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démocratie sociale

Loi de simplification ou de régression ?

10 avril 2025 | Mise à jour le 10 avril 2025
Par | Photo(s) : Photo Thomas SAMSON / AFP
Loi de simplification ou de régression ?

Les règles qui régulent les installations industrielles pourraient être assouplies pour les projets d’intérêt national majeurs (PINM), au profit notamment des plus gros data centers. Comme celui de Paris Digital Park, le plus grand en France établi à la Courneuve (93)

Censée encourager la compétitivité des entreprises, la loi de simplification économique examinée jusqu'au 11 avril à l'Assemblée nationale risque en réalité de réduire les droits des salariés mais aussi de détricoter un peu plus les normes environnementales. Une trentaine de comités consultatifs, où siègent les syndicats, pourraient être purement et simplement supprimés.

« C'est une loi que nous attendons avec impatience », s’est félicité Patrick Martin, le président du Medef, lors d'une table ronde rassemblant organisations patronales et syndicales à l'Assemblée nationale, le 11 mars dernier. Et pour cause, le projet de loi de simplification de la vie économique, examiné du 8 au 11 avril à l'Assemblée, a de quoi se faire se frotter les mains des organisations patronales. Mesures régressives pour les droits des salariés, abaissement des normes environnementales, suppressions pures et simples d'agences consultatives ou de surveillance étatiques… La loi a tout d'un fourre-tout législatif imaginé dans le seul but de satisfaire les desiderata du Medef.

Depuis son passage au Sénat l'an dernier, la version en examen à l'Assemblée a été expurgée, grâce notamment aux syndicats auditionnés, de dispositions particulièrement néfastes pour les salariés. Simplification de la fiche de paie, délais réduits de l'information et du temps pour les salariés de proposer des solutions alternatives en cas de cessation d'entreprise, moindres mesures de protection pour les salariés en sous-traitance, étaient inscrites au menu de cette loi très libérale. Auditionné le 11 mars pour la CGT, le secrétaire confédéral Thomas Vacheron s’est félicité du rejet de certaines de ces mesures en souhaitant qu’elles «ne reviendront pas par la fenêtre», rappelant au passage que «masquer des lignes de la fiche de paie, c’est potentiellement pouvoir enlever des droits

« Au moment où il faut trouver toutes les solutions possibles pour maintenir les entreprises, éviter les licenciements et la disparition du tissu industriel, on réduit le temps des salariés pour trouver une solution de reprise », Thomas Vacheron, secrétaire confédéral de la CGT

Lors de son passage en commission spéciale fin mars, la nouvelle version du texte amendée par les députés LIOT, LR, RN a vu par ailleurs s'allonger la liste des comités et instances consultatives – au nombre désormais d'une trentaine – qui pourraient être purement et simplement supprimés. « Quand on voit le contenu de la loi, on se demande si Donald Trump et Elon Musk ne sont pas entrés à l'Assemblée », commente Fabienne Rouchy, présidente du groupe CGT au Conseil économique et social (Cese). Une simplification « à la hâche » qui donne en effet le tournis :  suppression du Conseil national de la montagne, du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, de l'Observatoire national de la politique de la ville…

L'un des amendements amené par la droite républicaine a suscité en particulier de vives réactions. Celui-ci prévoit en effet la suppression des conseils économiques sociaux et environnementaux régionaux (Ceser) : des organismes de consultation qui accompagnent et guident les conseils régionaux dans leur action et font vivre la démocratie en territoire. Dans un communiqué commun, organisations de la société civile et syndicats  ont dénoncé « une atteinte à la démocratie participative » et demandé leur maintien.

« Les CESER sont un lieu d'évaluation des politiques publiques, de propositions, où les patrons parlent avec les syndicats, où la société civile est organisée et débat, » Fabienne Rouchy, présidente du groupe CGT au Conseil économique, social et environnemental (Ceser) et secrétaire confédérale.

Par ailleurs, le texte pourrait entraîner de nombreux reculs sur le plan environnemental au profit des intérêts industriels. Invité au Sénat aux assises de la simplification, le premier ministre François Bayrou a déclaré vouloir « réduire le volume des normes ». Les règles qui régulent les installations industrielles pourraient ainsi être assouplies pour les Projets d'intérêt national majeurs (PINM), avec la suppression des évaluations environnementales pour les demandes d’autorisation environnementale.

Le projet de loi vise également à accélérer les très grandes installations de data centers, promises par Emmanuel Macron, en leur attribuant le label PINM. Ceci afin de pouvoir plus facilement les imposer aux collectivités ainsi qu'à la population, au détriment des ressources hydrauliques et foncières. Autant de simplifications qui aboutiraient à un détricotage des règles et a un affaiblissement général des mécanismes de protection de l’environnement, craint l'association France Nature Environnement. La loi prévoit par ailleurs que les projets industriels ne soient plus tenus de faire l'objet d'un débat public dans le cadre de la Commission nationale du débat public (CNDP). Les parlementaires pourraient aussi supprimer les ZFE (zones à faible émissions), sans mettre en place d’alternative, dénonce Réseau Action Climat. Une loi de simplification qui pourrait être, surtout, une loi de dérégulation et de régression.