La tension monte chez Dassault Aviation
Ce n'est pas encore la grosse colère, mais le mécontentement est déjà manifeste. Et pour le faire savoir à leur direction, quelque 200 salariés de Dassault Aviation du site d'Argenteuil ont cessé le travail mardi 17 février. Le message est clair: «Trop, c'est trop!» Motif du ras-le-bol? La quatrième semaine de congés payés dont l'employeur veut imposer le calendrier. Comme elle l'a fait savoir en amont de l'ouverture des NAO, la direction veut que les quatre semaines de repos annuel soient désormais prises consécutivement au mois d'août, pour raisons de fermeture du site. Les salariés, eux, sont vent debout contre leur direction et réclament de disposer de ces jours de congé entre les mois de juin et d'octobre.
«Pas question de nous laisser imposer des dates de congés au moment du pic de d'activité touristique, quand les prix sont trois fois plus élevés et donc insoutenables économiquement pour la plupart d'entre nous; sans compter les problèmes qui vont se poser en termes de compatibilité de dates de congés entre conjoints», s'est indigné le secrétaire du syndicat CGT de Dassault aviation, Sébastien Bourdonnais.
AU-DELÀ DES CONGÉS IMPOSÉS
Il y a à peine plus de dix ans encore, seules deux semaines de congés pour fermeture étaient imposées. Avant de passer à trois semaines consécutives, et bientôt à quatre, pour des motifs que les salariés jugent bien piteux: «l'entretien des machines nécessite quatre semaines de travaux» ou encore «priorité aux moyens industriels!», dixit la direction. Rien de très convainquant de l'avis des salariés qui ne voient à travers ce fétichisme du congé imposé qu'une énième injonction de se soumettre au bon vouloir de leur direction. «Il n'y a pas plus de machines à entretenir aujourd'hui qu'il y a quinze ans» s'agace Laurent. Fier de travailler au service d'une industrie de pointe et fier de la qualité du savoir-faire français dans le domaine aéronautique, ce technicien ajusteur se dit révolté. Et pas uniquement à cause de ce vieux dada patronal des congés imposés.
«Notre colère va bien au-delà», assure le salariés en pointant la politique de dévalorisation généralisée de Dassault Aviation: «Il n'est pas normal de ne pas valoriser des métiers de si grande qualité, pas normal de nous refuser la reconnaissance de nos expertises et, pire que tout, de laisser fuiter des compétences qu'on ne pourra plus renouveler juste pour nous signifier que nous sommes tous remplaçable par toujours plus précaires, alors qu'il s'agit de construire des avions de pointe comme le Rafale», dénonce pêle-mêle le gréviste.
ROMPRE AVEC LA DÉVALORISATION
Principale cause de ce ressentiment général, la politique de précarisation du salariat à l'œuvre depuis plusieurs années. «Ici, l’externalisation via la sous-traitance et l'intérim atteint désormais 30% de la masse salariale et c'est lourd de conséquences sur le travail, sur les conditions de travail, sur le renouvellement des compétences clés et, bien sûr, sur les salaires», explique Sébastien Bourdonnais. D’après les calculs du syndicat, le pouvoir d'achat des salariés d'Argenteuil aurait baissé de 38 % entre 1986 et 2015. À contre-épreuve de quoi, les cadences infernales, les pressions et les efforts supplémentaires demandés aux salariés n'ont fait que s'intensifier. «Il n'y a qu'à voir la hausse de l'absentéisme pour excès de fatigue cumulée pour comprendre qu'il est vital de pouvoir disposer de ses congés et que trop, c'est trop!» s'exaspère le syndicaliste.
Ou trop peu… S'agissant des salaires, par exemple, qui plafonnent en moyenne autour de 1500 euros net mensuels, ça vole bien bas pour une industrie de pointe au rayonnement mondial. Laquelle, de surcroit, a empoché 14 millions d'euros d'aides publiques rien qu'en 2014.
C'est pour rompre avec cette logique de la dévalorisation généralisée que la CGT organisait cette première étape de mobilisation. Un premier tour de chauffe pour donner le tempo avant le décollage des NAO.