À venir
Votre identifiant correspond à l'email que vous avez renseigné lors de l'abonnement. Vous avez besoin d'aide ? Contactez-nous au 01.49.88.68.50 ou par email en cliquant ici.
HAUT
EMPLOI

Apprentissage : un pognon de dingue

7 octobre 2024 | Mise à jour le 7 octobre 2024
Par | Photo(s) : ÉRIC PIERMONT / AFP
Apprentissage : un pognon de dingue

Apprentis dans un atelier de l'Association pour la Formation aux Métiers de l'Aerien - AFMAe, à Bonneuil-en-France. Crédit photo : ÉRIC PIERMONT / AFP

Une récente étude de l’OFCE, menée par le chercheur Bruno Coquet, étrille la politique gouvernementale de soutien à l’apprentissage menée par Emmanuel Macron depuis 2018. Elle pointe son coût exorbitant et sa faible efficience du point de vue de l’insertion dans l'emploi des jeunes. La politique gouvernementale revêt, enfin, une efficacité très relative pour lutter contre le chômage de jeunes.

Atteindre un million d’apprentis par an d’ici 2027 : tel fut l’objectif fixé par Emmanuel Macron dès le début de son premier mandat. Lors d’un contrat d’apprentissage, l’élève, inscrit en centre de formation pour les apprentis (CFA), est salarié et majoritairement en entreprise. Le dispositif, porté aux nues par la macronie, répond ainsi à une obsession libérale ancienne : celle de vouloir rapprocher l’école du monde du travail. Pour parvenir à atteindre l’objectif présidentiel, les vannes ont été grandes ouvertes et des incitations financières très avantageuses ont été décidées. Ainsi, la loi de 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a mis en place une aide unique aux entreprises désireuses d'embaucher un apprenti, des exonérations de cotisations sociales et a libéralisé l’ouverture des centres de formation. En 2020, la création de l’aide exceptionnelle à l’apprentissage, versée sans condition aux entreprises a considérablement dopé le dispositif, abaissant – voire annulant – le coût du travail des apprentis pour l'employeur. Certes, en 2023, l’aide exceptionnelle de 8000 euros aux entreprises a été réduite à 6000 euros, mais cette dernière reste versée sans condition, quel que soit le profil de l’apprenti. Résultat, un nouveau record a été atteint en 2023, avec la signature de 850 000 nouveaux contrats d’apprentissage. Fin 2023, 1,01 millions d’apprentis étaient en cours de formation, 577 000 de plus que fin 2018, et l’apprentissage explique 38% des créations d'emploi salariés marchands sur la période.

24,9 milliards d’euros

Sauf que cette success story a un coût. Selon l’étude Apprentissage, quatre leviers pour reprendre le contrôle, rédigé par l’économiste et chercheur associé à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) Bruno Coquet, « le coût de cette politique est excessif : en 2023 la dépense nationale pour l’apprentissage aurait atteint 24,9 milliards d’euros, soit 26 000 euros par apprenti, environ deux fois plus que celui consacré à chaque étudiant du supérieur. » Selon les chiffres de la CGT, l’apprentissage aurait coûté 14,5 milliards d’euros (aides aux entreprises incluses) en 2022, de loin le premier budget des politiques d'emploi des jeunes. L’étude de l’OFCE montre que cette politique est, en réalité, encore plus onéreuse, si l’on prend en compte les exonérations sociales et fiscales dont bénéficient les contrats d’apprentissage, de même que les dépenses d’assurance chômage. « En incluant les subventions différées de la protection sociale, ce coût pourrait aller jusqu’à doubler » alerte le rapport. De plus, la politique de soutien à l’apprentissage bénéficie essentiellement aux jeunes préparant un diplôme de l’enseignement supérieur (deux tiers des entrants en 2023, contre seulement un tiers en 2017). Autant de jeunes « qui n’ont pas besoin de ce type de coups de pouce financiers étant donné que c’est le diplôme qu’ils obtiennent qui est déterminant pour les employabilité, et non pas qu’il ait été acquis par la voie de l’apprentissage ou à l’issue d’un cursus classique », précise l’étude. Une conclusion qui rejoint les données établis par le Ministère du travail : selon les chiffres de la DARES, sur les 733 200 nouveaux contrats signés en 2021, 60 % concerne l’enseignement supérieur. Les moyens alloués à l’apprentissage bénéficient donc principalement aux populations qui en ont le moins besoin. À l’inverse, les sortants du chômage représentent moins de 6 % des nouveaux apprentis.

Mirages de l’apprentissage

Si la politique volontariste en matière d’apprentissage a permis d’augmenter le taux d'emploi des jeunes de 15 à 24 ans et donc de diminuer leur taux de chômage, l’étude montre toutefois que la hausse de l’apprentissage repose essentiellement sur une bascule du statut d’étudiant vers celui de salarié, et que le nombre de jeunes chômeurs a, lui, très peu diminué ( – 26 000 entre 2018 et 2023). Par ailleurs, les jeunes ni en emploi ni en formation ont peu profité de cette dynamique puisqu’en 2023, ils sont légèrement plus nombreux que fin 2019 et que le nombre de jeunes dans le halo du chômage a progressé de + 38 % par rapport à ce qu’il était avant la réforme de 2018. En permettant à des jeunes autrefois étudiants de devenir salarié, l’apprentissage gonfle ainsi artificiellement les chiffres de l'emploi des jeunes, mais ne résout rien au problème structurel du chômage qui touche cette population. Certes, la réforme de 2018 tout comme la mise en place de l’aide exceptionnelle ont eu pour effet de créer des emplois ( + 78 000 pour la réforme de 2018 et 458 000 emplois créés de façon directe ou indirecte du fait de l’aide exceptionnelle), mais leur nombre restent faible au regard des montants exorbitants engagés. Alors que le budget 2025 est en cours d’élaboration par Matignon, il semble que le soutien à l’apprentissage soit également concerné par la cure austéritaire qui s’annonce. Matignon prévoit notamment « une évolution des primes à l'embauche des apprentis pour cibler les contrats pour lesquels le soutien public est le plus efficient, ainsi qu'une optimisation de la gestion de France compétences ».