« Il n'y a jamais eu de frappes de cette ampleur ». Au terme de dix jours de bombardements israéliens du petit territoire surpeuplé qu'est la bande de Gaza, les équipes médicales palestiniennes n'en peuvent plus. Elles dénombrent plus de 210 morts, dont 61 enfants entre le 10 et le 18 mai, et plus de 1 440 blessés.
Dans un immeuble anéanti, c'est toute une famille qui a été tuée. Dimanche 16, les raids aériens israéliens ont tué 42 Palestiniens, dont au moins huit enfants et deux médecins.
Bombardements israéliens intensifs contre les Gazaouis et pogroms à Jérusalem
Dans ce minuscule territoire où survivent deux-millions de Palestiniens soumis à un blocus israélien illégal depuis quelque quinze ans, et dont plus des deux tiers sont dans des camps de réfugiés, quelque 40 000 personnes ont été contraintes ces derniers jours de quitter leur maison selon le bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU. Les incendies sont partout. Des centaines de bâtiments ont été endommagés et les coupures d'électricité, régulières toutes ces dernières années comme les coupures d'eau, se sont encore intensifiées.
Pour favoriser le huis clos, l'armée israélienne a détruit le 15 un immeuble de la ville de Gaza qui abritait l'agence de presse américaine Associated Press (AP) et la chaîne d'information qatarie Al-Jazeera. Selon Reporters sans frontières (RSF), qui a saisi la Cour pénale internationale (CPI), « depuis une semaine, les locaux de 23 médias locaux et internationaux ont été détruits par des frappes aériennes israéliennes ciblées ».
Ces bombardements contre Gaza font suite à plusieurs jours d'attaques contre les Palestiniens de Jérusalem-Est par les colons et les militants d'extrême droite israéliens, membres d'organisations avec qui s'est allié le Premier ministre israélien. Car celui-ci, après quatre élections législatives anticipées, cherche des alliés pour garder son poste en espérant échapper aux tribunaux alors qu'il est inculpé de fraude et de corruption.
Ces militants d'extrême droite chassent les Palestiniens aux cris de « mort aux Arabes » et, avec l'aide des forces israéliennes, veulent les expulser de chez eux et récupérer leurs maisons. Autant de violences qui accompagnent une politique mettant en cause tous les droits des Palestiniens Jérusalemites, à commencer par leur droit de vivre dans leur cité.
Epreuve de force pour le Hamas
En quelques jours, on a déploré plusieurs morts palestiniens et plus de 900 blessés à Jérusalem. Dans ce contexte, le mouvement Hamas, à Gaza, a lancé le 10 mai vers Israël plusieurs salves de roquettes. Depuis, dix Israéliens ont été tués, dont un enfant, et 294 blessés après des tirs de roquettes.
Le mouvement Hamas, qui revendique sa filiation avec les Frères musulmans, a commencé à réellement exister dans la bande de Gaza à la fin des années 80 lors de la première Intifada. Il a alors été encouragé par les forces d'occupation israéliennes qui y voyaient une alternative à l'OLP.
Il s'est largement renforcé depuis et, d'un mouvement à vocation initialement sociale, s'est transformé en organisation armée. Ayant remporté les élections législatives en 2006 un an après la victoire de Mahmoud Abbas, du Fatah (principale force de l'OLP) à la présidentielle, mais ayant alors été écarté des responsabilités politiques, il a pris en 2007 le pouvoir dans la bande de Gaza par les armes.
Depuis, les deux territoires de Gaza, sous blocus aérien terrestre et maritime israélien et de Cisjordanie, sous occupation israélienne, sont non seulement coupés géographiquement, mais aussi politiquement, en dépit de manifestations populaires en faveur de l'unité nationale. Pour mettre en œuvre un nouvel accord de réconciliation, des élections législatives et présidentielle étaient prévues en mai et juillet, les premières en quinze ans. Mais Tel-Aviv refuse toute activité politique et toute élection palestinienne à Jérusalem-Est. Au nom de ce blocage israélien, Mahmoud Abbas a ajourné ces élections.
Le choix de la guerre de Benyamin Netanyahou
Benyamin Netanyahou, lui, entend frapper fort contre toute forme de résistance à Gaza. Quitte à faire de nouveau des milliers de victimes, comme lors des dernières guerres israéliennes contre ce petit territoire, qui vaut aux dirigeants politiques et militaires d'alors à Tel-Aviv d'être accusés de crimes de guerre et possibles crimes contre l'Humanité, tandis qu'une enquête de la CPI a été ouverte. Et quitte, en poursuivant sa politique d'éviction des Palestiniens de Jérusalem et ses provocations armées sur l'Esplanade des mosquées et en tentant de confessionnaliser un conflit colonial, à susciter un conflit majeur dans la région.
L'enjeu pour Benyamin Netanyahou est double : poursuivre la colonisation de la Palestine pour empêcher l'existence d'un État palestinien indépendant à côté d'Israël dans des frontières sûres et reconnues, celles de 1967, pour en annexer la plus grande partie, et créer dans la guerre un consensus national qui lui permette de se maintenir au pouvoir.
Au détriment des droits du peuple palestinien, mais aussi du présent et de l'avenir des deux peuples, palestinien et israélien.
Emmanuel Macron loin de la tradition diplomatique française
Depuis la guerre de 1967 et l'occupation israélienne des territoires palestiniens de Gaza, de Cisjordanie dont Jérusalem-Est, la France défendait une politique élaborée et mise en œuvre par le général de Gaulle, celle de la défense du droit international, condamnant, pour son illégitimité, l'acquisition de terres par la force. Le général de Gaulle mettait en garde contre la pérennisation de l'occupation et précisait : « Maintenant, il (Israël) organise sur les territoires qu'il a pris l'occupation qui ne peut aller sans oppression, répression, expulsions, et il s'y manifeste contre lui une résistance, qu'à son tour il qualifie de terrorisme ».
Une orientation qui s'est traduite ensuite par la défense du droit du peuple palestinien à l'autodétermination et à l'indépendance à l'instar des autres peuples du monde. Rompant avec cette orientation diplomatique, Nicolas Sarkozy n'avait pas hésité à faire des dirigeants israéliens ses meilleurs alliés et François Hollande à déclarer son « amour » au Premier ministre israélien.
Vendredi, Emmanuel Macron a quant à lui appelé au « retour à la paix » au Proche-Orient. Lors d'un entretien avec le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, il a insisté sur le « droit à se défendre » d'Israël tout en disant sa « préoccupation » quant aux « populations civiles à Gaza », mais en oubliant la nécessité de mettre un terme rapidement à l'occupation, à la colonisation, aux spoliations en Cisjordanie et notamment à Jérusalem-Est, et au siège de Gaza, et en oubliant les droits nationaux du peuple palestinien.
Il fut d'autres temps où la France faisait preuve de plus de détermination à défendre le droit international au Conseil de sécurité des Nations unies dont elle est membre permanent.
De son côté, le gouvernement de Joe Biden refuse toujours l'adoption d'une déclaration appelant à « une cessation des violences ». Même une déclaration non contraignante. Il faut dire que son administration a approuvé début mai une vente d'armes à Tel-Aviv pour 735 millions de dollars, selon le Washington Post.
Raison de plus pour que la France et ses partenaires européens agissent. Pour obtenir la protection internationale du peuple palestinien, et la fin de l'impunité israélienne.
Gérald Darmanin : amalgames et interdits
Gérald Darmanin, lui, va jusqu'à interdire une manifestation de soutien au droit international et au peuple palestinien en osant affirmer que ce serait pour qu'il n'y ait « pas de manifestation antisémite ».
Celles et ceux qui luttent pour le droit, et contre tous les racismes, apprécieront. Les citoyens français juifs apprécieront aussi que l'on assimile la dénonciation de la politique israélienne à de l'antisémitisme et dès lors d'être ainsi de facto assimilés à la politique de ce gouvernement. Mercredi 12 mai, c'est à sa sortie du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères où il venait d'être reçu avec une délégation du Collectif pour une paix juste et durable entre Palestiniens et Israéliens, auquel participe la CGT, que Bertrand Heilbronn, président de l'Association France Palestine Solidarité, a été arrêté et placé en garde à vue. Une arrestation aux grilles du ministère et à l'issue d'un rassemblement que la préfecture venait d'interdire. Et qui a suscité l'indignation de nombreuses organisations, à commencer par la CGT.
Jeudi 13 mai, le préfet de police de Paris, Didier Lallement a interdit un rassemblement à la demande du ministre de l'Intérieur pour des « risques de troubles ». Thématique officielle : il ne faudrait pas « importer le conflit en France ». Est-ce à dire que toute expression de solidarité internationale sur le sol français est désormais interdite ? Il est temps que le ministre se reprenne et que la France retrouve le chemin du droit international. En attendant, de nombreux rassemblements sont prévus dans plusieurs villes dans tout le pays.