L’idée du droit à la déconnexion commence à s'imposer
Une semaine après la remise du rapport Combrexelle au premier ministre en prélude à une réforme du Code du travail, la livraison du rapport Mettling sur les effets sociaux du numérique offre un état des lieux et délivre des préconisations. Préconisations que la nouvelle ministre du Travail souhaite voir intégrées au projet de loi sur la réforme du Code du travail qu'elle présentera dans quelques mois.
LE NUMÉRIQUE INDUIT UN NOUVEAU LIEN AVEC LE TRAVAIL
La diffusion des technologies d'information et de communication est telle que le rapport évoque une « surcharge informationnelle et communicationnelle » qui peut se révéler « contreproductive », mais aussi intrusive dans la sphère personnelle et privée des salariés. Cette « infobésité » est de plus en plus vécue par les salariés, notamment les plus qualifiés et en charge de responsabilités, comme un risque psychosocial, un facteur de stress qui engendre, selon Bruno Mettling, « un sentiment de fatigue ».
« En raison des sujétions particulières associées à leurs responsabilités, mais aussi de l'autonomie qui caractérise souvent le statut des cadres, l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée se trouve, pour un nombre croissant d'entre eux, difficile à réaliser », note Bruno Mettling. « Cela pose, avec plus d'acuité encore, la délicate question de la mesure et du suivi de la charge de travail. »
RESPONSABILITÉ PARTICULIÈRE DE L'EMPLOYEUR
Le rapport note à ce propos que « tous les salariés n'ont pas le même pouvoir de négocier et de réguler la frontière » entre vie professionnelle et vie privée, mais qu'il « est de la responsabilité de l'employeur d'assurer le respect de la santé et la sécurité des salariés, notamment en garantissant les temps de repos.
Savoir se déconnecter au domicile est une compétence qui se construit également à un niveau individuel (des rapports au temps, longs à construire et plutôt stables), mais qui a besoin d'être soutenue au niveau de l'entreprise (par des chartes, des actions de sensibilisation, par exemple), ainsi que par des contextes collectifs favorables (ex. réciprocité entre les salariés).
Le droit à la déconnexion est donc bien une coresponsabilité du salarié et de l'employeur, qui implique également un devoir de déconnexion. »
Mais le rapport n'incite pas à en passer par la loi pour établir un droit à la déconnexion, suggérant de faire confiance au dialogue social dans les entreprises et les branches. Et c'est là une des faiblesses de ce rapport qui s'inscrit dans le mouvement actuel de rupture avec la hiérarchie des normes et le principe de faveur.
UN DÉBAT LANCÉ PAR LA CGT, ENFIN RECONNU PAR L'ÉTAT
Pour l'Ugict CGT qui mène campagne depuis plusieurs mois sur le droit à la déconnexion, ce rapport « permet enfin d'ouvrir le débat : il souligne la nécessité de prévenir et d'anticiper l'ensemble des risques que comporte cette mutation majeure, en refusant que le numérique ne soit le prétexte à remettre en cause les fondements de notre modèle social », regrette la CGT cadres.
« Il occulte les menaces en matière de suppression d'emplois et reste sur des ambiguïtés concernant la façon de sécuriser le forfait jours » qui couvre aujourd'hui 47 % des cadres français, poursuit l'organisation spécifique des ingénieurs, cadres et techniciens. L’Ugict CGT réclame notamment « la mise en place d'une négociation obligatoire dans chaque entreprise sur l'utilisation des outils numériques, prévoyant notamment des plages de trêve de mails », un « renforcement » de la réglementation du télétravail et « l'encadrement des forfaits jours pour mettre la France en conformité avec le droit européen et international ».
Sur la question du temps de travail et du forfait jours, le rapport constate que cette dérogation à la durée légale du travail « est la réponse la plus adaptée aux salariés autonomes du numérique ». Il convient donc de la sécuriser au plan juridique. La justice ayant d'ailleurs annulé des accords qui l'instituaient parce qu'ils ne respectaient pas les obligations légales sur les temps de repos.
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