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ÉDUCATION

Lycées des Hauts-de-France : un coup de rabot qui ne passe pas

16 décembre 2024 | Mise à jour le 16 décembre 2024
Par | Photo(s) : Mathieu Dréan
Lycées des Hauts-de-France : un coup de rabot qui ne passe pas

Mobilisation d'enseignants devant le siège de la région Hauts-de-France à Lille le 12/12/2024 pour protester contre la baisse des dotations accordées aux lycées par la région.

La région Hauts-de-France projette une diminution de 12 % de la dotation globale de fonctionnement pour ses lycées. Certains établissements subissent des baisses de plus de 20 %. A Lille, la CGT Éduc'action et le Snes-FSU organisent la riposte.

« La semaine dernière, au CDI [centre de documentation et d'information, NDLR], une fenêtre a failli tomber sur une agente du lycée. L'an dernier, une collègue a voulu ouvrir une fenêtre dans sa salle de cours, l'oscillo-battant s'est décroché, la fenêtre a éclaté, il y avait du verre partout. Heureusement qu'elle a eu le réflexe de reculer et que les élèves étaient en récréation… » Agathe Foudi, professeure de sciences économiques et sociales et élue CGT Éduc'action au conseil d'administration (CA) du lycée Faidherbe, à Lille (Nord), décrit des conditions de travail difficiles. Tout comme les quelques dizaines de personnes rassemblées à l'appel de la CGT et de la FSU, jeudi 12 décembre, devant le conseil régional des Hauts-de-France. A l'ordre du jour des élus : le budget 2025, comprenant la dotation globale de fonctionnement (DGF) des 269 lycées de la région, qui accueillent près de 200 000 élèves. Si le vote du budget est finalement repoussé à mars, la couleur est annoncée pour les lycées depuis la rentrée de septembre par la majorité LR de Xavier Bertrand : ce sera 12 % de moins, la DGF passant de 102 à 90 millions d'euros. Les baisses concernent 193 lycées, avec des coupes souvent supérieures à 20%.

Manger en dix minutes…

Au lycée Faidherbe, la soustraction est plus douloureuse encore : 35 % de moins qu'en 2024, après une baisse de 42 % l'année précédente. « Nous avons dû prélever 340 000 euros sur le fonds de roulement en 2024. Il restait 85 000 euros. Avec le budget 2025 qu'on nous a présenté, il ne reste rien », détaille Laurent Dacheux, professeur de français au CA. La Région, elle-même, préconise pourtant de disposer d'une réserve d'au moins trente jours de fonctionnement. « Pour le bac blanc, des élèves devaient passer une épreuve un samedi matin, mais il a été décidé [par souci d'économies] de couper le chauffage ce jour-là, poursuit l'élu Snes-FSU l. Les élèves ont donc dû passer deux épreuves le même jour. » « Pour les élèves qui bénéficient d'un aménagement de temps, notamment pour pallier un handicap, cela peut représenter deux fois cinq heures et donc les obliger à manger en dix minutes le midi », complète Agathe Foudi.

Froid, humidité, moisissures…

Les manifestants, représentant plusieurs lycées du Nord et du Pas-de-Calais, évoquent des salles de classes où la température tombe parfois sous les quinze degrés, de l'humidité, voire de la moisissure. Dans l'hémicycle, les élus PS, PCF et LFI multiplient les prises de parole pour dénoncer des « coupes [qui] renforcent les inégalités entre élèves, entre établissements, et entre territoires » et prédire que « les problèmes vont se multiplier entre dettes et factures impossibles à payer, dégradation du bâti faute de moyens et conditions de travail et de vie indignes pour nos élèves et les personnels ». Joint au téléphone, le vice-président régional aux lycées, Laurent Rigaud, justifie la baisse de la DGF par une diminution de la facture d'énergie de 12 millions d'euros pour l'ensemble des établissements. Il vante par ailleurs les 150 millions d'euros d'investissements annuels dans les lycées de la région, qui semblent cependant loin de résoudre tous les problèmes de vétusté.

« C'est aussi une manière pour la Région de piloter notre pédagogie […] en privilégiant certaines thématiques » Laurent Dacheux, professeur de français

Visiblement échaudé par les réactions suscitées par ses propos dans un article de La Voix du Nord (il avait lancé à propos d'un lycée de la métropole lilloise qu'il n'avait « pas [à] se plaindre »), le vice-président laisse entendre que des « dotations complémentaires » sont possibles en cours d'année. Il ajoute qu'un budget spécifique de 5 millions d'euros permet de financer des projets pédagogiques, à condition cependant d'être sélectionné parmi ceux subventionnés par la collectivité. « Ce sont des dossiers à monter et donc un surcroît de travail, réagit Laurent Dacheux. C'est aussi une manière pour la Région de piloter notre pédagogie, alors qu'elle ne devrait pas interférer, en privilégiant certaines thématiques. En ce moment, par exemple, ce qui est à la mode, c'est le « devoir de mémoire » et le sport, année olympique oblige. »

Des raisons de « se plaindre »

A la délégation de manifestants qu'il a reçue en entretien, Laurent Rigaud a promis de visiter ces prochains jours trois lycées du Nord et du Pas-de-Calais qui présentent une situation alarmante, dont Faidherbe. Nul doute que ses hôtes auront à cœur de lui prouver qu'il y a bien des raisons de « se plaindre ».