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Féminisme

Sophie Binet : « Les images associées à la lutte restent très virilistes »

4 mars 2020 | Mise à jour le 5 mars 2020
Par | Photo(s) : Daniel Maunoury
Sophie Binet : « Les images associées à la lutte restent très virilistes »

Sophie Binet

Sophie Binet est co-secrétaire de l'Ugict et responsable confédérale sur les questions d'égalité femmes-hommes. Pour elle, la prise en compte des questions féministes est vitale au sein de la CGT. Et il y a encore des efforts à faire.

La prise en compte des questions féministes progresse-t-elle dans la CGT ?

Sophie Binet : Oui, cela se voit via de nombreux signaux. Le nombre des collectifs femmes-mixité – locaux et fédéraux – ne cesse d'augmenter. En 2015, ils étaient 45, en février 2019, ils sont 70. Le collectif femmes-mixité confédérale est, de loin, celui pour lequel les organisations ont présenté le plus de candidatures. Autre élément encourageant, beaucoup d'organisations ont inscrit l'égalité femmes-hommes comme un thème de congrès ou de conseil national à part entière.

Jusqu'alors, cette question n'était, la plupart du temps, abordée que lors de temps spécifiques auxquels n'assistaient que les volontaires. Maintenant, ces discussions ne sont plus réservées à celles et à ceux qui ont déjà les oreilles ouvertes. Si ces signaux sont positifs, il reste néanmoins une énorme marge de progression. Le site Égalité-professionnelle.cgt.fr qui recense tous les outils que nous avons construits est ainsi trop peu connu.

Depuis 2014, nous avons amorcé un gros travail de lutte sur les questions d'égalité professionnelle, mais aussi contre les violences sexistes et sexuelles, et beaucoup publié. L'enjeu est maintenant que cette production arrive au plus près des salariés. Enfin cela fait trois ans que nous cherchons avec le #8mars15h40 à faire du 8 mars une journée de lutte sur les lieux de travail. Nous avons beaucoup progressé mais nous sommes loin, très loin des grandes grèves de femmes en Espagne ou en Suisse.

La place des femmes progresse-t-elle dans l'organisation ?

Encore insuffisamment ! Dans beaucoup d'endroits, la CGT est mise en difficulté pour présenter des listes paritaires. Il est rageant de voir que nous n'avons pas anticipé cette obligation. Face à cette situation, nous entendons encore trop souvent ce refrain : « Mais, il n'y a pas de femmes ! ». C'est ne pas comprendre que la féminisation du syndicat ne se réalise pas naturellement, mais par une action volontariste aux multiples facettes, une action qui se prolonge dans le temps – dès que les efforts s'arrêtent, la féminisation recule.

Il ne suffit pas de se contenter de nommer des femmes à la tête d'une structure pour qu'un changement se produise. Il faut aussi faire du combat pour l'égalité professionnelle un axe majeur, il figure d'ailleurs au premier rang des préoccupations des salariés. La conscientisation des femmes a notamment beaucoup progressé au cours des dernières années. Il est primordial de montrer que la CGT est offensive sur ces questions.

Il faut agir sur différents leviers : repenser les déplacements imposés dans le cadre de l'activité syndicale, s'interroger sur les temps militants. Du fait de la répartition inégalitaire des tâches domestiques, les femmes disposent de moins de temps. Enfin, s'il est important de ne pas tolérer les propos et comportements sexistes, y compris sous prétexte d'humour, et encore moins les violences, nous devons, en effet, questionner nos stéréotypes. Les images associées à la lutte restent très virilistes (action coup de poing, bras de fer) et excluent de fait, les femmes.

S'adresser davantage aux femmes impose donc de repenser les formes d'action ?

Tout à fait. Il faut non seulement arrêter de limiter le combat à des attitudes guerrières, mais aussi cesser de minimiser l'importance des luttes dans les secteurs à prédominance féminine. Le secteur de la santé, où les femmes sont majoritaires, est traversé par des grèves très longues, que ce soit dans des hôpitaux ou des établissements privés, les Ehpad notamment.

À Foucherans, dans le Jura, la grève a duré cent dix-sept jours. Les assistantes maternelles, une profession très éclatée, peu syndiquée, se mobilise depuis des mois. Toutes ces mobilisations restent pourtant malheureusement regardées d'un œil paternaliste, d'autant qu'une vision limitative de la grève subsiste : dans les secteurs à prédominance féminine, les grèves ne permettant pas de bloquer l'appareil productif ne joueraient qu'un rôle de soutien. C'est une idée très dangereuse qui alimente la grève par procuration ! Au contraire, il nous faut insister sur la force des travailleuses !

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