Arkema : Le lock-out patronal, déjoué par la CGT
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Les négociations sur les régimes de retraite complémentaires des non-cadres (ARRCO) et cadres (AGIRC) débutent aujourd'hui 17 février dans un climat tendu. Ces deux régimes sont confrontés à un réel problème de recettes insuffisantes, aggravé tant par les conséquences de la crise et du manque à gagner lié aux suppressions d'emplois, que par le refus patronal d'augmenter le montant des ressources allouées aux régimes. Pourtant, la situation des retraités se dégrade de manière continue, comme le dénoncent ensemble les unions syndicales de retraités. Pour le patronat, il s'agit de réduire encore le niveau de protection sociale. La CGT propose au contraire de rendre leur financement plus juste et plus efficace.
Les comptes de l'Association générale des institutions de retraite des cadres (Agirc) et de l'Association des régimes de retraite complémentaires (Arrco), auxquelles sont affiliés quelque 18 millions de salariés, et qui versent des pensions complémentaires à près de 15 millions de retraités, sont dans le rouge. Si les réserves qu'elles ont constituées leur permettent de continuer à verser ce qui représente en moyenne 31% de la retraite des salariés non-cadres et 57% de celle des cadres, cela ne serait plus le cas à brève échéance (2018 pour l'Agirc et 2025 pour l'Arrco).
Comme le régime général, en effet, les caisses de retraite complémentaires doivent faire face à l'allongement de la durée de la vie, et donc, à l'augmentation du nombre de retraités par rapport au nombre d'actifs. Mais contrairement au régime de base, elles ne bénéficient ni de la CSG, ni de la possibilité de voir leurs comptes équilibrés par un versement de l'État.
Va-t-il falloir réduire le montant des pensions ou retarder encore l'âge de départ en retraite, voire combiner les deux mesures? Va-t-il falloir au moins, dans un premier temps, fusionner les deux régimes pour en réduire les charges de fonctionnement et renoncer à la «clause plancher» qui empêchait la baisse de la valeur nominale des pensions (1)? C'est en ces termes que le Medef présente l'enjeu des négociations qui doivent s'ouvrir dans ses locaux, le 17 février, sur l'Agirc et l'Arrco (2). Pour le patronat, rien n'interdirait aux salariés de compléter leurs futurs revenus en adhérant à des systèmes de retraite par capitalisation. Qu'en est-il vraiment?
Il est exact qu'en cette période de crise, les ressources (cotisations assises sur les salaires) ne couvrent plus les dépenses (pensions versées aux retraités) et que l'exercice annuel serait donc en déficit sans recours à des réserves qui ne sont pas inépuisables. Cependant, cela n'est pas lié à l'augmentation du montant global des pensions, mais à l'insuffisance de ressources assises sur les seuls salaires. Les salariés sont en effet triplement victimes d'une politique de bas et très bas salaires: sur leur pouvoir d'achat immédiat d'abord, sur le risque accru de chômage dû à l'anomie de l'économie réelle ensuite, sur le financement des retraites enfin.
Quant aux cadres, parfois perçus comme des salariés «privilégiés», leur rémunération s'est affaissée ces vingt dernières années, sauf pour une poignée de dirigeants aux revenus, pour partie non salariaux, d'un montant indécent. Cette politique de bas salaires, avec ses effets pervers en chaîne, au lieu d'être combattue par le gouvernement, est encouragée par les exonérations de cotisations sociales et les crédits d'impôt consentis aux entreprises précisément sur les salaires les moins élevés (3).
«C'est exactement le contraire qu'il conviendrait de faire, pour plus de justice immédiate comme pour l'avenir du système de retraite», explique Gérard Rodriguez, conseiller confédéral en charge des retraites, et l'un des cinq représentants de la CGT aux négociations qui s'ouvrent le 17 février. «La solution du Medef est de revoir les droits à la baisse. La nôtre est d'augmenter les ressources, ce qui ne revient pas à augmenter le prétendu coût du travail, mais à diminuer la part de bénéfices captée par les actionnaires.»
La réponse, pourtant évidente, au déficit des caisses de retraite complémentaire est en effet la grande absente de la présentation des choses à la sauce patronale. Cette réponse, c'est d'augmenter le «salaire socialisé» que sont les cotisations nécessaires à la pérennité de notre système de retraite par répartition. Élargir à la fois le taux et l'assiette des cotisations sociales permettrait en effet de rétablir l'équilibre des caisses sans porter atteinte ni à l'âge de départ en retraite, ni au montant des pensions. Cette augmentation nécessaire, qui rétablirait un peu d'équilibre entre salaire et capital, pourrait voire son efficacité encore augmentée par une modulation des cotisations.
Les propositions avec lesquelles arrivera la délégation de la CGT aux négociations du 17 février reposent en effet sur l'idée que le montant des retraites ne doit pas être diminué, mais au contraire augmenté. Les pensions de retraite ne sont plus indexées sur les salaires, mais sur l'inflation, ce qui s'est traduit par une stagnation, voire une baisse, de leur montant. Il est temps qu'elles réaugmentent de façon conséquente, ce qui suppose d'accroître les ressources qui leur sont affectées.
C'est possible suivant trois axes:
Pour l'Agirc, les études montrent que les cotisations sont sous-dimensionnées pour maintenir durablement le régime. Elles doivent impérativement être augmentées de 2,45%, la CGT proposant que cette augmentation pèse principalement sur la part dite patronale.
D'autre part, le ratio masse salariale/valeur ajoutée de chaque entreprise est connu. Ce ratio devrait permettre de fixer des taux différents de cotisation (part dite patronale), tant pour l'Agirc que pour l'Arrco, d'autant plus élevés (que les taux en vigueur) que la part des salaires sera plus faible (par exemple, dans l'immobilier ou le secteur bancaire), d'autant plus proches des taux en vigueur que la part des salaires sera plus importante (par exemple, dans le bâtiment).
Le simple fait d'aller vers cette égalité, par l'augmentation de la rémunération des femmes, se traduirait en effet par une augmentation proportionnée des cotisations assises sur les salaires. Selon une étude des services de l'Arrco et de l'Agirc, cela suffirait par exemple à rééquilibrer durablement les comptes de l'Arrco.
Cela passe par l'intégration au salaire des primes d'intéressement et participations, ce qui rapporterait déjà selon un calcul effectué en 2013 – quelque 2 milliards d'euros. Enfin, il est indispensable de taxer les revenus financiers des entreprises à un taux comparable à celui des cotisations sociales, avec un double effet: augmenter le montant disponible pour financer les retraites; inciter les patrons à investir dans la production plutôt que dans la finance.
On le voit donc, avant même que syndicalistes et représentants du patronat se rencontrent, un même constat factuel (le déséquilibre annuel des caisses de retraite complémentaire) peut avoir deux interprétations radicalement différentes, et appeler à la mise en œuvre de solutions diamétralement opposées. C'est l'expression publique de la CGT qui peut rendre audible ce débat, et le rapport de forces qui peut permettre de le trancher dans le bon sens.
(1) Lors des négociations de 2013, l'accord – non signé par les représentants de la CGT – prévoyait que les retraites augmenteraient d'un point de moins que l'inflation donc, qu'elles baisseraient en euros constants. Un plancher était néanmoins prévu, qui s'est appliqué en 2014, au cas où l'inflation serait inférieure à 1%, afin qu'il n'y ait pas de baisse des pensions en euros courants.
(2) L'Agirc et l'Arrco sont gérés paritairement par les cinq organisations syndicales et les trois organisations patronales représentatives. Des rencontres de négociations globales ont lieu tous les trois ans, plus souvent en cas de crise.
(3) Il s'agit principalement de deux mesures. L'une sur la fiscalité: le crédit d'impôt compétitivité emploi s'élevant, pour toutes les entreprises et sans condition, à 6% de la masse salariale pour l'ensemble des salaires inférieurs à 2,5 fois le Smic. L'autre sur les cotisations sociales: exonérations et allégements de cotisations sociales pour tous les salaires inférieurs à 1,5 fois le Smic, avec un dispositif dit «zéro charges» pour les salaires au Smic.
Article à retrouver sur le mensuel «NVO» nouvelle formule.
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