Emmanuel Macron, médaille d’or du déni
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Pour de nombreux soignants, la perspective d'une arrivée au pouvoir de l'extrême droite est vécue comme un séisme. La peur aussi bien que l'inquiétude dominent dans un secteur dont les services tournent grâce à la présence de personnels d'origine étrangère. Le 22 juin 2024, plusieurs milliers de professionnels de santé ont signé une déclaration commune pour dire leurs craintes face à une politique de « priorité nationale » qui menacerait le principe d’universalité des soins.
Ils étaient une centaine, réunis le 27 juin à la Pitié-Salpêtrière pour dire leur très grande inquiétude face à la menace d'une mise en application d'une politique d'extrême droite dans le secteur de la santé. Infirmiers, médecins, sages-femmes, aides-soignants, psychologues ou encore chirurgiens-dentistes, tous affirment leur engagement à « protéger la santé de toutes les personnes qui le nécessitent, sans distinction, et à ne jamais renoncer à leur serment et à leur éthique ». Présent ce soir-là, le Dr Jean-François Corty, président de Médecins du monde que nous avons joint au téléphone, délivre cette position commune : « il y a plusieurs niveaux d'inquiétude face aux politiques d'extrême droite. Nous nous opposons au suprématisme et à la logique de bouc émissaire que diffuse dans l'imaginaire collectif l'extrême droite. On n'accepte pas qu'on nous dise quels sont les bons et les mauvais malades. Cela s'oppose à l'éthique médicale et au principe d'une santé humaniste et républicaine ».
L'Aide médicale d'État (AME), qui permet une prise en charge des soins des personnes migrantes les plus précaires, est notamment remise en question par le RN, qui a inscrit dans son programme sa suppression. Une disposition inquiétante et un très mauvais calcul, comme l'explique Jean-François Corty : « Plus on va empêcher l'accès aux soins de base à la prévention, plus on va dégrader leur santé. Cette remise en cause des soins aux plus précaires pourrait mettre en difficulté tout notre modèle de soin ». Les professionnels de santé sont particulièrement alarmés des conséquences qu'aurait la disparition de ce dispositif, qui bénéficie à 400 000 personnes résidant en France. Un avis partagé par le Comité indépendant chargé des risques sanitaires (Covars), qui a lancé une mise en garde le 27 juin. Les membres du Covars estiment que la suppression ou le remplacement de l'AME, « un outil efficace de protection et de santé publique », pourrait en effet mettre « en péril la santé individuelle et collective ».
« Ce dispositif ne représente que 0,5% du budget total de la Sécurité sociale, c'est moins que les dépenses du gouvernement en cabinets de conseil, s'agace le Pr Olivier Milleron, membre du Collectif Inter-Hôpitaux. Mais les gens non soignés qui vont venir aux urgences vont coûter beaucoup plus cher. Et les services vont être submergés ». En novembre lors de l'examen de la loi Immigration au Sénat, le RN allié aux LR avaient déjà tenté de remplacer ce dispositif de santé publique destiné aux personnes sans papier par une « aide médicale d'urgence ». « La question de l'urgence, c'est relatif. Une personne qui arrive avec un début de cancer du sein, est-ce que c'est une urgence ou bien il faut attendre qu'elle revienne avec des métastases pour la soigner ? Et la tuberculose dans les foyers africains, qui est une maladie de la pauvreté, si on ne la soigne pas elle va se disséminer ! », s'indigne le médecin.
Urgentiste en Seine-Saint-Denis, la professeure Anne-Laure Feral Pierssens exprime, elle-aussi, sa « crainte » et son sentiment de « vertige » face à la mise en application du concept de « priorité nationale » dans le secteur de la santé : « Je suis très inquiète pour les patients que je vois dans le 93. Cette politique xénophobe et discriminatoire est une menace très claire pour les personnes les plus précaires. On voit déjà la différence en termes de parcours de soin entre des patients qui en bénéficient ou pas, sachant que beaucoup ne la demandent déjà pas, car ils ne la connaissent pas. Quand on a l'AME, on ne consomme pas plus de soins qu'un patient français de même niveau économique, contrairement à ce que voudrait nous faire croire le RN. Mais on a accès à la médecine de ville, à des examens coordonnés, ce qui est la base de la santé publique. Du coup, il y a moins nécessité d’hospitalisation, et les séjours à l’hôpital sont moins longs et coûtent moins cher ».
Autre préoccupation exprimée, celle liée au devenir des Padhue (praticiens à diplôme hors Union européenne), ces médecins étrangers, dont beaucoup sont arrivés en renfort pendant la crise du Covid et sont aujourd'hui omniprésents dans les services des hôpitaux et les centres de santé. Ces praticiens, rémunérés autour de 1700 euros brut, avec les mêmes horaires et responsabilités que leurs collègues, doivent passer des épreuves de validation de leurs compétences pour obtenir le statut de « praticien associé » et sortir de la précarité. Problème : il existe, malgré les besoins criants, des quotas qui plafonnent le nombre d'admis.
En 2023, 2700 postes ont été ouverts, pour 8700 candidats. Et l'arrivée du RN au pouvoir fait craindre pour la situation administrative sur le territoire français de ceux qui n'ont pas encore été admis au concours. Une situation à la fois absurde et dangereuse pour la permanence des soins, estime Eric Tron de Bouchony, responsable du collectif médecins de l'Ufmict-CGT : « Les ARS sont terrorisées à l'idée d'accorder des postes. Mais on ne fait jamais de recensement des besoins au niveau hexagonal, comme ça a pu être fait dans les Antilles et en Guyane, ce qui a permis là-bas de combler des déserts médicaux. Au lieu de ça, on a mis en place des principes de quotas au concours car on craint un « appel d'air ». C'est idéologique ! »
Face à la pénurie de médecins, Emmanuel Macron avait promis en janvier de « régulariser nombre de médecins étrangers qui tiennent parfois à bout de bras nos services de soins », sans y donner suite. Halim Bensaidi, vice-président de l'association Ipadec et diabétologue en Ile-de-France, ne cache pas sa colère face à cette promesse non tenue : « Le gouvernement a menti et n'a rien fait, ils nous ont laissé dans la précarité. Dans mon service, il y a 100% de médecins étrangers. Certains collègues sont partis travailler en Allemagne et en Suisse où ils ont été régularisés. On a l'impression de donner à la France et en retour on n'a rien. »
Une situation, dans un contexte politique hautement inflammable, qui indigne Sidi-Mohammed Ghadi, vice-président de France Assos Santé, une association de défense des usagers : « Je suis sans voix et très inquiet. On utilise des boucs émissaires pour créer une tension. Mais cela ne résout pas les problèmes d'accès aux soins. Regardez tous les personnels étrangers grâce à qui fonctionne l'hôpital, les femmes de ménages, les aides-soignantes en passant par les infirmières, qu'est-ce qu'on va faire si on les enlève ? ». Ce militant associatif a été particulièrement choqué par le visionnage d'une séquence tournée par France Télévision, où l'on voit une aide-soignante d'origine étrangère victime d'insultes et de propos racistes de la part de ses voisins. « Ils lui crachent dessus, mais ils oublient quel rôle elle joue à l'hôpital, le fait qu'on a besoin d'elle… », souffle-t-il écœuré, avant de confier avoir été victime lui-même de menaces et propos racistes depuis la victoire aux élections européennes du RN du fait de sa double nationalité franco-algérienne : « On m'a dit : après le deuxième tour, on règlera nos comptes. J'ai peur, pour la première fois j'ai le sentiment d'être ciblé ».
Inquiet que la colère qui couve dans leurs rangs face à la dégradation de l'offre de soin ne se traduise en vote RN aux législatives, des soignants ont publié le 2 juillet dans Médiapart une adresse à leurs collègues : « Nous avons constaté pendant la pandémie la puissance et l'importance des valeurs de solidarité dans le collectif de soin. Le choix du RN, c'est briser cette solidarité en désignant un coupable, l'immigré et sa famille, alors qu'ils ne sont pour rien dans la situation actuelle du système de santé ». Signataire de cet appel, Olivier Milleron a l'intention d'aller à la rencontre de ses collègues avec ce texte : « Les maux de l'hôpital public, on les connaît : c'est la mauvaise allocation des moyens, la transformation de l'hôpital entreprise, le fait que le politique n'affronte pas le lobby des cliniques privés, affirme-t-il. Le pouvoir politique est démonétisé. La solution aujourd'hui, c'est la société civile, ce sont les gens sur le terrain. Il faut qu'on arrive à reprendre la parole ».
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