NVO 3590 : Colères déconfinées
Retrouvez le numéro 3590 de juin 2020 de la NVO Lire la suite
Après quatorze jours de non-parution, la grève des salariés de L'Équipe a été suspendue ce vendredi 22 janvier après-midi, mais « le mouvement continue », prévient l'intersyndicale (SNJ, SNJ-CGT, BP-Ufict-CGT, SGLCE-CGT), qui se bat contre le plan de la direction de supprimer une cinquantaine de postes.
La veille, le directeur général du journal, Jean-Louis Pelé, s'est engagé « à ne procéder à aucun départ contraint », chez les maquettistes, les iconographes et les photographes, des catégories où « le nombre de départs volontaires […] pourrait être plus difficile à atteindre » qu'ailleurs.
« Ces avancées viennent s'ajouter à celles obtenues au fil du mouvement », souligne l'intersyndicale, qui a également obtenu une amélioration de l'indemnisation des licenciements et un cadre qui permet d'espérer atteindre la revendication majeure : éviter tout départ contraint.
L'intersyndicale prévient cependant que, si besoin, elle « relancera [la grève] afin que la direction respecte ses engagements ». La vigilance est effectivement de mise.
Le rapport présenté le 14 janvier par les experts du cabinet Apex-Isast, lors d'une réunion extraordinaire du CSE est plus qu'inquiétant. Il y est question, au sein des équipes actuelles, de « burn-out, pathologies chroniques, ulcères, troubles cardiaques, de “conduites addictives ou encore d'insomnies.
« Nous en sommes au huitième PSE, commente Stéphane Antoine, élu SNJ-CGT au CSE. Le premier a eu lieu en 2007. Au plus haut des effectifs, nous sommes montés à 600 salariés. Nous ne sommes plus que 320 CDI aujourd'hui. »
Stéphane Antoine craint « une situation très alarmante sur les conditions de travail. » Des risques qu'Apex-Isast désigne très précisément : un « déséquilibre de vie plus fort », un « travail de plus en plus isolé », une « fragilisation du collectif de travail », la « crainte quant à l'augmentation du risque d'erreurs et de la baisse de qualité, source de stress », des « tensions/conflits dans les relations personnelles et professionnelles », une « surcharge de travail », des « risques de harcèlement, d'isolement… »
Le 18 janvier, Jean-Louis Pelé avait cru bon présenter une « solution alternative au PSE », en mettant sur la table « un accord de ruptures conventionnelles collectives (RCC) […] sans départs contraints », portant sur 20 à 34 postes, couplé à un « accord de performance collective ».
Ce dernier prévoyait la perte de dix jours de RTT et une baisse de salaire jusqu'à fin 2022, qui « pourrait aller de 5 % en cas de départs de 20 salariés à 0,9 % en cas de départ de 34 salariés ». Un véritable « chiffon rouge » pour le personnel, résume Stéphane Antoine, rappelant qu'au printemps dernier, c'est déjà un projet de RCC qui avait mis le feu aux poudres.
La direction, qui a toujours refusé de suspendre le PSE pour prendre le temps d'une réelle négociation, continue de tabler sur le 3 février pour obtenir un accord. Elle assure que ses plans visent à éviter un « cycle de déficits annuels structurels évalués à 6 millions d'euros pour cette année, 7 en 2022, 10 en 2023 puis 2024 ».
Mais quelle crédibilité accorder à ces chiffres ? Le 8 juin, Jean-Louis Pelé prédisait « un déficit de plus de 16 millions d'euros » en 2020 pour la SAS L'Équipe. Il a finalement été quatre fois moindre, tandis que la maison-mère, le groupe Amaury, possède plus de 500 millions d'euros de trésorerie. De quoi voir venir…