Dernière édition avant la présidentielle, la Marche des fiertés de Paris met la lumière sur les droits des personnes trans. Organisée ce samedi 2 juillet, trois semaines après la tuerie perpétrée dans une boîte de nuit LGBT d'Orlando, elle a une résonance particulière.
La Marche des Fiertés parisienne, auparavant appelé Gay Pride, est le plus grand évènement LGBT (lesbien, gay, bi et trans) de France et se tient habituellement le dernier weekend de juin. Elle regroupe plus de 90 organismes : des associations de lutte contre les LGBT-phobies, de prévention et de lutte contre le VIH-sida, des partis politiques, des syndicats (dont la CGT), des associations diverses (convivialité, par profession ou secteur d'activité), etc.
Cette année, après discussion avec la préfecture de police de Paris et le ministère de l'Intérieur, « pour des raisons de sécurité », l'interassociative LGBT (Inter-LGBT) a été contrainte de décaler l'évènement au 2 juillet avec un parcours réduit de moitié par rapport aux années précédentes.
La préfecture a invoqué la prolongation de l'état d'urgence et l'Euro de football qui mobilisaient les forces de l'ordre le 25 juin au soir et la nécessité d'assurer la sécurité des manifestants trois semaines après la tuerie d'Orlando. Une décision qui laisse un goût amer au mouvement LGBT.
UNE MARCHE POUR L'ÉGALITÉ
La tenue de la marche des fiertés le dernier weekend de juin est en effet plus qu'une tradition. C'est un hommage. Celui rendu aux émeutes qui ont éclaté dans la nuit du 27 au 28 juin 1969 lors d'un contrôle de police – assorti des habituelles humiliations et injures – dans l'un des rares bars new-yorkais qui accueillaient une clientèle homosexuelle, le Stonewall Ill.
Pour la première fois, les clients interpelés s'étaient rebellés et il s'en était suivi trois jours d'altercations entre ces derniers, rejoints par les habitants de Greenwich Village, et les forces de l'ordre. Un an plus tard, le 28 juillet 1970, le tribunal de New York autorisait un défilé de deux-mille manifestants, l'ancêtre de toutes les Gay Prides.
Cet épisode historique est le symbole du début du militantisme LGBT dont l'une des principales revendications est « l'égalité des droits entre les personnes hétérosexuelles et les personnes LGBT ».
L'IMPORTANCE DE DÉFILER APRÈS ORLANDO
Après le choc de l'attaque revendiquée par Daesh au Pulse qui a fait 49 morts dans cette boîte gay d'Orlando (Floride, États-Unis) le 12 juin dernier à l'aube, la Marche des Fiertés est empreinte, cette année, d'une résonnance particulière.
Aussi, la volonté première de la préfecture de police de Paris de reporter la manifestation à une date située au-delà du 14 juillet, voire en septembre, a essuyé le refus net de l'Inter-LGBT. Elle estime en effet que le massacre d'Orlando démontre que les LGBT-phobies « continuent de tuer partout dans le monde » et affirme que les personnes LGBT « continueront à investir fièrement l'espace public ».
En mémoire des victimes d'Orlando, l'Inter-LGBT a invité les participants à la marche à porter un brassard noir le 2 juillet.
L'ABANDON PROGRESSIF DES PROMESSES DE HOLLANDE
En France, le premier mouvement homosexuel visible s'est constitué en 1971 et, jusqu'en 1978, ses militants s'invitaient dans les défilés du 1er Mai. C'est, suite aux manifestations de 1979 et 1980, contre les « discriminations anti-homosexuelles », qu'en 1981 François Mitterrand a dépénalisé l'homosexualité. De là date la première Marche des Fiertés parisienne.
Trente-cinq ans plus tard, au-delà des raisons invoquées, en tergiversant sur la date et le parcours de la Marche, le gouvernement vient de donner l'impression, à une grande partie du mouvement LGBT, qu'il cherche à refermer le couvercle sur son mécontentement.
Si la loi de 2013 qui ouvre le mariage et l'adoption aux couples de même sexe a marqué la présidence de François Hollande, l'Inter-LGBT constate, pour le reste, « l'abandon progressif des promesses concernant les droits des personnes LGBT ».
Les militants profiteront donc de cette dernière marche avant l'élection présidentielle pour les rappeler : la procréation médicalement assistée, toujours interdite aux femmes seules ou en couple avec une femme ; la filiation impossible à établir dès la naissance pour les familles homoparentales ; etc.
« LES DROITS DES PERSONNES TRANS SONT UNE URGENCE ! »
Et en matière de promesses non tenues, l'Inter-LGBT entend mettre en lumière celles qui touchent particulièrement les personnes trans.
Avec cette année pour mot d'ordre de la Marche « Les droits des personnes trans sont une urgence ! Stérilisations forcées, agressions, précarité : stop ! », l'Inter-LGBT veut dénoncer « l'inaction de la classe politique face aux graves atteintes à leurs droits fondamentaux dont sont victimes les personnes trans ».
Il s'agit en particulier des difficultés qu'elles rencontrent pour changer d'état civil : en l'absence de loi, des tribunaux les obligent à subir une opération de stérilisation pour y parvenir et obtenir des papiers conformes à leur genre.
En la matière, l'Inter-LGBT revendique l'application de la résolution du Conseil de l'Europe qui demande aux États de mettre en place une procédure fondée sur la déclaration de la personne. Elle dénonce par ailleurs l'absence de politique de sensibilisation aux questions de genre (abandon des ABCD de l'égalité).
DU LOUVRE À BASTILLE
Le 2 juillet la Marche des Fiertés partira à 14 h du Louvre pour rejoindre Bastille avec un parcours situé le long des quais de la Seine. La Marche se terminera par un grand podium place de la Bastille où se tiendra, dès 16 h, un concert géant organisé par l'Inter-LGBT.
Jusqu'à 21 h se succèderont des artistes, des shows, des DJ etc. Le concert sera aussi l'occasion de faire de la prévention et de la sensibilisation aux luttes contre les discriminations, par des prises de paroles associatives, des diffusions de spots de prévention sur la santé sexuelle et contre les LGBT-phobies, mais aussi par la venue d'artistes connus et engagés en faveur de l'égalité des droits.
Dernière minute
Hier soir, l'Inter-LGBT, le Centre LGBT de Paris et d'Île-de-France et SOS Homophobie étaient reçus par le président de la République à l'Élysée, pour discuter des différents sujets évoqués et pour une discussion générale quasiment à la veille de la Marche des Fiertés, une première.
Lors de l'entretien, le président s'est prononcé sur différents points : PMA, lutte contre l’homophobie, amélioration de la loi de 2013… (communiqué de l'Élysée). Les associations ont indiquées être « satisfaites » de cette rencontre et attendent la suite.
Virginie Combe, vice-présidente de SOS homophobie (association nationale de lutte contre les LGBT-phobies) a déclaré à la sortie : « C’était un beau symbole qui suscite beaucoup d’espoir. Il y a eu des engagements de la part du président. Nous attendons maintenant des actes ».