres, on pense aux 75 emplois de la centrale DK6 (groupe Engie), qui produit de l’électricité à partir des gaz de combustion de l’usine sidérurgique. Gaëtan Lecocq mentionne aussi les 3 millions d’euros de « taxe transport » versés chaque année à DK’Bus. Aujourd’hui, le réseau de bus de la Communauté urbaine de Dunkerque est gratuit, mais demain ?