Racisme au travail : l’urgence d’agir
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Il y a « urgence à mener des politiques publiques fortes pour lutter contre les discriminations » alerte le Défenseur des droits, l'institution dirigée par Jacques Toubon, dans l'étude sur les discriminations liées à l'origine dans l'accès à l'emploi, rendue publique le 19 septembre 2016.
Cette étude dresse « un panorama particulièrement inquiétant du parcours d'obstacles que constitue le marché du travail pour les personnes d'origine étrangère », surtout si elles sont vues comme arabes et musulmanes.
758 personnes, âgées de 18 à 65 ans et d'un niveau de qualification plutôt élevé, ont répondu en ligne à l'appel à témoignage lancé au printemps par le Défenseur des droits. Certes, le panel n'est pas représentatif, puisque volontaire, mais les propos recueillis illustrent « la diversité des difficultés » rencontrées par cette population et « leurs conséquences sur les parcours professionnels et personnels ».
L'existence d'une discrimination à l'embauche liée à l'origine ayant par ailleurs été largement documentée depuis plusieurs années (voir les études et analyses de l'Insee, l'INED, le CESE, France Stratégie…), l'analyse des témoignages s'appuie sur de nombreuses références.
Parmi les répondants, plus de 60 % déclarent avoir été « souvent » ou « très souvent » confrontés aux discriminations dans l'accès à l'emploi ou à un stage au cours des cinq dernières années. Mais si l'origine est le motif majoritairement évoqué, celui-ci se cumule avec d'autres critères : les deux tiers mentionnent les noms et/ou prénoms et un tiers la couleur de la peau ou les convictions religieuses réelles ou supposées.
Cette demandeuse d'emploi de 25 ans, pourtant « recommandée » par tous ses anciens tuteurs, dit en avoir fait la douloureuse expérience : « J'ai à peine décroché deux entretiens en sept mois en postulant tous les jours et en rappelant les entreprises. » « Il est clair que ni mon nom et mon prénom, qui sonnent très étrangers, ni ma couleur de peau ne m'aident. »
De même, cette étudiante de 20 ans, qui dit n'être « jamais très à l'aise » quand elle doit déposer son CV ou téléphoner pour une candidature : « J'ai l'appréhension de donner mes nom et prénom. J'ai toujours un peu peur. »
Le Défenseur des droits précise que « les convictions religieuses sont beaucoup plus citées comme motif de discrimination par les personnes vues comme arabes (42 %) que comme noires (8 %) » et lie cette situation au « contexte actuel où les préjugés attachés à la religion musulmane sont particulièrement marqués ».
Il mentionne, à ce sujet, le rapport annuel 2015 de la CNCDH « Au lendemain des attentats de novembre, le patron m'a dit qu'il voulait travailler avec des Français et m'a licencié. Pour info, je suis français », raconte ce demandeur d'emploi de 41 ans.
« Face aux discriminations à répétition », « les personnes d'origine étrangère tentent de trouver des solutions pour adapter leur projet professionnel et trouver malgré tout à s'insérer dans le marché du travail », écrit le Défenseur des droits. Les plus diplômés envisagent l'expatriation comme cette femme, demandeuse d'emploi : « Je travaille dans l'informatique bancaire, j'ai 27 ans, un bac +5, je parle 4 langues couramment, j'ai de l'expérience mais toujours pas de CDI… Actuellement je pense à changer de pays et monter ma boîte à l'étranger. » Pour d'autres, le déclassement ou l'acceptation d'un emploi précaire sont la seule issue pour parvenir à accéder à l'emploi.
Dans tous les cas, les personnes étrangères qui ont subi des discriminations tout au long de leur parcours professionnel font état de conséquences qui affectent leur vie personnelle. Cela va de la résignation à l'abattement, notamment chez les femmes dont 43 % d'entre elles indiquent une perte de confiance en soi (contre 30 % des hommes) jusqu'au profond désespoir : « Malgré mon parcours exemplaire, j'ai abandonné l'idée de retrouver du travail et traverse une dépression. Je pense changer de nom », témoigne cette demandeuse d'emploi de 35 ans. De même, ce demandeur d'emploi de 32 ans : « Juste que ça détruit une vie. Socialement, psychologiquement, et parfois on a envie de disparaître car on se sent inutile ».
Autant de réactions et d'attitudes qui, ajouter au non-recours à leurs droits, « signalent » selon le Défenseur des droits, « une perte de confiance à l'égard des institutions de la République et en la capacité des politiques publiques à lutter contre cette situation ».
Une femme de 28 ans, qui a un emploi, forme l'espoir « que cette étude ouvrira les yeux sur le mal-être de la troisième génération issue de l'immigration. On parle d'intégration alors que nous faisons partie intégrante de la France, alors que la France est le seul pays que nous ayons connu ».
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