Une grève unanime et déterminée
Ils sont 175 sur 200 salariés du site d’Europe Service Déchets (ESD) de Wissous à s'être déclarés en grève le 14 juin, jour de manifestation nationale contre la loi « travail ». Ils occupent le site et bloquent la sortie des camions-bennes qui, d'ordinaire, assurent le ramassage des ordures et encombrants ménagers d'une dizaine de communes de l'Essonne.
Chaque jour, avec leur syndicat CGT, ils organisent une assemblée générale du personnel et votent, unanimement, la reconduction de la grève. « C'est notre votation citoyenne à nous contre la loi travail », sourit Hassan.
Selon le gouvernement, les salariés et les citoyens de France n'auraient pas compris la loi « travail », qu'il faudrait mieux leur expliquer. Les agents d'ESD, eux, vivent déjà au quotidien une part de ce que cette loi permettrait de généraliser à tous.
« Nous demandons l'application des dispositions de notre convention collective et le respect du code du travail qui sont bafoués à tous les étages depuis … des années », commente le délégué syndical CGT, Sidibé Omarou. Il n'y a qu'à voir le cahier revendicatif du syndicat CGT d'ESD pour s'en convaincre. Exemples en vrac : aucune augmentation générale des salaires depuis quatre ans car les négociations générales obligatoires se concluent systématiquement par une fin de non-recevoir de la direction ; aucune évolution professionnelle depuis la date du recrutement, comme en témoigne la fiche de paie de Jean-Louis, dont le salaire et le coefficient salarial sont gelés depuis dix ans.
Les salaires sont si faibles qu'une majorité de salariés doit régulièrement recourir à la demande d'avance sur salaire pour boucler les fins de mois.
MÉTIERS À RISQUES, HYGIÈNE ET SANTÉ
Le métier comporte de sérieux risques professionnels, notamment en matière de santé, mais il n'existe aucune prime de risque alors que cette disposition est pourtant prévue par la convention collective. De même, il n'existe pas de bonus, conventionnel, pour l'enlèvement des encombrants. Les temps de douche et d'habillage sont exclus du calcul du temps de travail et, dans le droit fil de cette «hygiène patronale », les locaux ne sont toujours pas équipés d'une laverie d'entreprise, malgré les nombreuses réclamations et les risques sur la santé que cela implique.
« Laver nos tenues de travail dans nos lave-linges domestiques entraîne des contaminations de tout le linge de la famille, notamment des mycoses, voilà pourquoi nous réclamons des lave-linge et des détergents professionnels spécifiques pour ce type de nettoiement », explique Mamadou. Les frais de nettoyage des « bleus de travail » ne sont pas pris en compte et sont à la charge des salariés, contrairement aux dispositions légales.
MALADIE DU VERRE ET HANDICAPS
Autres négligences et manquements de l'employeur : « Les camions-bennes devraient être lavés chaque jour, ils ne le sont jamais, et nous on respire en permanence toutes ces saletés », poursuit Mamadou. Même les minima ne sont pas respectés, comme c'est le cas de la fourniture d'équipements de protection, aléatoire et insuffisante, notamment en masques et gants de travail, témoignent les salariés.
« L'enlèvement du verre provoque de graves maladies pulmonaires mais nous n'avons pas de masques pour nous protéger des poussières de verre, plusieurs collègues affectés ont été déclarés inaptes au travail, mais ils peinent à faire reconnaître la maladie professionnelle, alors que c'est évident. » À noter aussi les accidents du travail, fréquents dans l'activité d'enlèvement des encombrants. Les bennes n’étant pas adaptées à la hauteur du camion, les efforts fournis pour les soulever provoquent de nombreux troubles et maladies de dos.
Et parfois de sérieux handicaps.
TOUT CHANGER AVEC LA CGT
Cette politique de la maltraitance n'est pas nouvelle chez EDS. Installée depuis des années, elle n'a jamais été vraiment contestée en raison des représailles ou autres chantages à l'emploi. La nouveauté, chez EDS, c'est d'avoir réussi le tour de force d'imposer enfin une liste CGT lors des toutes récentes élections professionnelles. « Dès la mise en place du nouveau comité d'entreprise, que l'employeur ne cesse de repousser, mais qui va se faire, nous désignerons le CHSCT et nous pourrons alors lancer diverses expertises en matière économique et de sécurité et santé », indique le délégué syndical.
« D'ici là, la grève va continuer autant que nécessaire, parce que la direction va devoir nous payer les jours de grève, nous le lui avons annoncé », ajoute Hassan. Face à une direction d'entreprise rodée aux représailles, remplacements (illégaux) de grévistes par des intérimaires et autres stratagèmes, il faudra savoir maintenir élevé le rapport de forces nouveau engagé par le nouveau syndicat.
C'est tout le sens des actions de solidarité engagées par la CGT de l'Essonne : mise à disposition de ses moyens juridiques et, via l'union locale d'Évry, organisation d'une collecte en solidarité et soutien des grévistes d'EDS.