Opération pillage à tous les étages
Alors qu'il a été placé en liquidation judiciaire – sans poursuite d'activité – le 2 mars, le laboratoire seine-et-marnais poursuit sans relâche son démantèlement post-mortem. Les représentants du personnel, qui n'ont toujours pas renoncé à la relance par la reprise de l'activité, ont fait cette étrange découverte : deux enregistrements de certificats (l'équivalent des brevets), pour les molécules d'«adrénaline» et d'«adrénaline tartrate» produites par MitryChem ont été transférés au Luxembourg le 13 mars dernier. D'après les registres consultés, ces actifs ont été enregistrés à la demande et pour le compte de Rouver Investment, fonds d'investissement luxembourgeois dont l'actionnaire unique n'est autre que Alexandre Mayr, le PDG de MitryChem.
«Ces actifs ne peuvent en aucun cas être enregistrés pour le compte de Rouver, qui est un fond d'investissement et non un producteur de médicaments», explique Sylvain Bernard, le délégué syndical CGT de MitryChem. Rien qu'à ce titre, l'agence européenne qui les délivre n'aurait pas dû avaliser la demande d'enregistrement présentée par Rouver Investment, puisque seul MitryChem en est le producteur. D'autant plus que, quelques mois auparavant, la direction de MitryChem avait déjà tenté le même coup. Sans succès puisque, pour les mêmes raisons, la demande de Rouver avait été rejetée. Forts de ce précédent, les élus du personnel avaient bien pris soin, lors d'un comité d'entreprise, d'alerter l'administrateur judiciaire de leur crainte que la direction ne retente la même manœuvre. «L'administrateur nous avaient alors assurés qu'il serait attentif aux transferts d'actifs, nous sommes donc perplexes de constater que coup sur coup, deux autorité sensées exercer une sorte de vigilance aient dysfonctionné après que l'entreprise ait été liquidée», ajoute le délégué syndical.
EFFRACTIONS
Outre les suspicions de faillite frauduleuse que cette succession de dysfonctionnements ne manque pas d'alimenter, la rapinerie du 13 mars pose un autre problème, à savoir le risque que ces transferts financiers ne grèvent artificiellement la viabilité de Mitrychem. Une hypothèse bien sombre pour les salariés, qui avaient réussi là où l'administrateur judiciaire avait échoué : identifier des repreneurs potentiels du site afin de relancer l'activité. Suite à la diffusion de leur plaquette illustrant le potentiel de MitryChem, un acteur chinois s'est d’ailleurs manifesté. Plutôt intéressé par le projet de reprise, il a logiquement donné mandat aux élus du personnel de le tenir informé de tout mouvement relatif à l'entreprise MitryChem. «Nous craignons que ces transferts d'actifs ne compromettent ce projet de reprise», avoue, dépité, Sylvain Bernard. Sans compter que l'opération de pillage industriel ne se cantonne pas aux deux produits transférés au Luxembourg : «Depuis sa mise en liquidation, le site de MitryChem subit chaque jour des effractions en tous genres : disparition de dossiers répertoriant le mode opératoire de fabrication des médicaments, matériels de toutes sortes, et outils, alors même que la direction comptait tirer 2 millions d'euros de la revente du site. «Je m'y rends chaque jour et je prends des photos que j'adresse ensuite par lettre recommandée à l'administrateur judiciaire pour l'alerter, et dont j'envoie copie au sous-préfet». Gageons qu'à force de n'y voir que du feu, les autorités judiciaires s'attacheront à faire toute la lumière qu’exige sur cette affaire.