Hôpital public : un démantèlement programmé ?
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Le livre d'André Cicolella, « Cancer du sein. En finir avec l'épidémie », sorti le 3 octobre, est un cri d'alarme qui pointe les facteurs environnementaux, et notamment ceux liés au milieu professionnel. Céline Verzeletti, du collectif Femmes-mixité CGT, réagit à cette lecture.
Céline Verzeletti. Beaucoup d'intérêt, mais ces propos ne m'ont étonnée qu'à moitié. Je savais comme tout le monde que beaucoup de femmes sont malheureusement touchées par ce cancer ; je savais, en tant que syndicaliste, qu'il y a des liens avec l'environnement, et particulièrement avec le milieu professionnel.
Certaines études de santé au travail ont montré que le travail de nuit a effectivement des conséquences sur la santé des salariés, tels des cancers du sein pour les femmes et des cancers de la prostate pour les hommes. En revanche, je suis soufflée par les chiffres : le nombre de cancers du sein dans le monde a doublé entre 1990 et 2013 et il y en a vingt-deux fois plus en Belgique qu'au Bhoutan, pays moins développé industriellement. Je n'avais pas conscience de l'ampleur du phénomène.
On se sert de ces données pour revendiquer de meilleures conditions de travail et justifier la demande de réparation, c'est-à-dire le droit à bénéficier de la catégorie dite « active » qui permet de partir en retraite avant les autres. Cette catégorie « active » s'applique à des professions dont certaines caractéristiques réduisent l'espérance de vie.
C'est lié, mais ce n'est pas tout à fait la même chose. Au-delà de la prévention qui est essentielle, il s'agit aussi de réparation. C'est le cas des salariés qui n'ont pas le choix de ne pas travailler la nuit, par exemple.
Oui, parce que c'est un facteur de risque reconnu, qui avait donné lieu à des avancées sociales. Je pense par exemple aux infirmières de catégorie « active » – population concernée à plusieurs titres [travail de nuit, exposition à des radiations, stress…] – qui pouvaient partir à la retraite plus tôt que l'âge légal. Or, depuis la loi du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social, elles ont le choix entre une revalorisation de leur traitement et un départ à 60 ans, ou bien une revalorisation plus faible et un départ entre 55 et 57 ans [selon leur année de naissance].
On a marchandé un avantage qui n'en était pas un, puisque c'est une réparation. C'est un recul, car ces professions ont clairement une espérance de vie plus courte que le reste de la population et, dans le même temps, l'âge de départ légal est repoussé au prétexte qu'on vit globalement plus longtemps. Il fut un temps où les professeurs des écoles bénéficiaient également de cette possibilité de partir avant les autres pour cause de travail multitâches ; certaines autres professions bénéficiaient même de bonifications.
Oui, et il faut souligner que ce sont souvent des filières à prédominance féminine qui perdent la reconnaissance de la pénibilité. Ce sont des filières avec plus de 70 à 80 % de salariées femmes. Or, je partage le constat d'André Cicolella sur la qualité des soins que nous savons apporter au cancer du sein par opposition au manque total de prévention. Il faut en rechercher les causes précises, qu'elles concernent l'exposition de produits chimiques, l'environnement de travail ou l'environnement social.
Oui, nous l'avions déjà constaté. C'est pour cela que nous avons réclamé d'étudier les critères de risque de façon sexuée, c'est-à-dire avec des évaluations qui séparent les données sur les hommes et sur les femmes. Nous l'avons obtenu lors de la loi du 4 août 2014 sur l'égalité qui acte que « l'évaluation des risques tient compte de l'impact différencié de l'exposition aux risques en fonction du sexe ». Cette mesure est d'importance, car les femmes cumulent des facteurs de risque. Or, jusqu'à présent, ce sont surtout les métiers de force, le bâtiment, la construction, qui avaient été reconnus. Très bien, mais ces métiers restent à prédominance masculine.
Les métiers à prédominance féminine n'ont quasiment aucune reconnaissance des facteurs de risque. Par exemple, les femmes de ménage sont quotidiennement exposées à des produits ménagers nuisibles pour leur santé et n'ont rien dans leur contrat qui reconnaisse cette pénibilité. Rien n'est fait pour qu'elles soient exposées le moins possible à ces produits et rien n'est fait non plus pour réparer les risques encourus puisque les salaires restent bas, sans primes, et qu'elles partent à la retraite comme tout le monde.
Oui, elle acte un grand recul de la médecine de prévention. Alors même que de plus en plus de médecins et de chercheurs pointent le lien entre environnement de travail et risques sur la santé, et recommandent de miser sur la prévention, la loi travail, elle, recule sur ce terrain et reste focalisée sur le soin.
Il faudrait des visites médicales régulières, davantage de médecins du travail, davantage de pouvoirs et de moyens d'expertise aux CHSCT… qui ne cessent d'en perdre. Eh bien non, désormais, la visite médicale ne sera plus systématique ni obligatoire, elle se fera en fonction de l'âge, du sexe, etc. Or, on sait qu'une grande partie des salariés, et notamment les plus précaires, ne voient jamais un autre médecin que celui du travail.
Oui, notre revendication d'égalité n'est pas que salariale. Elle comprend la santé, bien sûr. Mais les salaires, la reconnaissance des qualifications, la formation, le déroulement de carrière, le taux de précarité, la santé, c'est un tout.
Cancer du sein. En finir avec l'épidémie. André Cicolella
Éditions Les Petits Matins, 144 p., 10 €
? À retrouver dans la NVO 3552 d'octobre 2016 : un entretien avec le toxicologue André Cicollela.
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