24 janvier 2018 | Mise à jour le 25 janvier 2018
Après une semaine de conflit dans les prisons, le premier relevé de décisions issu des négociations au ministère de la Justice n'a pas donné satisfaction aux personnels. La CGT Pénitentiaire n'entend pas arrêter le mouvement si des avancées statutaires ne sont pas obtenues.
« Pas question d'arrêter un conflit pour trois euros de plus par mois ! » déclare Éric Lemoine, secrétaire national de la CGT Pénitentiaire avant sa seconde rencontre prévue cet après-midi avec la ministre de la Justice Nicole Belloubet. Contrairement à la semaine dernière où le dialogue a échoué à la suite d'un relevé de conclusions massivement rejeté par les personnels, la ministre Belloubet a en effet décidé depuis lundi de reprendre en mains les négociations. Au sortir des nouvelles discussions qui se sont déroulées lundi, le compte n'y était toujours pas et tant s'en faut pour la CGT Pénitentiaire : « Nous avions le sentiment qu'elle découvrait nos revendications. Elle n'avait rien à nous dire de plus, si ce n'est que nous avons un métier difficile. Mais il n'y a eu aucune annonce : rien sur l'emploi, rien sur la sécurité, rien sur l'indemnitaire. Sur ce dernier point, elle a proposé de nous revoir, mais nous pensons qu'au mieux elle proposera des primes… On ne se laissera pas acheter comme cela ! » s'emporte le syndicaliste.
« Nos revendications constituent un tout »
« Nous avons besoin de moyens humains et matériels. Nous demandons des équipements individuels. Par exemple, les gilets pare-balles sont mutualisés alors que les personnels n'ont pas tous la même taille. Nous avons aussi des uniformes et des chaussures qui sont fabriqués par les détenus. Nous sommes favorables au fait que les détenus travaillent, mais pour ce qui concerne les chaussures elles sont de très mauvaise qualité. Au point que les agents s'achètent eux-mêmes leurs chaussures », déplore encore Eric Lemoine.
Reconnaître le métier
Pour la CGT, le mouvement ne saurait atterrir sur une prime quelconque qui occulterait les autres aspects qui ont suscité le malaise et la mise en mouvement des personnels. Ce qui est en jeu, c'est le métier lui-même, ses missions et les moyens de les mettre en œuvre. Cela implique de discuter des aspects statutaires et de la reconnaissance de la pénibilité.
Ainsi, est-il revendiqué que les personnels de surveillance d'encadrement et d'application de la catégorie C soient classés à la catégorie B. La CGT revendique aussi une revalorisation de la grille indiciaire.
« Aujourd'hui, le sentiment général est que le surveillant ne sert que de porte-clés. Il n'est pas écouté. Son avis ne compte pas alors que c'est lui, qui en étant en contact direct, connaît le mieux la population carcérale. » Et d'insister : « Le surveillant doit être un acteur incontournable de la vie en détention », analyse le dirigeant de la CGT Pénitentiaire.
Des organisations syndicales aux philosophies différentes
En termes de représentativité, la CGT ne représente 15 %, FO 30 % et l'UFAP UNSA est créditée de 40 %. Dans ce contexte, négocier et sortir du conflit n'est pas si simple. Les revendications varient en effet d'une organisation syndicale à l'autre. Avec FO qui revendique des tasers et des chiens et l'UFAP-UNSA qui refuse d'amener les questions statutaires à la table des négociations, les difficultés de travail collectif dans ce mouvement pourtant unitaire sont nombreuses.
La semaine dernière, une négociation marathon s'est déroulée durant 35 heures pour accoucher d'un relevé de décisions le 19 janvier, aboutissant à la poursuite du mouvement. Parmi les 188 pénitenciers, la mobilisation a pris depuis lundi des formes diverses. Cela va du simple rassemblement devant les portes au dépôt de clés. Pour au moins sept ou huit établissements, les surveillants ont refusé de prendre leur service.
Des alternatives au tout sécuritaire
Pour la CGT les solutions passent par des alternatives à l'incarcération, et notamment le désencombrement les prisons surpeuplées. Un tiers des détenus incarcérés ont une peine inférieure à deux ans. 1/5e a une peine inférieure à un an. « Des gens sont emprisonnés quinze jours ou un mois, pour des délits mineurs. On les entasse dans des cellules surpeuplées, ce qui crée des tensions où les surveillants sont en première ligne. On pourrait limiter les incidents. La sécurité, ça passe aussi par cela », explique encore Eric Lemoine.
À l'heure où nous écrivons, nous apprenons que la séance de négociation de ce jour se termine par un nouvel échec et un appel à la poursuite du mouvement. Rien d'étonnant à cela.