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Norbert Dentressangle : un américain prend le volant

11 mai 2015 | Mise à jour le 9 mars 2017
Par | Photo(s) : AFP
Norbert Dentressangle : un américain prend le volant

Le transporteur français a été racheté dans le plus grand secret. Ses 42 461 salariés en ont été informés par les médias.

La vente du groupe Norbert Dentressangle, numéro un national du transport privé, à l'américain XPO Logistics, s'apparente à une douche froide. Au propre comme au figuré. C'est au petit matin du 29 avril, à l'heure de la douche, que les salariés et leurs représentants ont appris en écoutant la radio qu'ils étaient passés sous pavillon américain dans la nuit. « Voilà comment sont traités les 42 461 salariés d'un fleuron qu'ils ont pourtant tous contribué à construire », dénonce Thierry Mayer, délégué central CGT du groupe ND.

UNE GRANDE INQUIÉTUDE

La question de la succession du fondateur et actionnaire principal du groupe (67 % du capital) avait pourtant été posée encore récemment par les représentants du personnel. Suscitant à chaque fois la même réponse rassurante. Aujourd'hui, en revanche, le ministre du travail est bien le seul à se satisfaire de l'engagement pris par Bradley Jacobs, de garantir l'emploi « pendant 18 mois ». Et Thierry Mayer d'inviter François Rebsamen à venir discuter avec les salariés pour mesurer leur inquiétude. Ce que les dirigeants du groupe ND qualifient d'opportunité pourrait bien, en effet, se solder dans un an et demi – période nécessaire pour remettre en cause les accords sociaux – par un dépeçage en règle.

L'ARRIVÉE DES FONDS DE PENSIONS

Après cette première transaction qui a rapporté la somme astronomique de 3,24 milliards d'euros à Norbert Dentressangle, l'heureux propriétaire américain entend acquérir dans les plus brefs délais et dans le cadre d'une OPA, les 33 % restant du capital. S'il n'a, à ce jour, donné aucune information sur la stratégie du nouveau groupe ni présenté aucun schéma industriel pour assurer son avenir, Bradley Jacobs a, en revanche, assuré la présence dans toute l'Europe, de son groupe jusque-là exclusivement implanté en Amérique du Nord où il employait quatre fois moins de salariés que ND.
Entre 2012 et 2014, XPO Logistics, spécialiste du rachat de sociétés, affichait une perte nette et en forte dégradation, le groupe français affichant quant à lui un résultat net positif et stable sur la même période. Le capital du groupe américain est majoritairement détenu par des fonds d'investissement dont dépendent, par exemple, les retraites des enseignants de l'Ontario au Canada.

DIX HUIT MOIS POUR EMPÊCHER LE DÉPEÇAGE

La rentabilité à court terme et la plus-value de revente à moyen terme risquent fort de présider aux destinées de ND et de ses salariés. « Nous allons être une machine à produire du cash », indique Thierry Mayer en rappelant que le dumping social est une pratique très en vogue outre-Atlantique, dans le transport en particulier. Sans camion en propre, XPO Logistics fait ainsi travailler de façon permanente une myriade de chauffeurs indépendants qu'il pressure à souhait. Est-ce le modèle destiné à être appliqué dans le groupe français qui va perdre son nom ? Va-t-on assister à une généralisation de pratiques qui valent déjà à la direction de ND une procédure pour « prêt de main d'œuvre illicite » et « travail dissimulé ». L'URSSAF notamment s'est portée partie civile, en vue de recouvrer 27 millions d'euros de cotisations sociales dont le groupe aux camions rouges s'est affranchi en faisant travailler des chauffeurs polonais, roumains et portugais sur le sol national selon les normes salariales en vigueur dans leurs pays respectifs.
« Il y a tout lieu de penser que XPO Logistics se donne 18 mois pour sortir l'artillerie lourde », souligne Thierry Mayer. « C'est aussi un délai que nous emploierons pour développer la mobilisation et les convergences d'actions avec nos nouveaux collègues aux États-Unis ».