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AÉRONAUTIQUE

Aéronautique : redécollage compromis

22 juillet 2021 | Mise à jour le 12 juillet 2021
Par | Photo(s) : Bernard Patrick / ABACA
Aéronautique : redécollage compromis

Une vue de l'usine Airbus avec ses lignes d'assemblage Airbus A380 et Airbus A330, à Toulouse-Blagnac, dans le sud-ouest de la France.

Depuis un an et demi, les grands groupes aéronautiques ont profité de la crise pour engranger les aides publiques et intensifier la casse de l'emploi et des acquis sociaux. À l'heure de la reprise, la filière se retrouve fragilisée par la déstructuration de sa sous-traitance.

En mars 2020, la crise sanitaire provoque une déflagration sans précédent sur le trafic aérien mondial. L'Iata (l'Association internationale du transport aérien) évalue alors à 70 % la réduction du trafic au second semestre par rapport à l'année précédente. Les aéroports internationaux du monde entier ferment plusieurs terminaux avec l'ensemble des activités qui y sont attachées. Dans ce contexte, les compagnies aériennes diffèrent leurs commandes, notamment pour les avions A320, très utilisés pour les vols internationaux.

Bien qu'ayant un carnet de commandes plein, en juillet 2020, Airbus annonce 15 000 suppressions d'emplois dans le monde dont 5 000 en France. C'est énorme pour la maison-mère, mais pour les sous-traitants, l'effet est décuplé. La liste des entreprises où s'engagent des PSE, fermetures de sites et autres plans de départs volontaires ne cesse de s'allonger : Derichebourg, Figeac Aero, Lisi, Aubert & Duval, Simra, AAA, Laroche Industries etc.

Derrière les suppressions d'emplois se profilent des drames pour des territoires entiers menacés de désertification par effet domino. Dans le bassin d'Albert, dans la Somme, on ­anticipe avec stupeur la répétition d'un scénario déjà vécu dans ce département. Plusieurs années après sa fermeture, la plaie de la disparition de l'usine Goodyear à Amiens (1 200 emplois supprimés, mais 10 000 emplois indirects) reste béante. Et, de même, on évoque aujourd'hui le « syndrome Détroit » pour la région de Toulouse, c'est-à-dire l'effondrement brutal d'un territoire où l'économie fonctionne autour d'une mono-industrie.

Dramatiser une situation pour s'attaquer aux acquis

Face cette situation, le Gifas (Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales) dramatise à loisir la baisse des nouvelles commandes, tout en omettant de signaler ses carnets de commandes remplis pour dix ans. Cette bataille idéologique lui permet de se présenter en position de force pour faire passer des accords de performance collective (APC). Plusieurs entreprises, à l'image de Derichebourg, les imposent.

Sous le vocable APC, une réalité triviale : obtenir le consentement des salariés à des reculs sur toutes sortes d'éléments comme le temps de travail, les primes d'ancienneté ou le treizième mois. Il faut dire que le contexte s'y prête. La négociation en cours de finalisation entre l'UIMM (Union des industries et métiers de la métallurgie) et les organisations syndicales prévoit de saccager la convention collective de la métallurgie. Seule la CGT ne cesse d'alerter sur ce danger imminent, alors dans ce contexte, la baisse d'activité, la peur des suppressions d'emplois et le repli sur soi des télétravailleurs sont une trop belle occasion d'anticiper les reculs du futur dispositif conventionnel.

Sous-traitants peu concernés par le ruissellement des aides…

Malgré la mise en place de l'activité partielle de longue durée et le plan d'aide à la filière annoncé par le gouvernement, force est de constater que ce sont surtout les grands groupes qui en tirent profit, tandis qu'ils pressurent davantage leurs sous-traitants. Pour preuve Thales, Dassault, Airbus et Safran ont tous renoué avec les bénéfices. A contrario, le réseau de sous-traitants ne bénéficie que peu du ruissellement des aides et se voit déstructuré au point que les livraisons de pièces connaissent d'ores et déjà des ruptures.

De plus, l'attribution de fonds aux TPE s'opère non pas sous contrôle public, mais dans l'opacité d'un fonds de placement appelé Aerofund 4, présidé par Marwan Lahoud, ancien dirigeant d'Airbus. De même, ce n'est pas un établissement public, mais le Corac (Conseil pour la recherche aéronautique civile), piloté par les grands groupes, qui gère le budget de recherche et développement. Pour Michel Molesin, représentant de la CGT au Comité stratégique de la filière aéronautique, cette mainmise des grands groupes est responsable d'un processus délétère : « On n'est pas à l'abri de la disparition d'autres sous-traitants. Et avec ceci, c'est le danger de la perte de savoir-faire. »

Des voyants repassent au vert

Pourtant, la reprise est déjà là. En Chine et aux États-Unis, le trafic aérien interne a quasiment retrouvé ses niveaux d'avant la crise. L'Europe est un peu à la traîne mais prend le même chemin. Chez Airbus, les livraisons d'avions commerciaux ont redécollé dès le premier trimestre. Le 21 mai 2021, l'avionneur a annoncé le lancement d'une chaîne d'assemblage à Toulouse pour son nouvel A321 XLR. Pas moins de 426 commandes ont déjà été engrangées. « Ceci va engendrer du travail pour les sous-traitants et notamment pour ceux in situ comme Derichebourg », remarque Michel Molesin. Et de conclure : « En agissant comme ils l'ont fait, ils ont tranché dans la masse salariale pour profiter du Covid. Or, comme il s'agit d'une crise conjoncturelle et non structurelle, il n'y avait aucun besoin de se précipiter dans les suppressions d'emplois. Par contre, ce sont de telles décisions qui ont pu fragiliser structurellement la filière. »

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