
La génération Z bouscule tout sur son passage
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Des électeurs du candidat d'extrême droite élu président du Chili, José Antonio Kast, brandissent un drapeau à l'effigie de l'ancien dictateur Augusto Pinochet. 14 décembre 2025.
Il briguait la présidence du Chili pour la troisième fois et avait annoncé que « celle-ci serait la bonne ». Face à Jeannette Jara, la candidate de la coalition de centre-gauche, José Antonio Kast (extrême droite) a triomphé en récoltant 58 % des suffrages. Le candidat du Parti Républicain a profité des reports de voix des candidats de droite battus au premier tour (Johannes Kaiser, Evelyn Matthei, Franco Parisi) et il a su aller chercher le vote des indécis obligés à voter. En effet le Chili a réinstauré le vote obligatoire en 2023, et aujourd'hui ce sont environ 85 % des votants qui expriment leur suffrage. En 2021, lorsque José Antonio Kast avait perdu l'élection face à l'actuel président progressiste Gabriel Boric, seulement la moitié de l'électorat se déplaçait pour voter. « Ces indécis représentent un tiers de l'électorat, déçu ou désintéressé de la politique, que Kast a su séduire » explique Claudia Heiss, politologue chilienne.
Fils d'un soldat nazi immigré au Chili après la Seconde Guerre mondiale, l'avocat de 59 ans a axé sa campagne sur la hausse de la criminalité et de l'immigration. Pour rétablir « l'ordre et la sécurité », il promet l'expulsion des 337 000 étrangers en situation irrégulière. Il dépeint un pays « qui tombe en ruines » et propose un « gouvernement d'urgence ». Avec l'appui des médias mainstream, il a instauré l'idée que le Chili vit une crise économique majeure alors que la croissance annoncée en 2025 est de 2,4 % selon l’OCDE et que l'inflation est à la baisse. Le candidat d'ultra-droite a aussi associé la montée de la criminalité à la hausse de l'immigration. « Kast est resté fidèle à ce discours en répondant à la première préoccupation des Chiliens : l'insécurité. Puis il a gommé les aspects polémiques qui lui ont fait perdre les deux élections précédentes : son rapport à la dictature, son opposition à l'avortement ou au mariage homosexuel » souligne Amanda Morton, journaliste chilienne-brésilienne qui a co-écrit le livre José Antonio Kast et l'ultra-droite à la chilienne.
Stéphanie Alenda, docteure en sociologie politique de l'Université Andrés Bello remarque, de son côté, que « le Chili a certes connu une augmentation de la délinquance ces dix dernières années mais la perception d'insécurité est disproportionnée par rapport aux taux d’homicides qui sont d'ailleurs parmi les plus bas d'Amérique latine ». L’enquête nationale sur la sécurité urbaine 2024 (ENUSC) et un rapport d'IPSOS souligne effectivement que la peur de la criminalité dépasse largement l’expérience de victimisation.
Quelques minutes après l'annonce des résultats ce dimanche soir, Jeannette Jara, la candidate issue du Parti communiste et représentante de la coalition de centre-gauche a lancé un message clair : « À partir d'aujourd'hui, nous formons l'opposition (…), et nous n'accepterons aucun recul. Nous défendrons l'augmentation des pensions de retraite, les 40 heures de travail par semaine, les droits des femmes…». Ministre du Travail sous le gouvernement de Gabriel Boric (2022-2026), Jeannette Jara a mené les réformes les plus emblématiques de l'administration progressiste. Pendant la campagne électorale, elle a mis en avant ces réussites sociales exigées par la rue pendant la révolte de 2019 mais « malheureusement les préoccupations des Chiliens se sont tournés depuis, vers l'insécurité ». Claudia Heiss, politologue à l'Université du Chili considère que le succès de Kast est « une réaction conservatrice à la révolte sociale de 2019 et l'échec du processus constitutionnel qui visait à remplacer la Constitution de Pinochet ». Pour elle, « ces dernières années ont généré beaucoup d'instabilité et les Chiliens se souviennent aujourd'hui davantage des images de violence de la révolte que des demandes sociales ». Les deux années de pandémie qui ont suivi ont « aggravé la situation et les exigences de justice sociale ont été reléguées au second plan ».
Les organisations citoyennes et syndicales appellent aujourd'hui à organiser la résistance face aux menaces qui pèsent sur les quelques acquis sociaux de ce pays ultralibéral. L’Union générale des travailleurs et travailleuses (UGT) exprime sa profonde inquiétude. Ce retour de l'extrême droite au pouvoir rappelle les années obscures de la dictature où les syndicats ont été majoritairement interdits et les syndicalistes persécutés. La « rhétorique » de Kast « frôle parfois la glorification de la dictature ». Et « il suggère de faire passer les intérêts économiques et politiques avant les droits fondamentaux des travailleurs et travailleuses, ce qui constitue un danger pour la stabilité démocratique et sociale », selon l’UGT.
« Les héritiers de Pinochet arrivent cette fois-ci au Palais de la Moneda par les urnes et non par les bombes » a déclaré la Coordination féministe 8M, « le mouvement social et populaire doit construire une large base d'opposition pour freiner les attaques qui arrivent ». Dans ce communiqué, les militantes rappellent que « les mesures du prochain gouvernement ne sont pas nouvelles » et qu'entre 1973 et 1990, la dictature a gouverné avec un programme de destruction de l'éducation, la santé, l'abolition des droits des travailleurs, le recul des droits des femmes.
Les féministes rappellent aussi que cette vague d'extrême droite déferle sur toute l'Amérique et le monde. « Brésil, Argentine, Pérou, Italie, Etats-Unis…notre mission est de renforcer les liens de solidarité entre nos mouvements au-delà des frontières » termine-t-elle en appelant à une mobilisation massive pour la Journée mondiale des droits des femmes. L'investiture de José Antonio Kast se déroulera trois jours plus tard, le 11 mars 2026, et les féministes appellent « à unir toutes les forces pour déployer un 8 Mars historique et antifasciste ».
Marion Esnault, correspondante au Chili

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