À venir
Votre identifiant correspond à l'email que vous avez renseigné lors de l'abonnement. Vous avez besoin d'aide ? Contactez-nous au 01.49.88.68.50 ou par email en cliquant ici.
HAUT
HOMMAGE

Louis Viannet : « Avec la VO, vous ne serez pas seuls ! »

13 novembre 2017 | Mise à jour le 14 novembre 2017
Par | Photo(s) : Gilles Leimdorfer / Réa
Louis Viannet : « Avec la VO, vous ne serez pas seuls ! »

Louis Viannet à la manifestation du 1er mai 1992.

On le surnommait affectueusement Loulou… Louis Viannet, ancien secrétaire général de la CGT, s'est éteint dans la nuit du samedi 21 au dimanche 22 octobre, à l'âge de 84 ans. Un hommage lui sera rendu ce 13 novembre dans le patio de la CGT à Montreuil.

Secrétaire général de la CGT de 1992 à 1999, il avait été le directeur de La Vie ouvrière de 1982 à 1992. Dans 1909-2009. Un siècle de Vie ouvrière, Louis Viannet témoignait de son attachement profond à ce journal pas comme les autres.

Nous reproduisons ici son témoignage. Écrit en 2009, ce texte sur le rôle et la fonction du journal tels que les concevait « Loulou » reste toujours d'actualité.

C'est en 1957 que se tissent mes premiers liens avec La VO. Je rentre tout juste du service militaire. Je suis embauché aux chèques postaux de Lyon et me syndique immédiatement. À l'époque, compte tenu du contexte, les jeunes sont assez politisés. La guerre d'Indochine vient à peine de se terminer, celle d'Algérie commence. Je deviens diffuseur de La VO. Je compte douze lecteurs réguliers, mais je me fixe d'en trouver trois supplémentaires chaque semaine. Tandis que je vantais les mérites de La VO auprès des salariés, j'étais loin d'imaginer que j'en deviendrais un jour le directeur !

Dans ces années-là, la paix occupe une place prépondérante dans le journal. Pas un numéro ne sort sans que soit évoquée la guerre d'Algérie ! La VO a, quelle que soit la période, toujours joué un rôle fondamental dans la défense des salariés. N'oublions jamais la lueur d'espoir, le point de repère que fut, pendant la Seconde Guerre mondiale, La VO clandestine pour les militants. Elle les encourageait à relever la tête dans une période où tout était aux mains des collaborateurs et des nazis, où les syndicats étaient interdits. Elle fut un extraordinaire facteur de mobilisation pour la lutte armée.

Benoît Frachon, dans ses colonnes, y a parfaitement démontré le lien entre la défense des revendications et la nécessité de combattre l'occupant.
De même en 1968, au plus fort de la grève, alors que toute la presse est paralysée, La VO sort deux numéros et est diffusée… à un million d'exemplaires ! Unique organe d'information indépendant – la TV et les radios sont aux ordres du pouvoir –, La VO, très attendue, représente un véritable souffle d'air qui redonne confiance aux travailleurs. Ces deux exemples, parmi d'autres, confirment la position irremplaçable d'un tel journal en ce qui concerne la préparation, le déroulement et la valorisation des combats syndicaux.

La raison d'être du journal en 2009* reste la même que celle qui a prévalu à sa naissance. C'est un outil au service de la diffusion des idées de la CGT. Elle a été créée pour cela ! Elle a pour vocation d'informer les travailleurs, de les mobiliser, de porter leurs revendications et de populariser l'action syndicale, mais aussi de valoriser les succès obtenus. En cela elle n'a pas varié son objectif initial. La VO doit être en phase avec le quotidien, rester sous l'emprise de l'événement. Lorsque j'étais directeur de La VO, le sommaire fut de nombreuses fois bousculé et le contenu modifié parce que l'actualité l'exigeait. Quand on m'a confié cette fonction, je n'ai pas hésité une seconde. Ce fut une aventure extraordinaire et passionnante. Avec elle, j'ai mesuré l'impact du journal en tant que facteur déclencheur pour mobiliser, et j'ai pris conscience du lien objectif entre son rôle et l'action de la CGT.

Je garde d'excellents souvenirs des conférences de rédaction – sous la rédaction en chef de Jean-Claude Poitou notamment – dans lesquelles les débats étaient riches et aidaient à la cohérence du contenu. J'ai toujours rédigé les éditos avec mes tripes et souvent dans l'urgence. Je me rappelle celui écrit après l'annonce de notre opposition à la première guerre du Golfe, qui avait pour titre : « Non, non et non ». Quelle ne fut pas ma surprise, le lendemain, de voir mon édito repris en tract avec ce « Non, non et non », lors de la manifestation organisée contre la guerre, à Paris !

L'une de mes préoccupations fut évidemment de gagner des lecteurs. Cela ne va pas de soi, il faut déployer des efforts de démonstration pour convaincre. Un petit regret cependant, celui de ne pas avoir assez valorisé et fait fructifier les « Rendez-vous de La VO », sorte de tour de France au cours duquel nous allions à la rencontre des ouvriers, devant leurs entreprises, et organisions des débats. Ces expériences ont prouvé que la bataille pour une revendication sert toutes les autres, car nous vendions le journal, réalisions des adhésions et confortions les syndicats.

Il n'y a jamais eu, à mon sens, de sujets tabous, ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas eu des manques. On a reproché à La VO son approche très masculine des problèmes. Il est vrai que nous n'avons pas assez porté les aspirations des femmes, sous prétexte qu'existait le magazine Antoinette. De même certains problèmes de société ont eu du mal à trouver leur place. Car n'oublions pas que, pour attirer les lecteurs, il faut leur parler de ce qui les intéresse, investir les champs d'action qui les concernent. La conviction ne se gagne que par l'explication.

Aujourd'hui, malgré les nouveaux et multiples moyens de communication, on croit être informé : c'est un leurre. Seule la lecture engendre la réflexion. C'est avec sa tête qu'on mène le combat, seul on ne porte rien. C'est pourquoi je dirais ceci aux jeunes cégétistes : avec La VO vous ne serez pas seuls. Grâce à elle, vous serez mieux informés de vos droits, vous dénicherez toutes les explications de fond nécessaires, les arguments utiles, les tenants et les aboutissants pour vous forger votre propre opinion. Vous y trouverez des points de rassemblement : fort de l'expérience des autres, vous serez en mesure de juger par vous-mêmes et serez mieux armés pour vous défendre.

Propos recueillis par Marie-Line Vitu
Biographie
Fils d'un ouvrier de Rhône-Poulenc, Louis Viannet est né le 4 mars 1933 à Vienne (Isère). Il adhère à la CGT à 20 ans, dès son entrée aux PTT. L'année 1953, celle de son adhésion, est marquée par une grande grève dans le secteur public. Employé aux chèques postaux de Lyon en 1956, il assume rapidement des responsabilités syndicales et il devient, dès 1962, secrétaire général du syndicat des PTT du Rhône. En 1979, il prend la tête de la fédération PTT de la CGT. Trois ans plus tard, il fait son entrée au bureau confédéral et devient le directeur de La VO. Numéro deux de la confédération en 1989, il succède à Henri Krasucki en 1992 au poste de secrétaire général.

Homme d'écoute et de dialogue, il aura été l'artisan du syndicalisme rassemblé et de la séparation entre le syndicalisme et le politique. Militant communiste exerçant des responsabilités au sein du bureau politique du PCF, il le quitte en 1992, dès sa prise de responsabilité en tant que secrétaire général de la CGT. Une décision personnelle qui impulsera un tournant dans les rapports entre le PCF et la CGT et aboutira à l'indépendance de la centrale à l'égard du politique.

Véronique Lopez

Livre
Ce témoignage a été écrit à l'occasion de la parution du beau livre 1909-2009. Un siècle de Vie ouvrière.
Écrit par Denis Cohen et Valère Staraselki, il est paru aux éditions Le Cherche Midi, 176 pages. 30,45 euros.