Dans les coulisses des séminaires de La République en marche
Régulièrement La République en marche propose des sessions d’information avec ses députés. En juin, précautions sanitaires obligent, les sympathisants du parti... Lire la suite
À vingt-quatre heures d'intervalle, le président de la République et le Premier ministre ont confirmé leur définition de la stratégie du « en même temps ». Mardi 11, le premier a prononcé devant l'Organisation internationale du travail à Genève un discours plaidant le social. Le lendemain, le second en a décliné devant l'Assemblée la déclinaison nationale : la poursuite des réformes antisociales.
À Genève, le locataire de l'Élysée a dénoncé les dérives d'un “capitalisme devenu fou au sein d'organisations comme le FMI ou l'OMC qui privilégient les ajustements économiques aux droits sociaux ». Comme un copier-coller de l'intervention de son prédécesseur Nicolas Sarkozy qui, lui aussi, en janvier 2010, en pleine crise économique, avait fustigé à Davos les dérives du capitalisme qu'il se serait agi de moraliser.
Et Emmanuel Macron, comme s'il n'était pas au pouvoir depuis deux ans en mettant en œuvre les réformes souhaitées par le Medef, et au bénéfice des plus riches, comme s'il n'avait pas à affronter depuis plusieurs mois la plus grave crise sociale de ces dernières décennies, comme si les élections européennes n'avaient pas eu lieu, a pourtant osé dénoncer… la « captation des richesses par quelques-uns » qui « nourrit les extrêmes ».
Mercredi 12 juin, à l'Assemblée nationale, ce sont pourtant de nouvelles réformes qui oublient les droits sociaux qu'a annoncées Édouard Philippe. Quelques jours après les élections européennes qui, presque partout en Europe, ont notamment confirmé les inquiétudes et les exigences des populations en matière écologique, il a teinté d'emblée de vert son discours. Il a annoncé que « les douze prochains mois seront ceux de l'accélération écologique », et envisage le vote de la loi mobilité avant l'été.
Mais il a surtout annoncé des réformes qui poursuivent celles déjà à l'œuvre depuis l'arrivée d'Emmanuel Macron au pouvoir. Rien d'étonnant : à l'issue de la tournée de propagande électorale du « grand débat » de l'exécutif, il avait déjà martelé que le gouvernement ne changerait pas de cap. Après la mise à mal du droit du travail, voici donc la remise en cause de l'assurance chômage et de la retraite.
C'est le 18 juin prochain que sera annoncée dans le détail la réforme de l'Assurance chômage concoctée par le gouvernement, et qui prendra la forme de décrets devenant la nouvelle convention d'assurance chômage pour les trois années à venir. Certes, elle comprendra bien un bonus-malus contre les contrats courts (et donc les entreprises qui contraignent leurs salariés à la précarité et font financer leurs politiques par l'assurance chômage), mais à la satisfaction de Geoffroy Roux de Bézieux, président du Medef, ils se limiteront à « cinq ou dix secteurs » d'activité usant « le plus de contrats courts » .
Mais les salariés en seront pour leurs frais. Car le gouvernement, qui a déconnecté l'assurance chômage des cotisations sociales, entend inclure « une dégressivité de l'indemnisation sur les salariés qui perçoivent les salaires les plus élevés », principalement les cadres. Sans préciser à partir de quel montant le gouvernement juge qu'une indemnisation est trop élevée.
« Le deuxième objectif de cette réforme, c'est de faire en sorte que le travail paye toujours plus que l'inactivité », a voulu justifier le Premier ministre, en particulier quand « le montant de l'allocation mensuelle du chômage est supérieur au salaire mensuel moyen perçu ». Une situation bien difficile à trouver, mais dont l'évocation lui permet de rogner encore les droits des privés d'emploi désignés en filigrane comme des profiteurs. Et pour accroître le différentiel entre privés d'emploi et salariés, il préfère réduire les allocations des premiers qu'augmenter le salaire des seconds, à commencer par le Smic. Autant de mesures auxquelles d'ores et déjà s'opposent les syndicats.
En matière de retraites, l'âge légal sera maintenu à 62 ans. Mais cet âge légal ne donnerait plus droit à une pension à taux plein. Et apparaît une nouvelle notion : un « âge d'équilibre », non précisé. S'ils partent avant, les futurs retraités subiront une décote sur leurs pensions.
Objectif affiché : obliger les seniors à travailler plus longtemps. En dépit, notamment, du chômage qui les touche, et des difficultés des jeunes générations à entrer dans l'emploi et à sortir de la précarité.
Pour le Premier ministre, mieux vaut diminuer les impôts qu'augmenter les salaires. Le gouvernement a donc décidé de réduire les impôts sur le revenu des ménages de 27 milliards sur le quinquennat. Rien en revanche sur la TVA, qui demeure pourtant l'impôt le plus injuste.
On comprend l'inquiétude qui grandit sur le sort des budgets de solidarité, mais aussi des services publics, qui en paieront le prix fort. La suppression déjà annoncée de 120 000 postes de fonctionnaires s'inscrit dans cette logique.
Faisant face à la grave crise des hôpitaux et en particulier des urgences, Édouard Philippe a annoncé le vote prochain d'une « grande loi de transformation » du système de santé, mais, pour répondre aux personnels qui multiplient les grèves et sur tout le territoire, il s'est contenté d'appeler au « au sens des responsabilités de tous les professionnels de santé, publics et privés, pour se rassembler autour des directeurs d'ARS, afin de coordonner leur présence estivale et d'anticiper les points de tension à venir. ». En clair, si l'hôpital manque de moyens, si les professionnels n'en peuvent plus, c'est tout de même à eux d'en faire encore plus.
Alors qu'Emmanuel Macron n'a eu de cesse de se présenter comme l'ennemi de l'extrême droite nationaliste et le meilleur rempart contre ses thuriféraires, l'exécutif continue à faire de l'immigration un problème, donnant des gages à ceux qui font des migrants les boucs émissaires de toutes les difficultés des citoyens.
Ainsi, Édouard Philippe a annoncé vouloir contrôler davantage encore les flux migratoires. Et le gouvernement organisera « chaque année un débat au Parlement » sur la politique d'asile et d'immigration. Le premier aura lieu en septembre. Et d'annoncer dans la foulée une réforme du culte musulman.
Édouard Philippe avait annoncé un acte 2 du quinquennat. C'est plutôt le même acte 1, scène 2, qu'il a détaillé. « Quand le peuple ne trouve plus sa part de progrès, il peut être attiré par l'autoritarisme, qui dit : “la démocratie ne vous protège plus contre les inégalités de ce capitalisme devenu fou” », a assené Emmanuel Macron à Genève. Vérité en deçà du lac Léman, erreur au-delà ?