À contretemps : un thriller social haletant

Une folle course contre la montre dans les bas-fonds de Madrid. Voilà le cadre dans lequel se lancent à corps perdu : un avocat humaniste (Luis Tosar) qui recherche désespérément – avec l'aide des services sociaux – la maman d'une fillette retrouvée seule à son domicile ; une mère de famille (Penélope Cruz) qui bataille avec le soutien d'associations pour échapper à l'expropriation imminente de son logement ; une vieille veuve ruinée qui s'apprête à voir son appartement saisi après avoir tenté d'aider son fils à lancer un négoce vite échoué.

Ces trois trajectoires ont juste le temps de s'entrecroiser avant que le couperet ne tombe. Elles révèlent la sombre réalité sociale et économique espagnole qui frappe les plus précaires et permettent au metteur en scène, Juan Diego Botto, de sortir de l'anonymat la masse des victimes

des 41 000 expropriations auxquelles s'ajoutent, chaque année, plus d'une centaine d'expulsions. Le film agit comme un coup de poing, asséné pour mieux dénoncer la double peine que subissent les familles dépossédées de leur logement après qu'elles n'ont pas pu rembourser en totalité leur crédit immobilier suite à la crise financière de 2008.

Construit comme un thriller, mais solidement documenté – des scènes ont réellement été tournées au cours de réunions d'associations de lutte contre les expropriations -, À contretemps agit comme une bombe à retardement. Violence étatique versus solidarité. Menée tambour battant et tournée avec des comédiens non professionnels, cette chronique contemporaine d'une métropole ravagée par la financiarisation de l'économie nous plonge au cœur de la paupérisation de la classe moyenne, une paupérisation restée hors-champs des journaux télévisés.

A contretemps, Juan Diego Botto, 1h43. Sortie nationale : 5 juillet 2023