Voici 70 ans, après sa victoire contre l'armée de la France coloniale, le Vietnam célébrait son indépendance. Il faudra attendre 1975 avant que le pays sorte de la guerre menée par les États-Unis, puis de la division meurtrière entre le sud et le nord. Voici quarante ans.
En 1945, le monde sort d'une guerre dont la victoire contre les nazis et leurs alliés laisse espérer une vague de liberté. Pourtant, la colonisation se poursuit encore de nombreuses années, et la Guerre froide se transforme pour des peuples entiers en des guerres atrocement meurtrières.
DÉCOLONISATION, ÉMERGENCE DU TIERS-MONDE
C'est le 2 septembre 1945 qu'Ho Chi Minh, au nom d'un gouvernement provisoire issu de ce que l'on a appelé la « Révolution d'août », proclame à Hanoï, dans ce qui est encore « l'Indochine française », la République démocratique du Vietnam, en même temps que son indépendance. L'« empereur » Bao Dai, celui de la colonisation française, a abdiqué le 25 août. Ho Chi Minh : le leader charismatique et stratège du Viet Minh, mouvement de libération, communiste, qui se structure dès 1941, tandis qu'à ses côtés, Vo Nguyen Giap a fondé dès 1944 l'armée populaire du Vietnam.
Quelques mois plus tôt, le 8 mai 1945, le peuple algérien se soulevait pour la liberté, à Sétif, Guelma, Kherrata… Un mouvement réprimé dans le sang. Les dirigeants de l'Empire colonial français n'ont alors pas encore mesuré que ces événements signent en fait le début d'un long processus de décolonisation et de libération des peuples.
Long et meurtrier. Car la France — qui a pris pied au Vietnam et dans la région depuis le XIXe siècle — y répondra par la répression. Et la guerre. En janvier 1946, Ho Chi Minh remporte les élections au Nord-Vietnam, et en mars est élu président de la République démocratique du Vietnam (RDV).
En dépit des tentatives de négociations avec la France, à Fontainebleau, la guerre dite d'Indochine commence en novembre 1946 par le bombardement français de Haiphong . Elle durera huit ans, dans un contexte marqué régionalement par la récente déchéance de l'empereur du Japon et l'émergence de la Chine communiste, et internationalement par ce qui allait devenir la Guerre froide.
LE TOURNANT DE DIÊN BIÊN PHU ET LA DIVISION DU PAYS
En 1953, la France qui a fait revenir Dao Bai (en 1949) pour créer un « État du Vietnam », a décidé d'en finir avec l'Armée populaire du Vietnam et installe pour cela ses troupes à Diên Biên Phu. Une cuvette. Elle y signera en réalité sa défaite, en mai 1954. En dépit de bombardements aériens, parfois au napalm. En 1954, la France se retire du pays à l'issue des accords de Genève. L'indépendance du pays est reconnue. Mais celui-ci se voit imposer, jusqu'aux élections générales, une partition entre le nord et le sud, de part et d'autre du 17e parallèle, qui ruine les espoirs de paix réelle.
BANDUNG ET LE NON-ALIGNEMENT
Tandis que les peuples colonisés se battent pour l'indépendance, en Indonésie, à Bandung, en avril 1955, une conférence internationale réunit les représentants de vingt-neuf pays africains et asiatiques (parmi lesquels Nasser pour l'Égypte, Nehru pour l'Inde) fondent un « Troisième bloc », celui des « Non-alignés »…
VIETNAM : DE LA DIVISION À LA GUERRE
Soutenu par les États-Unis, Ngo Dinh Diem, installé à Saigon dans la « République du Vietnam », refuse ces élections générales ; tandis que s'organise au Nord la « République démocratique du Vietnam », sous la présidence de Ho Chi Minh installé à Hanoi.
Les opposants communistes, soutenus par Hanoï, résistent rapidement au gouvernement pro-occidental du sud. Un conflit armé s'engage entre les deux parties du pays. Les États-Unis soutiennent le sud massivement, financièrement et militairement, le nord étant aidé par l'URSS et, de façon moindre, par la Chine populaire. Washington finit cependant par contribuer à faire tomber Diem (en 1963), jugé incapable de vaincre le Viet Minh. Un coup d'État militaire mène ainsi au pouvoir des généraux considérés comme plus solides.
Puis, à la suite d'un incident naval dans le golfe du Tonkin, le Congrès américain donne en 1964 au président tout pouvoir d'user de la force armée contre les « agressions communistes ». On s'en doute, l'ONU n'aura pas été consultée sur le sujet…
APOCALYPSE, NOW
C'est le début de la guerre américaine du Vietnam. Aide massive au sud, bombardements intensifs au nord. Une gigantesque machine de guerre américaine se déploie. En tout, quelque trois millions de soldats américains auront été envoyés sur le terrain, plus de 500 000 dans la seule année 1968. 7,8 millions de tonnes de bombes (chiffre américain officiel) sont larguées sur le pays. Et 372 000 tonnes de napalm, mais aussi des défoliants, des armes chimiques aux effets durables pendant des générations et des générations…
Mais la résistance populaire ne cède pas. Ni au sud ni au nord. Au point de sensibiliser l'opinion américaine elle-même, non seulement lorsque ses « boys » rentrent du Vietnam en cercueils, mais aussi quand les clichés des bombardements au napalm et autres atrocités s'imposent en noir et blanc dans les journaux.
Les rangs des manifestations contre la guerre du Vietnam ne cessent de grossir aux États-Unis et dans le monde. La CGT et sa Vie Ouvrière sont de ce combat-là.
Dans ce contexte, le Front national de libération du Sud-Vietnam mène avec ses alliés du nord, en 1968, « l'offensive du Têt ». Le président américain, Lyndon B. Johnson, annonce alors renoncer aux bombardements au nord, et à un nouveau mandat. Des négociations s'ouvrent à Paris, en 1969. Son successeur, Richard Nixon, retire peu à peu ses forces terrestres, mais accroît l'aide américaine au sud et renforce son engagement naval et aérien. Il faudra attendre 1973 pour que les États-Unis finissent par se désengager.
En janvier 1973, sont signés les accords de Paris entre les États-Unis, la République démocratique du Vietnam (nord), la République du Vietnam (sud) et le gouvernement révolutionnaire provisoire de la République du Sud-Vietnam (opposition communiste au sud). Les dernières troupes américaines quittent le pays en mars. La guerre aura fait deux millions de morts parmi les civils vietnamiens, 1,2 million parmi les combattants et résistants, près de 60 000 parmi les soldats américains. Mais Saigon n'accepte pas l'échec. La guerre se poursuivra jusqu'au printemps 1975.
Cela fait quarante ans… En 1976, le Sud-Vietnam s'intègrera au Nord-Vietnam. Sera fondée la République socialiste du Vietnam.
Quelques indicateurs aujourd'hui
(chiffres du FMI et de la Banque mondiale en 2014)
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Capitale : Hanoï
Population : 90,6 millions d'habitants
Croissance : 6,0 %
Taux de chômage : 4 %
Inflation : 4 %
PIB par habitant : 2 053 dollars
Taux d'alphabétisation : 93 % (2012)
Déficit public : – 5,4 %
Part de l'industrie dans le PIB : 38,5 %
Part de l'agriculture dans le PIB : 18,1 %
Part des services dans le PIB : 43,4 %
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En savoir +
Alain Ruscio : La guerre française d'Indochine (1945-1954), Bruxelles, Ed. Complexe, Coll. La mémoire du siècle, 1992.
Sous la direction d' Alain Ruscio : Vietnam, l'histoire, la terre, les hommes, Ed. L'Harmattan, Coll. Péninsule indochinoise, 1989 ; réed. 1993.
Sous la direction de Stéphane Dovert et Benoit de Tréglodé : Viêt Nam contemporain, Irasec, les Indes savantes, Coll. Monographies nationales, 2009.
Et sur le site de la Confédération syndicale internationale, l'état des lieux : http://survey.ituc-csi.org/Vietnam.html?lang=fr#tabs-2
http://survey.ituc-csi.org/Vietnam.html?lang=fr#tabs-3