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Capgemini : au banquet patronal, des miettes pour les salariés

19 mai 2016 | Mise à jour le 14 février 2017
Par | Photo(s) : D. Maunoury et Bapoushoo
Capgemini : au banquet patronal, des miettes pour les salariés

Alors que Paul Hermelin, le patron de Capgemini, faisait voter une augmentation de son salaire de 18 % par l'assemblée générale des actionnaires du 18 mai, la CGT dénonçait les miettes laissées aux salariés et les rémunérations indécentes des grands dirigeants. Entretien avec Thierry Achaintre, secrétaire du syndicat CGT de Capgemini.

QUE S'EST-IL PASSÉ LE 18 MAI ?

Nous avons organisé une manifestation devant l'assemblée générale annuelle des actionnaires du groupe Capgemini, devant laquelle allait être avalisée l'augmentation de revenu de Paul Hermelin, notre PDG, de plus de 18%. [La dénonciation de cette politique salariale par la CGT CapGemini s’est également répandue sur les réseaux sociaux :#MerciPaulo, NDLR].

Il a bien travaillé, il a surtout bien profité du travail des salariés.

Mais c'est à sens unique puisqu'il propose son augmentation de 18 %, les 24 autres plus hauts dirigeants du groupe Capgemini vont se partager 30 millions d'euros à eux seuls (en augmentation en bonus actions, donc défiscalisés, selon la nouvelle loi Macron), les dividendes sont augmentés de 12,5 %. À l'inverse, les salariés voient leur enveloppe globale d'augmentation réduite de 12,5 %, on passe globalement de 900 000 en 2015 à 800 000 euros en 2016.

En clair, notre PDG s'augmente de 100 000 euros en passant de 300 000 à 400 000 euros mensuels alors qu'un salarié moyen avec une augmentation moyenne chez Capgemini verra son salaire augmenter de 22 euros bruts mensuels (soit 2 pizzas et un café).
Notre situation rappelle celle de Renault bien que dans des proportions moindres.

COMMENT VA L'ENTREPRISE ?

Elle va très bien. L'année 2015 a été florissante: 1,1 milliard de résultat net pour le groupe, désormais présent dans 54 pays. C'est le double de l'année dernière, la 5 meilleure progression au CAC 40 et l'objectif atteint d'une marge à deux chiffres à 10,5% tel qu'exigé par les actionnaires à l'assemblée générale de 2015.

Face à ces résultats florissants, les salariés voient une baisse de leurs augmentations, voire pas d'augmentation du tout, puisque d'après nos calculs, quelle que soit l'entité du groupe en France, un salarié peut espérer une augmentation moyenne entre 0,8 et 1,5%.

VOUS AVEZ L'IMPRESSION DE NE PAS RÉCOLTER LES BÉNÉFICES DE LA DERNIÈRE PÉRIODE ?

Non seulement nous ne récoltons pas de bénéfices, mais nous en pâtissons. Car derrière l'esprit d'économie et de dépassement de la marge de 10,5, il y a un processus de délocalisation accéléré. Exemple: toutes les activités faites en France aujourd'hui dans les centres d'appel sont délocalisés au Maroc.

Les autres activités de production partent en Pologne et en Roumanie parce que ce sont des pays moins chers en termes de salaires ; [en Roumanie, par exemple, le salaire minimum est de 217,50 € mensuels selon Eurostat, NDLR]. Cela fait beaucoup de perte d'activité en France et une perte notable de CDI.

Capgemini compte toujours 20 000 salariés en France, mais la part de CDI baisse au profit de contrats précaires, de contrats de professionnalisation, d'alternance et de sous-traitance. Rappelons que nous sommes une entreprise de conseil, de production, de développement et d'infogérance.

On fait aussi bien de l'ingénierie technique pour le groupe AirBus que du développement d'applications embarquées sur les téléphones ou du service à l'utilisateur sur les plateformes d'appel dont les clients sont en infogérance.

VOUS ÊTES UNE POPULATION MAJORITAIREMENT CONSTITUÉE DE CADRES ?

Nous sommes 80 % de cadres dont la plupart sont des cadres techniciens soumis à un forfait jour détourné car c'est un forfait jour hebdomadaire, c'est-à-dire 39 heures hebdomadaires, mais devant quand même travailler 216 jours par an, d'où la difficulté à se faire payer les heures supplémentaires puisque le temps effectif de travail n'est mesuré nulle part.

Les heures supplémentaires ne sont jamais déclarées. En outre, Capgemini a devancé la loi El Khomri en interdisant depuis le mois de février – même si sans aucune trace écrite ni rien d'officiel – aux salariés qui travaillent en astreinte (ces cadres intermédiaires au forfait jour caduque) de prendre 11 heures de repos consécutives alors que c'est ce que la loi dit encore aujourd'hui. Dans les faits, désormais, peu importe que cette période soit entrecoupée de périodes de travail chez Capgemini.

VOUS AVEZ ENTAMÉ UN TRAVAIL SYNDICAL AVEC VOS HOMOLOGUES ITALIENS, ESPAGNOLS, ANGLAIS…

Une de nos priorités est en effet de nous organiser internationalement à l'image du groupe. Il y a un an, nous avons pris l'initiative de créer une coordination internationale des syndicats chez Capgemini. C'est un travail long, complexe, car il y a des différences de culture et de droit syndical très importantes d'un pays à l'autre. Mais nous avons d'ores et déjà réussi à créer des liens serrés avec nos collègues italiens, avec les Roumains, nous travaillons à cela avec les Espagnols…

Nous sommes contre la mise en concurrence des salariés, il faut au contraire harmoniser les règles à l'intérieur de Capgemini en termes de niveaux de salaires par rapport aux niveaux de vie moyen dans les différents pays.