A contre courant
Dans ces « moyens métrages romanesques », qu'il a pratiqués avec bonheur dans une plus d'une demi-douzaine de livres, on retrouve les thèmes qui jalonnent toute l’œuvre de Jim Harrison. Son rapport à la nature, aux femmes, à la bonne chère et surtout les choix qui balisent toute existence.
Deux longues nouvelles composent cet ouvrage, qui n'ont aucun rapport entre elles, si ce n'est de nous faire rencontrer deux hommes, Clive et Thad, à un tournant de leur vie.
LA ROUTE DU RETOUR
Clive, protagoniste de « Au pays du sans-pareil » est un sexagénaire dont les ambitions de peintre abstrait ont été stoppées nettes par une critique assassine qui avait qualifié sa peinture de « ridiculement décorative ».
Il s'était alors replié sur une activité d'expert en beaux-arts qui ne l'avait pas plus comblé que mis à l'abri financièrement. De retour dans sa région d'origine pour veiller quelques temps sur sa mère âgée, ornithologue amateur aux idées bien arrêtées, Clive est bouleversé par la résurgence de souvenirs enfouis, de désirs inassouvis, d’amours tombées à l’eau et d'expériences inabouties.
Le courant de sa vie ne l’a-t-il pas emporté trop loin du jaillissement créatif lui faisant croire à son tarrissement ? Ce retour aux racines pourrait-il tout changer ? A soixante ans passés, Clive va se jeter à l’eau, revenir aux sources et y puiser une nouvelle force de vie.
La seconde novella, qui donne son titre à l'ouvrage, nous fait rencontrer Thad, étudiant en histoire naturelle, et dont l'élément de prédilection n'est pas la terre ferme, mais les cours d'eau qu'il parcourt à la nage parfois sur des distances considérables.
CRÉATURES AQUATIQUES
Elevé en partie par Dent, une vieille indienne anishinabe, Thad, nageur hors pair, ne montre pas la même réussite dans ses relations amoureuses avec deux jeunes femmes aux pères autoritaires ou envahissants. Mais, outre qu'il dote son héros d'un don extraordinaire pour la nage, Jim Harrison nous entraîne avec lui en douceur dans le merveilleux, sous la forme de « bébés aquatiques , longs d'une vingtaine de centimètres dotés des traits de bébés ordinaires, des cheveux bruns et la peau rosâtre ».
Thad garde longtemps secret l'existence de ces minuscules génies des eaux qui semblent le protéger et qui, selon Dent, seraient la réincarnation d'enfants morts en bas âge. Hésitant sur son avenir, résistant aux sirènes de la gloire (il pourrait aisément devenir champion de natation) et de l'argent (une petite amie très fortunée), Thad est, comme Clive, à l'embouchure du cours d'une vie qui pourra l'emporter vers une direction où une autre.
On retrouve avec un vrai bonheur le style poétique et l'humour décalé qui marquent les meilleurs livres de Jim Harrison et font qu'on attend toujours le suivant avec espoir.
Editions Flammarion. 257 p., 19, 90 €.