3 janvier 2017 | Mise à jour le 3 janvier 2017
Catherine Perret, conseillère confédérale en charge des organismes sociaux, revient sur la question du paritarisme, abordé dans le numéro de décembre de la NVO. Pour la CGT, le paritarisme n’est qu’un mode de gestion qui ne se confond pas avec la négociation d’acquisition que porte le syndicat.
Le paritarisme est un sujet sensible et fréquemment remis en question aussi bien par ses partenaires que par les institutions. Dans quel état d’esprit la CGT s’est-elle rendue à la mission d’information parlementaire de juin 2016 ?
Compte tenu des enjeux actuels en matière de démocratie sociale, nous avons bien entendu accepté de contribuer à ce débat. Mais nous avons, en préalable, tenu à repréciser la définition de ce que sont pour la CGT le paritarisme, la démocratie et l’équité. Les trois termes étant bien distincts les uns des autres.
Le paritarisme n’est qu’un outil, reposant sur un mode de gestion et de décision dans les organismes paritaires composés d'un nombre égal de représentants de chaque partie (organisations syndicales et patronales), les deux collèges étant représentés à égalité. Leurs intérêts sont réputés contradictoires, voire opposés. Le poids de chaque partie dépend des rapports de force du moment.
La démocratie repose sur une représentation proportionnelle aux orientations portées par la somme des individus qui constituent l'entité à gérer ou à gouverner. Nous ne devons pas entretenir la confusion entre un mode de gestion et la composition de délégations invitées à négocier des accords, qu'ils soient de branche ou interprofessionnels.
Il nous semble important de dissocier le paritarisme et la négociation, éléments complémentaires du dialogue social, mais différents tant dans leur objet que dans leurs modalités de fonctionnement.
Quelles appréciations porte la CGT sur les pistes de réforme du rapport parlementaire qui vise à « réenchanter » le paritarisme ?
Pour nous, ce n’est pas satisfaisant, et en particulier si l'on juge nécessaire d'avoir une négociation équitable, conforme au rapport de force du moment, il est indispensable qu'elle s'appuie sur une représentation démocratique des parties constituées proportionnellement à la représentativité.
Ce n'est malheureusement pas le cas aujourd'hui puisque, au niveau national interprofessionnel, le collège salarié est composé égalitairement de représentants d'organisations syndicales dont la représentativité a été mesurée alors que le collège patronal est composé proportionnellement à une représentativité supposée. On peut également s'étonner que les organisations patronales soient consultées sur la représentativité des salariés et pas l'inverse.
Autre point indispensable à une négociation équitable : c'est, outre la loyauté de la négociation, le cadre, le contexte et les moyens de la négociation.Il est inéquitable que :- les négociations se déroulent systématiquement dans les locaux des organisations patronales ;
– les représentants du collège patronal puissent participer aux instances comme ils le souhaitent alors que ceux du collège salarié ne peuvent siéger qu'avec l'autorisation des représentants de l'autre collège ;
– les représentants du collège patronal puissent passer le temps qu'ils jugent nécessaire au traitement des dossiers négociés alors que ceux du collège salarié doivent systématiquement traiter ces dossiers dans l'urgence du délai que leur laisse le collège patronal. C’est ce qui vient de se passer encore une fois en cette fin d’année 2016, puisque le ministère du Travail a délégué unilatéralement au Medef l’organisation de concertations sur le télétravail ou de pseudo-réunions de diagnostics partagés sur l’assurance chômage en janvier et février 2017.
Pour la CGT, il est aussi indispensable que les représentations des salariés, aient a minima le poids des voix qu'elles portent, qu’elles soient fonction de la représentativité et que le collège salarié ait une prépondérance dans les orientations et décisions à prendre compte tenu de leur aptitude à mesurer les besoins des bénéficiaires (c’est-à-dire les salariés qu’elles représentent et, plus largement aujourd’hui, les nouvelles formes de travail au-delà du salariat).
Lorsque, dans ce même rapport, il est évoqué la nécessité de passer d’une logique de statut à une logique de parcours, avez-vous eu le sentiment d’avoir été entendus sur le nouveau statut du travail salarié, l’une des propositions phares de la CGT ?
Nous sommes au milieu du gué par rapport à notre projet de sécurité sociale professionnelle, mais il y a loin de la coupe aux lèvres ! Pour la CGT, il s’agit de rompre vraiment avec la flexisécurité qui n’est avancée par les gouvernements successifs et le grand patronat que pour accroître l'employabilité et rompre avec tous les dispositifs de solidarité, intergénérationnels notamment.
Les premières attaques de certains candidats de droite contre la Sécurité sociale devraient nous alerter et nous conduire à porter plus largement nos proposition de sécurisation des personnes tout au long de la vie. Cela passe par la réaffirmation du » à chacun selon ses besoins « , principe fondé sur un système de financement mutualisé, alimenté par chacun selon ses moyens.
C’est seulement à cette condition que nous nous inscrivons dans une logique de parcours, par exemple avec le maintien du contrat de travail entre deux emplois, la progressivité de la qualification et donc du salaire, un véritable droit d’accès à la formation continue qualifiante dans un parcours de formation garanti, l’accès à l’ensemble des droits sociaux issus du travail, la citoyenneté à l’entreprise, etc.
Le collège salarié est composé égalitairement de représentants d'organisations syndicales dont la représentativité a été mesurée alors que le collège patronal est composé proportionnellement à une représentativité supposée.
Des revendications pour une meilleure négociation
En matière de négociation, la CGT porte, à travers la plateforme commune avec la FSU, Solidaires, l’Unef, l’UNL, la FIDL, des propositions pour une « négociation collective d'acquisition ».
En voici quelques extraits.• Redonner sa vocation à la négociation collective par une négociation d'acquisition et non un outil de flexibilisation à l'usage du patronat. La négociation doit être loyale, porteuse de progrès social, engagée sur la base des exigences des salarié-es.
• Donner autant de moyens et d’appui aux syndicats qu'au patronat dans le cadre de la négociation, du niveau national à l'entreprise. Chaque acteur doit être sur un pied d'égalité avec les autres.
• Changer les règles et méthodes de négociation : lieu de négociation neutre, transmission des projets en amont, discussion sur l'ensemble des projets et non sur le seul texte patronal, transparence des réunions, évaluation préalable des accords, droit à bénéficier d'une expertise syndicale.