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élections législatives

L'extrême droite : ennemi mortel du syndicalisme

5 juillet 2024 | Mise à jour le 5 juillet 2024
Par | Photo(s) : Pascal Guyot / AFP
L'extrême droite : ennemi mortel du syndicalisme

Manifestation intersyndicale contre l'extrême droite le 23 avril 2024 à Béziers. (Photo : Pascal GUYOT / AFP)

Depuis toujours, le Rassemblement national hait les syndicats. Surtout la CGT. Si le programme actuel du RN en matière de syndicalisme reste très flou, les anciens programmes du Front National comme les multiples prises de position des membres du parti, laissent imaginer le pire pour les syndicats et la démocratie sociale, en cas d’arrivée au pouvoir de l’extrême droite. 

« Les syndicats sont les croque-morts du monde économique et du travail, ils ne servent à rien. » Les mots de Louis Alliot, maire RN de Perpignan, au micro de BFM TV le 25 août 2022, sont au diapason d’à peu près toutes les déclarations des membres du parti frontiste au sujet des syndicalistes et leurs actions. Depuis toujours, le Front National, devenu Rassemblement national, se distingue par une franche hostilité à l’égard des syndicats. Un livret édité par la FTM-CGT a, d’ailleurs, tenté de compiler les déclarations de ses membres à ce propos  : pour Marion Maréchal-Le Pen, la CGT est un « syndicat groupusculaire, [une] organisation d'extrême-gauche, ultimes adeptes d'une lutte des classes périmée », tandis que pour sa tante, « le verrou syndical est le premier verrou à faire sauter pour débloquer l'économie », quand pour Thibaut de la Tocnaye, membre du bureau du RN, « l'immense majorité des centrales médiatisées profite à fond du système qui les nantit de subventions et de châteaux… Ils sont souvent corrompus (…) toujours gavés grâce à l'argent, parfois sale ».

Cette aversion se retrouve par ailleurs dans les actes violents dont les syndicats sont régulièrement les cibles, comme à la Bourse du travail CGT d’Avignon, où une croix celtique a été taguée mercredi 3 juillet, ou encore à Montpellier, où une militante de l’Union syndicale Solidaires 34 a été agressée par un groupuscule d’extrême droite, à la fin du mois de juin.

Une matrice idéologie corporatiste

À la base de cette hostilité du RN pour le syndicalisme, on retrouve une vision très particulière du social : « La matrice idéologique originelle de l’extrême droite c’est le corporatisme, qui consiste à remplacer le conflit entre capital et travail par le patriotisme économique, l’appartenance nationale », explique Karel Yon, chargé de recherche au CNRS et sociologue à IDHES-Nanterre (Institutions et dynamiques historiques de l’économie et de la société). « Historiquement, lorsqu’elle a été au pouvoir en France ou ailleurs, l’extrême droite a toujours persécuté les syndicats et dissous les organisations de travailleurs et celles représentatives du patronat. Les « Chartres du travail » ont alors inventé des nouvelles organisations par branches professionnelles qui rassemblaient les ouvriers et les patrons, abonde Cédric Bottero, président de Vigilances et initiatives syndicales antifascistes (VISA). Malgré les discours de « lissage » du Rassemblement national, pour nous, l’ADN du RN, c’est toujours le corporatisme fasciste traditionnel : la négation de la lutte des classes. » Cette négation de la lutte des classes se retrouve, par exemple, lorsque qu’Éric Zemmour, alors candidat à l’élection présidentielle de 2022, se présente comme le candidat de la « réconciliation des classes ». Pour Cédric Bottero, l’horizon du Rassemblement national ne fait aucun doute : « le projet final, c’est de faire disparaître les syndicats tels qu’ils existent aujourd’hui, c’est-à-dire des syndicats de classe. »

Syndicat maison

À l’exception de la promesse de la réunion d’une conférence sociale à l’automne, le programme de Jordan Bardella est bien vide en matière de démocratie sociale. « Le Rassemblement national n’a pas de programme codifié et clair sur le syndicalisme, explique Jean Grosset, directeur de l’Observatoire du dialogue social, rattaché à la Fondation Jean Jaurès. Pour comprendre leur ligne, il faut recouper leurs déclarations. »

Une des prises de position constante des membres du parti frontiste, c’est la volonté d’une « grande réforme des syndicats ». De façon récurrente, Marine Le Pen s’est ainsi prononcée en faveur de la « liberté syndicale ». Une expression qui fait renvoie à différents scénarios : une baisse drastique des seuils de représentativité ou la suppression du monopole de présentation des listes syndicales pour le premier tour des élections professionnelles. Depuis la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, le seuil de représentativité des syndicats est fixé à 10 % des voix dans les entreprises et à 8% au niveau de la branche professionnelle. Au niveau interprofessionnel les organisations sont reconnues comme représentatives lorsqu’elles obtiennent 8% des suffrages au niveau national et si elles ont aussi été reconnues représentatives au niveau des branches à la fois dans l’industrie, la construction, les services et le commerce. L’idée sous-jacente du Rassemblement national, c’est de permettre la création de nouveaux syndicats, afin d’amoindrir les organisations syndicales existantes. « Ce genre de mesures qui peuvent paraître un peu techniques, auraient pour effet de renforcer un syndicalisme « maison », qui n’aurait de légitimité qu’à la condition d’être le partenaire du patronat, au lieu d’être un contre-pouvoir au capital » analyse Karel Yon.

Couper les vivres

Le financement des syndicats est une autre obsession du parti frontiste. Dans une interview sur Cnews le 21 mai 2024, Marion Maréchal Le Pen affirme ainsi qu’il ne faut « plus de subventions publiques, dorénavant les syndicats doivent vivre de leurs adhésions. » Réduire les moyens financiers dont disposent les syndicats ne figurent dans aucun programme écrit, mais rejoint un autre axe du RN en matière de syndicalisme : celui de restreindre le droit syndical.

« Pour l’extrême droite, dès que les syndicats sortent des entreprises, ils sont accusés de faire de la politique » analyse Karel Yon. Ainsi, lors de plusieurs prises de parole, ses membres ont affirmé vouloir restreindre le droit syndical à l’entreprise ou à l’administration, afin d'empêcher que les élus syndicaux ne puissent mener une activité au-delà de leur lieu de travail. Une telle mesure revient, par ailleurs, à transférer le coût des détachements des élus aux syndicats. « Cela revient à couper les moyens humains des confédérations, des fédérations et des unions départementales » analyse Jean Grosset. Autre attaque fréquente du Rassemblement national sur le paritarisme, le Conseil Économique Social et Environnemental (CESE), rebaptisé par Marine Le Pen « le palais des copains et des coquins. » « Le Rassemblement national a indiqué à plusieurs reprises vouloir le fermer » explique Jean Grosset.

Encadrement du droit de grève et du droit de manifester

Si le RN prétend être du côté des travailleurs, la réalité est toute autre. « Dans toutes ses déclarations, le FN/RN s'est opposé aux syndicats et a toujours été du côté d'un patronat de choc. Jamais ce parti n'a consenti à voir dans l'action syndicale un facteur de progrès et de démocratie sociale. Il a toujours sévèrement condamné tous les mouvements et toutes les mobilisations syndicales » écrit Alain Olive dans une publication de l’Observatoire du dialogue social. Parmi les modes d’action des syndicats les plus honni par le RN, la grève. « Pendant longtemps, l’interdiction pénale des piquets de grève faisait parti du programme du Front National, rappelle Cédric Bottero. Depuis 2012, dans son entreprise de dédiabolisation, le RN a fait disparaître cette mention de son programme. Nulle doute qu’en cas de prise de pouvoir, ils reviendront dessus. »

Plusieurs représentants de l’extrême droite plaident par ailleurs pour un encadrement renforcé du droit de grève. Marion Maréchal Le Pen, dans l’interview précédemment citée, s’est prononcée pour « interdire le droit de grève aux moments des vacances scolaires et des jours fériés dans la fonction publique. » « Ce qui est particulièrement préoccupant, c’est que le Rassemblement national aurait à sa portée tout un tas de leviers qui ont déjà été posés pour aggraver la situation de fragmentation et d’affaiblissement du syndicalisme », alerte Karel Yon. Ainsi du droit de grève, déjà largement raboté par plusieurs réformes votées ces dernières années (loi du 21 août 2007 restreignant le droit de grève des agents de la SNCF, loi du 20 août 2008 restreignant celui des enseignants des écoles maternelles et élémentaires et loi Diard du 29 mars 2012 pour les salariés du secteur aérien). Aucun doute possible, le RN est bien l’ennemi des travailleurs.