17 septembre 2019 | Mise à jour le 18 septembre 2019
Au lendemain de la grève massive à la RATP contre la réforme des retraites, le débat entre Philippe Martinez et Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire aux retraites, a été un des temps forts de la Fête de l'Humanité.
Le sujet des retraites continue d'enflammer le débat social. Rendu public le 12 septembre dernier, un sondage Odoxa-Dentsu Consulting pour France Info et Le Figaro montrait que des Français ne pensaient pas qu'Édouard Philippe proposerait une bonne réforme. Le 13 septembre, une grève des personnels de la RATP paralysait massivement les métros et RER parisiens. Le gouvernement ne ménage pourtant pas sa peine pour soigner sa communication sur le sujet.
C'était la mission assignée à Jean-Paul Delevoye, qui a accepté l'invitation du journal l'Humanité à venir débattre avec Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, lors de la Fête de l'Humanité, à La Courneuve, samedi 14 septembre.
« J'ai tout de suite accepté l'invitation, car je partage avec beaucoup d'entre vous une inquiétude profonde de voir la fragilité de notre démocratie. » Courageux, il lui aura fallu retrousser ses manches et essuyer quelques quolibets avant d'entrer dans le vif du sujet devant une salle très critique face au projet libéral du gouvernement, en général, et face au projet de réforme des retraites, en particulier.
Égalité par le haut versus égalité par le bas
Jean-Paul Delevoye a justifié la nécessité de cette réforme en invoquant le spectre du pire, expliquant vouloir « éviter d'aller vers le modèle anglo-saxon ».
Sur la refonte des 42 régimes de retraite en un seul, le haut-commissaire invoque le principe d'égalité des personnels, « les mêmes règles pour tous, les mêmes indemnisations ; à cotisations identiques, retraites identiques ».
« Oui, mais il faut le faire par le haut », rétorque Philippe Martinez, c'est-à-dire en reconnaissant la pénibilité des différents métiers. « Notre système de retraite est le meilleur au monde. Il est basé sur la répartition, mais aussi sur la solidarité, pas la charité », martèle ensuite le leader de la CGT. Avant de rappeler qu'au nom des réductions des dépenses publiques, les salariés français ont déjà fait les frais de la baisse des prestations sociales et des pensions, ces dernières années.
« À travail égal, salaire égal »
Sur la question d'un système de retraite plus juste qui améliorerait notamment les pensions des femmes aux carrières souvent plus morcelées, le syndicaliste en appelle à respecter le principe de « à travail égal, salaire égal » dans les entreprises, dès aujourd'hui.
Quant au taux d'employabilité des seniors sur lequel compte le gouvernement, qui a admis que cette réforme amènerait à travailler plus longtemps, le secrétaire général de la CGT a refusé de croire que le Medef « allait régler le problème », dixit Delevoye, et pointé plusieurs plans sociaux en cours notamment dans une dizaine d'enseignes commerciales.
Augmenter les cotisations
Pour la CGT, il ne s'agit pas de réduire les dépenses de la Sécurité sociale — et de notre système de retraite — mais au contraire de lui restituer les recettes qui lui font défaut. En effet, l’organisation syndicale revendique l'augmentation des cotisations pour faire évoluer le système.
Ainsi, quid des cotisations des travailleurs ubérisés, quid des cotisations des employeurs qui en sont exemptés pour les salaires allant jusqu'à deux fois et demie le Smic… « L'impôt et la cotisation, ce n'est pas la même chose, a rappelé Philippe Martinez. Il n'y a pas que les travailleurs et travailleuses qui paient des cotisations, il y a aussi les employeurs. Il faut rétablir les cotisations pour tous. » Et de fustiger les « 20 milliards d'euros d'exonérations qui vont dans les poches des actionnaires. »
Travailler tous et moins longtemps
« On vit plus longtemps, il est normal de travailler plus longtemps », rabâche le gouvernement, mais « si on vit plus longtemps, c'est bien parce qu'on travaille moins longtemps », a répondu le syndicaliste. Pis, sur la prise en compte de toute la carrière au lieu des vingt-cinq meilleures années pour le calcul de la pension, comme préconisé par le rapport Delevoye, Philippe Martinez a rappelé que les pensions avaient déjà baissé avec le passage des dix aux vingt-cinq meilleures années sous les gouvernements antérieurs.
Balayé d'un revers de main, les questions d'âge légal de départ en retraite, l'âge pivot, etc. « La question des retraites n'est pas une affaire technique, c'est une affaire politique, a conclu Philippe Martinez. Ne vous laissez pas embrouiller. Les deux questions qui comptent sont : à quel âge je pars ? Et avec combien je pars ? Ce dont je suis sûr, c'est qu'il faut se mobiliser le 24 septembre. »