24 heures avec Pauliana Courbier, technicienne hydrogéologue
« Alors, ça monte ? » lance l'homme en descendant de son vélo. « J'étais propriétaire de ce puits. Il alimentait une bonne partie des champs autour de vous », poursuit l'octogénaire en observant Pauliana remonter la bande de la sonde piézométrique pour lire le niveau de l'eau et remettre ensuite le lourd couvercle en béton sur l'ouvrage, avec un pied-de-biche. Un mètre quatre-vingts, « un niveau assez bas », constatent les deux ingénieurs du bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) qui l'accompagnent.
L'eau, c'est la vie
Bioule, au nord de Toulouse. Après une année 2022 déjà sèche, l'Occitanie a enregistré un nouveau déficit pluviométrique sur les douze derniers mois. Les pluies et la neige de l'hiver dernier n'ont pas suffi à recharger les nappes d'eau souterraines. En février, la préfecture a alerté usagers et agriculteurs sur les niveaux de risques encourus, notamment de stress hydrique, une demande en eau supérieure à la quantité disponible. « C'est inquiétant, surtout quand on voit qu'au mois d'avril quatre communes des Pyrénées-Orientales étaient privées d'eau potable à cause de la sécheresse, dit la jeune femme. Sauf long épisode pluvieux, les précipitations vont nourrir la végétation et soutenir les cours d'eau, mais elles ne rechargeront pas forcément les nappes. » Pauliana Courbier, 27 ans, est technicienne hydrogéologue. Embauchée en 2022, elle assiste les ingénieurs dans l'évaluation des ressources en eau et leur exploitation : approvisionnement en eau potable, irrigation agricole, développement de la géothermie… Au quotidien, elle effectue une surveillance des eaux souterraines à partir de soixante-cinq points de suivi : puits, forages, sources karstiques *. Généralement, elle travaille seule et avoue ne pas se sentir toujours rassurée : « Certains accès ne sont pas évidents. À Cazavet, pour faire les relevés, je dois prendre une passerelle un peu branlante à deux mètres du sol. L'endroit est beau, mais assez reculé dans la montagne et pas couvert par le réseau mobile. En cas de problème, j'ai une balise spot [système de communication par satellite, ndlr], mais on ne sait jamais sur quoi ou sur qui on peut tomber. »
Entre science et nature
12 h 15. Au bout d'un chemin cahoteux, une grille protégeant l'entrée de la source de la Gourgue, à Saint-Antonin-Noble-Val. Au milieu de buis centenaires, une vasque d'eau couleur turquoise née d'une résurgence souterraine. Au mois d'avril, Pauliana débute sa campagne préventive. « Je passe sur les sites pour vérifier que le matériel fonctionne bien. Ici, les niveaux d'eau n'étaient pas cohérents, ce qui aurait faussé les modèles et les prévisions des ingénieurs. » Le câble défectueux réparé, Pauliana déjeune sur le pouce avant de repartir au BRGM pour traiter les données télétransmises. Les points de suivi sont répartis sur les huit départements de l'ancien territoire de Midi-Pyrénées. « Je peux faire cinq heures de route dans la journée », dit-elle. Des regrets ? Non. « Je voulais travailler en extérieur, exercer une profession qui a du sens pour moi, en appui des politiques publiques de l'environnement. Et pouvoir, avant tout, me concentrer sur les aspects scientifiques et environnementaux. »
* Karst : roche en partie dissoute par la circulation des eaux de pluie créant un réseau de vides, tels que les grottes ou les rivières souterraines.