
Rencontre avec l'activiste climatique Camille Etienne
Militante écologiste, Camille Etienne a fait le choix de la désobéissance civile pour mener des campagnes d’alerte contre les grands projets climaticides. Dans son livre,... Lire la suite
S'agissant des conditions de travail par forte chaleur, la CGT dénonce un décret canicule au goût "d'inachevé".
Soleil de plomb, chaleur étouffante… Voilà quelques jours qu'il a commencé à faire chaud, très chaud sur une large partie de la France. Avec des températures supérieures à 35°C, l'Hexagone plonge même aujourd'hui 20 juin – veille de l'été – dans sa première vague de chaleur de l'année 2025, selon Météo-France, qui a placé en vigilance orange canicule 16 départements majoritairement situés dans l'Ouest, avant un pic attendu demain sur l'ensemble du pays. C'est dans cette atmosphère de fournaise qu'une quarantaine d'éboueurs de l'agglomération de Niort se sont mis en grève, le 12 juin dernier, pour réclamer de travailler en short et avoir « un peu d'aération sous le genou ». Plus de la moitié des 80 agents du service de ramassage des déchets dénoncent un « refus systématique » de leur direction quant au port de tenues estivales. « La veille, on nous a interdit de partir travailler en short, on est donc resté au dépôt et lendemain pareil, explique Michael Billi, secrétaire du syndicat CGT, alors on est monté voir la direction et décidé de poser un préavis (5 jours) pour pourvoir obtenir une rencontre avec les élus à ce sujet ».
Le port du short était pourtant prévu il y a encore trois ans, avant que le F3SCT* ne vote un retour aux tenues longues lors d'un renouvellement de dotation. « On avait déjà râlé à ce moment-là et l'été suivant quand les températures avaient commencé à monter, on avait déjà lancé une journée culotte courte , explique le syndicaliste. On était venus travailler avec nos anciens équipements courts et après un peu d'hésitation, la direction de l'époque avait fini par nous laisser collecter comme ça ». Mais l'arrivée d'une nouvelle direction a changé la donne, et la commission prévention ayant mis en avant les risques de projections, de salissures, d'éraflures, malgré un vote négatif de la CGT minoritaire, la décision a été actée en F3SCT d'un retour aux tenues longues et donc plus couvrantes. Éboueur depuis 28 ans, Michael dit n'avoir jamais eu d'accident lié au port du short mais surtout « il n'y aucune statistique qui démontre le contraire, les bennes ont évolué, il y a moins de projections et puis on voit bien que le climat change, qu'on souffre de la chaleur », argue-t-il. Et d'indiquer le matin du 18 juin « une température de 32 degrés dans la cabine du camion-benne et environ 3 ou 4 degrés de plus pour les ripeurs, alors je vous laisse imaginer quand ça va vraiment chauffer, c'est impressionnant, une vraie fournaise ».
Il se souvient d'ailleurs de deux épisodes d'alerte canicule de la préfecture en 2024 durant lesquels la direction avait autorisé le port du short. « Là, par contre, on n'était plus en infraction en portant le short… c'est-à-dire que quand on est sous statut officiel »canicule« , on fait fi des projections, etc. mais quand ce n'est pas le cas et que les températures sont juste en dessous, on se met en infraction si on décide de porter le short ». Le syndicat CGT réclame que les éboueurs de l'agglomération niortaise y soient autorisés durant une période précise qui pourrait être de mai à septembre et une nouvelle dotation d'équipement. C'est ce qui se fait dans d'autres régions où des tenues adaptées aux saisons sont autorisées comme en Vendée « où ils (leur direction, NDLR) leur avaient interdit il y a quelques années mais où ils sont revenus en arrière ». Une réunion est prévue le 23 juin avec la direction mais celle-ci a déjà fait savoir que le « refus de prise de poste expose les agents concernés à des sanctions disciplinaires. Les jours non travaillés ne seront pas rémunérés ». « On va batailler contre ça parce qu'on ne comprendrait pas que des collègues qui ont des dizaines d'années d'ancienneté sans aucun avertissement soient sanctionnés pour avoir été ramasser en short, explique Michael Billi. On n'a pas refusé de travailler, au contraire, on est bien conscient de notre rôle indispensable dans le maintien de l'hygiène public, mais on veut travailler dans de bonnes conditions sans risquer de faire un malaise ». Conscients d'être à la fois un exemple de travail impacté par la pénibilité et par le changement climatique, les éboueurs de Niort espèrent pouvoir retourner au travail aérés et en toute légalité dès mardi prochain.
Le décret sur la protection des travailleurs et travailleuses face à la chaleur publié le 27 mai dernier ne les aidera pourtant pas beaucoup. Si le gouvernement y reconnait enfin que la chaleur tue, et qu'elle constitue un risque professionnel à part entière, ce texte n'en reste qu'au stade d'une première étape – franchie non sans plusieurs mobilisations. « En 2024, les camarades du BTP ont obtenu l'extension du régime »intempéries« aux canicules, relève la CGT dans un communiqué, le 10 juin. Leur lutte a brisé le silence sur les conditions de travail dégradées sous fortes chaleurs ». Adaptation des horaires, droit à boire de l'eau, gestes de premiers secours… Le texte prévoit plusieurs mesures bénéfiques. Le hic, c'est « ces mesures ne s'appliqueront qu'en cas d'alerte météo jaune ou orange. Une absurdité, quand on sait que la température dans les lieux de travail dépend bien plus des équipements, du bâti, du manque d'aération… que des bulletins météo, relève la centrale. Certaines alertes ne durent que 24 h, alors que des hangars, des cuisines ou des ateliers surchauffent tout l'été ». Pourquoi le décret ne comporte-t-il pas des seuils précis de température alors que l'obligation de « température adaptée » reste un vide juridique ? Pourquoi ignore-t-il les effets différés de la chaleur bien connus tels que la fatigue, la perte de vigilance, les troubles physiologiques qui augmentent d'autres risques ? Entre le projet initial et la version adoptée, les législateurs ont en outre écarté les pauses rémunérées, les obligations de zones ombragées ou ventilées, l'avis du médecin du travail, les seuils de température opposables et le caractère automatique des mesures. Conclusion : tout dépend de l'évaluation du risque par l'employeur.
Or, l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) estime les températures idéales pour travailler entre 16 °C et 24 °C en fonction des activités et l'Institut national de recherche et de sécurité, lui, considère qu'au-dessus de 28°C pour une activité physique et de 30 °C pour une activité sédentaire, « la chaleur peut constituer un risque pour les salariés ». C'est ce qui pousse la CGT à militer en faveur d'« une véritable évolution réglementaire qui fixe des seuils d'action et des valeurs limites d'expositions prenant en compte la température, le taux d'humidité, la vitesse du vent et le rayonnement solaire (indice WBGT) devient urgente ». Pour cela, elle revendique concrètement l'intégration systématique du risque dans le document unique d'évaluation des risques professionnels (DUERP), la relance des CHSCT avec compétence environnementale, le renforcement des droits des salariés et des pouvoirs de contrôle et même la création d'un fonds dédié.
* Formation Spécialisée de la Santé, Sécurité et des Conditions de Travail, soit l'équivalent du CSE dans le secteur privé.
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