
La nuit de la duperie
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Sur les chaînes de la conserverie de poissons Chancerelle, comme chez Bigard ou chez Monique Ranou, les militants de la CGT décortiquent les idées d'extrême droite.
« Des salariés n'ont plus honte d'afficher publiquement leur soutien au RN, surtout les plus jeunes. A l'époque de Jean-Marie Le Pen, et du FN, personne ne faisait ça sauf deux-trois hurluberlus. » Xavier Morvan, délégué syndical CGT chez Bigard (Quimperlé), constate chaque jour les dégâts causés par la stratégie de dédiabolisation menée par le Rassemblement National.
Sur site, différentes nationalités issues « d'Afrique, d'Europe de l'Est, d'Asie, un peu d'Amérique du sud » côtoient les travailleurs locaux. Un recours nécessaire à la main-d'œuvre étrangère pas toujours accepté par certains bretons de naissance sur fond de racisme. « On a tellement bien communiqué sur les conditions de travail que la population autochtone ne veut pas forcément venir travailler ici. » La pratique religieuse au sein des locaux, tolérée par la direction pour acheter une forme de paix sociale ajoute une tension supplémentaire. « La direction ferme les yeux. Il n'est pas rare de rencontrer des croyants faisant la prière dans les vestiaires. Ça, ça passe mal », pointe du doigt Xavier Morvan. Du pain béni pour l'extrême droite.
Chez Monique Ranou (Saint-Evarzec), l'origine des travailleurs n'échauffe pas les esprits. C'est plutôt une histoire de baisse du pouvoir d'achat couplée à un ras-le-bol de la classe politique actuelle. « A gauche comme à droite, les politiques ont creusé leur tombe, à ne penser qu'à eux-mêmes et leur réélection. A écouter bon nombre de collègues, avec le Rassemblement National, ils seront beaucoup mieux payés qu'avant ! Jordan Bardella est beau ! Ça va être miraculeux ! Comment peuvent-ils croire qu'un type de 30 ans, n'ayant jamais travaillé, va comprendre leur quotidien à eux qui se lèvent à 4 heures du matin ? », s'emporte Sandrine Malardé, la déléguée CGT.
La même volonté de dégagisme anime les sympathisants RN bossant sur les lignes de Chancerelle (conserverie de poissons, Douarnenez). « Ils n'ont pas conscience du bourreau qui va leur tomber dessus. L'extrême droite a toujours pactisé avec le patronat afin d'arriver au pouvoir ! », avertit Sébastien Friant, délégué syndical CGT de la boite, dénonçant les faux-airs anti-système du parti.
« Le RN progresse là où la droite bretonne – un peu conservatrice avec des valeurs plutôt sociales – est absente et dans les anciens bastions de gauche où vit une population précarisée », analyse Erwan Chartier – Le Floch, rédacteur en chef de l'hebdomadaire Le Poher, dans le centre Finistère. Sa couverture des événements de Callac en 2022 (la municipalité souhaitait implanter un lieu d'accueil pour les réfugiés, projet avorté suite aux pressions de l'extrême et ultra droite) lui a valu plusieurs menaces de mort . « Le sentiment d'abandon suite à la fermeture des services publics, surtout dans la ruralité, est aussi à prendre en compte », précise Ludovic Morin, secrétaire général de l'UD 29.
Malgré des scores élevés aux élections européennes 2024 (premier avec 24,89 % dans le Finistère) et législatives la même année (en tête dans 12 des 277 communes du Finistère), un espoir subsiste concernant les municipales. « Le RN ne dispose pas de personnel politique qualifié dans le département. Ils sont incapables d'avoir un discours adapté au local. Aucune connaissance des dossiers », relève le journaliste. « A part l'immigration, les promesses de ce parti sont limitées », enfonce Ludovic Morin.
Sur le terrain, Xavier Morvan combat les propos d'extrême droite en pratiquant le fact-checking (vérification des faits) à l'aide de son portable. Et ce, d’autant que la bollorisation des médias contribue largement à relayer les idées d’extrême droite. « En pleine discussion, je vais sur les sites de L'Huma, de la CGT, du Monde, etc. Je montre contre quoi a voté le RN à l'Assemblée Nationale : l'augmentation du Smic, l'indexation des salaires sur l'inflation, etc. Ça remet les pendules à l'heure. » Sans oublier les leçons d'histoire, période 1939-45, face au mantra « on a jamais essayé. »
Sandrine Malardé insiste sur l'animosité du RN envers les syndicats et les conséquences de leur disparition. « Qui ira négocier les NAO ? Décrocher des accords handicaps ? Des augmentations ? » Pour autant, elle refuse de donner des consignes de vote, renvoyant chacun à son « libre arbitre. » De son côté, Sébastien Friant se base sur les revendications des ouvriers pour mieux les rallier à sa cause. « Tu es pour la suppression de la retraite à 64 ans ? Plus de justice sociale ? OK sauf que ce n'est pas le programme du Rassemblement National. » Il tente également de syndiquer au maximum la main-d'œuvre d'origine étrangère, pour l'aider à y voir plus clair et ne pas succomber aux promesses du RN. « Nous avons une élue africaine. Elle connaît plusieurs dialectes et aide à faire passer nos messages. »
Les trois délégués syndicaux aimeraient suivre des formations pour combattre l'extrême droite. Mais faute de temps, et parce que « trop de boulot dans nos usines », ils s'autoforment, se nourrissant des prises de parole en manifestation et de la lecture de divers journaux.
En parallèle aux formations internes à la CGT, l'association VISA (Vigilance et initiatives intersyndicales antifascistes) organise des stages. Signe d'une prise de conscience, « nous avons dispensé 46 formations en 2025 dont 38 dont un cadre unitaire », éclaire Sébastien (nom d'emprunt), syndicaliste et formateur au sein de la structure. « On démonte l'imposture sociale du RN, les collusions avec des milliardaires et grands patrons. On apprend à décrypter les éléments de langage, leurs visuels, en s'appuyant sur des cas concrets. Comment retourner leur argumentaire, aussi. Chaque participant amène les cas auxquels il est confronté, nous apprenons sans cesse. »
Il marque un silence avant d'affirmer : « le but, c'est de s'armer syndicalement, d'agir ensemble. Nous, syndicats, devons montrer l'exemple. Affirmer nos valeurs et lutter contre toute forme de discrimination. »
Jonathan Konitz

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