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MIGRANTS

De l'air, ouvrez les frontières !

10 juin 2015 | Mise à jour le 7 mars 2017
Par | Photo(s) : AFP
De l'air, ouvrez les frontières !

Mardi 9 juin, quelques centaines de personnes se massaient aux abords de la rue Pajol à Paris, pour soutenir les réfugiés africains, virés manu militari la veille. Au cœur du rassemblement, très encadré : une jeunesse en colère.

«Ces femmes, ces hommes, ces enfants sont arrivés ici après des parcours douloureux. Les ignorer ne les fera pas partir, les maintenir dans des campements précaires ne les rendra pas invisibles. Les disperser ne constitue qu'une souffrance supplémentaire et les arrêter, une injustice.» L’indignation de la Ligue des droits de l’homme (LDH) est à son comble, au lendemain de l’évacuation musclée de la Halle Pajol, dans le 18e arrondissement de Paris.

C’est là que certains de ces pauvres hères avaient trouvé refuge, après avoir été délogés de leur campement de fortune sous le métro aérien. Les voilà aujourd’hui dispersé s: au centre de rétention de Vincennes ou dans un jardin partagé du quartier. Avec consigne d’éviter d’en sortir après 19 heures. Faut dire que ça grouille de 2B ou 3C, entendez des forces de l’ordre, casquées et armées derrière des boucliers en plexi. Ils barrent la rue Pajol ce mardi soir, alors qu’un rassemblement a lieu, à l’appel notamment de la LDH, des associations du quartier, de la CGT Paris, du Front de gauche ou des Verts.

FUIR LA GUERRE

Ces femmes, ces hommes, ces enfants, ce sont pour la plupart des Soudanais et des Érythréens qui fuient des pays en guerre, rappelle au micro un membre de la LDH. Non pas des sans-papiers économiques mais des réfugiés à qui la France doit accorder le droit d’asile. «De l’air, de l’air, ouvrez les frontières !» scande la jeunesse, révoltée par la violence de la veille. Des réfugiés tabassés, des élus aussi. Une opération plus que musclée dénoncée par le Groupe d'information et de soutien des immigrés (Gisti) qui a saisi le Défenseur des droits, Jacques Toubon. Ce dernier a immédiatement ouvert une instruction sur les faits rapportés.

«LA HONTE!»

«Solidarité avec les sans-papiers!» martèlent les manifestants massés face au cordon de CRS. Des riverains sont aux fenêtres, d’autres baladent leur chien ou jouent des coudes pour traverser la rue. «Ils nous emmerdent !» lâche pas trop fort à une voisine bien mise un vieux riverain exaspéré. Pas loin, des jeunes brandissent des slogans improvisés sur des enveloppes kraf t: «La honte !», «Bande de FDP !»… Au micro, on dénonce maintenant les restrictions sur le droit d’asile, tandis qu’un peu plus tôt, le secrétaire d’État aux relations avec le Parlement, Jean-Marie Le Guen, déclarait : «Il y a des problèmes de migration qui ont lieu sur notre pays pour lequel notre gouvernement applique les règles de l’état de droit avec humanité».

LES RÈGLES DE L’ÉTAT DE DROIT

Mercredi 10 juin se réunissait la commission mixte paritaire chargée de proposer des modifications sur le projet de loi relatif à la réforme de l’asile. Un projet adopté par le Sénat le 26 mai, en première lecture, par 187 voix pour et 31 voix contre. Porté par Bernard Cazeneuve, le texte revoit les possibilités du droit d’asile, à l’heure où une majeure partie de la planète flambe et que des milliers de migrants coulent en Méditerranée. La Coordination française pour le droit d'asile, rassemblant notamment Amnesty international France, le Comité d'aide aux réfugiés, la Cimade ou le Gisti dénonce «une “restauration du sens de l'asile en France” conçue selon une vision binaire et réductrice». Affirmant: «il n'y a pas de “bons” et de “mauvais” demandeurs d'asile».

Telle était la position du gouvernement français au sortir de la Seconde Guerre mondiale, quand on assiste à un mouvement de réfugiés inédit. Républicains espagnols, juifs allemands, déportés de Sibérie, prisonniers de guerre, on estime à cette époque que trente millions de personnes ont fui leur lieu d'habitation. Le 25 juillet 1952, la France adopte une loi sur le droit d’asile, créant l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra). Ce dernier accorde massivement le statut de réfugiés aux exilés, principalement des Espagnols et des réfugiés d'Europe de l'Est. Quelques 200 000 personnes. À partir des années soixante-dix, la tendance va s'inverser. Si l'Ofpra accordait le statut de réfugiés à quelque 85% des exilés demandant l'asile, aujourd'hui, il le refuse à 90% d'entre eux. Eux, c’est-à-dire, des milliers de pauvres hères, bringuebalés de frontières en frontières, de camps d’urgence en camps de rétention, de chambres d’hôtel éphémères en campements de fortune.