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SERVICES PUBLICS

Douanes : des grands mots pour se féliciter, mais pas de moyens supplémentaires pour des services rendus à l’os

8 avril 2025 | Mise à jour le 8 avril 2025
Par | Photo(s) : Handout / Douanes Francaises / AFP
Douanes : des grands mots pour se féliciter, mais pas de moyens supplémentaires pour des services rendus à l’os

Le 24 mars, les douanières et douaniers ont assisté à la traditionnelle grand-messe de la présentation des résultats de l'année 2024. L'occasion, pour le directeur général et la Ministre des comptes publics, Amélie de Montchalin de féliciter l'engagement sans failles des agents, mais, une fois de plus, sans donner suite à aucune de leurs revendications pourtant urgentes et vitales.

Comme tous les ans, les douanières et douaniers ont assisté à la  présentation des résultats annuels de leurs activités : démantèlement d'organisations criminelles, identification de trafiquants en tous genres, fraudes financières et blanchiments, contrefaçons etc., tous les résultats sont à la hausse. Comme chaque année, le directeur général s'est félicité de l'excellent travail accompli par ses agents en soulignant, notamment, l'opération historique de mars 2025 au port de Dunkerque (Nord) qui a permis la saisie de 9874 kg de cocaïne pour un montant estimé de 660 millions d'euros sur le marché de la revente illicite. Grand satisfecit, aussi, s'agissant des résultats enregistrés au port du Havre (Seine-Maritime) – première porte d'entrée en France des stupéfiants –  où les 350 douaniers en poste ont saisi 49 tonnes de cocaïne rien qu'en 2024.

Moins 6000 douaniers en 25 ans

Nettement moins réjouis, les douaniers. Qui continuent de dénoncer des résultats alarmants. Depuis des années en effets, ils réclament des effectifs et moyens matériels supplémentaires, mais en vain. « Nous avons perdu 6000 agents en 25 ans », fait ainsi valoir Manuela Dona de la CGT Douanes. La secrétaire générale du SNAD (Syndicat national des agents de douanes)-CGT déplore des conditions de travail délétères, qui  se dégradent dangereusement face à des réseaux criminels très créatifs, extrêmement mobiles et toujours mieux organisés. Mais encore, l'absence totale de dialogue social avec la direction comme avec les ministères de tutelle ; des salaires en stagnation depuis des années ; de nouveaux objectifs tels que la lutte contre l'immigration illégale qui, à parité de moyens, mobilise 13 % du temps de service. Ajoutons à cela l'absence totale de perspectives d'évolution des missions en cohérence avec l'évolution des moyens et la surdité des gouvernements successifs face aux revendications portées par les syndicats.

« Nous avons écrit au Premier Ministre, François Bayrou, afin qu'il nous reçoive, mais il n'a pas daigné nous répondre », indique Manuela Dona. Après un passage sur BFM-TV où elle expliquait le décalage entre la volonté affichée des politiques d'accentuer la lutte contre tous les trafics, en particulier contre le narcotrafic ou contre l'immigration et le refus d'accorder les moyens correspondants, les syndicats ont été illico contactés par la Ministre des comptes publics, Amélie de Montchalin, à la demande du Premier Ministre.

Menacés, pistés, surveillés : les douaniers en danger

Résultat ? Des félicitations et un concert de louanges pour les performances réalisées, mais aucune réponse aux demandes de moyens supplémentaires. « C'était expliquez-moi de quoi vous avez besoin et je vous expliquerai comment vous en passer, puis en citant pour exemple 10 villes où il n'y a plus aucune présence douanière, comme à Niort où une mafia guyanaise du narcotrafic prospère tranquillement», ironise, désabusée, Manuela Dona. Aucune prise en compte, non plus, de l'immense inquiétude des agents qui sont aujourd'hui confrontés à des réseaux criminels prêts à tout, surtout au pire, pour protéger leurs très florissants trafics. Se souvenir, par exemple, de l'affaire Allan Affagard, ce docker du port du Havre torturé puis assassiné et jeté dans un container en 2021, le tout sur fond de toile de trafic de cocaïne. « Hier, les trafiquants nous craignaient, aujourd'hui, ils tuent », souligne Manuela Dona. Citons aussi ces douaniers menacés par des trafiquants très renseignés sur leurs habitudes et lieux de résidence et sur celles de leurs familles. « Les collègues sentent qu'ils sont surveillés de très près, y compris par des drones alors qu'ils sont interdits dans les zones portuaires et aéroportuaires, nous sommes extrêmement inquiets », alerte la syndicaliste qui réclame la mise en place de dispositifs de protection et d'accompagnement des douaniers confrontés à l'explosion du trafic de cocaïne. Une demande d'ailleurs appuyée par l'OFAST (Office antistupéfiants) à laquelle la ministre n'a toujours donné aucune suite. Et ce, alors même que lors de la grand-messe du 24 mars, tout en louant l'engagement sans faille des agents, le directeur général s'est lui-même dit « submergé » par l'explosion du narco-trafic.

Lutte contre le narcotrafic : un simple affichage

Au seul port du Havre qui accueille 2,5 milliards de containers par an, les effectifs douaniers, divisés par deux en vingt ans, ne contrôlent que 2 % des containers. Et désormais, au péril de leur vie. Lors d'un récent contrôle à Roissy CDG, 200 kilos de cocaïne ont été trouvés dans des valises transitant par le frêt, mais pour combien d'autres passées sous les radars ? « Nous exigeons un renforcement des effectifs car on ne peut pas nous demander de vider la mer à la petite cuillère », déplore Manuela Dona en évoquant le grand plan de lutte contre le narco-trafic annoncé par le Ministre de l'intérieur, Bruno Retailleau :  « Encore un effet d'annonce puisque la loi « Narcotrafic » ne prévoit pas de moyens policiers ni de moyens douaniers supplémentaires, alors qu'il y aurait pourtant tant à faire en matière et tant d'argent à récupérer pour financer nos services publics », soupire-t-elle.

Selon les estimations de la Douane, la seule lutte contre la fraude à la TVA à l'import, par exemple, permettrait de récupérer 89 milliards d'euros par an, ce n'est pas rien. Sans compter les sommes colossales récupérables dans d'autres domaines en très forte croissance comme le trafic de médicaments, d'espèces animales rares, de pièces détachées automobiles, et bien sûr, de stupéfiants. A la condition que ces ambitions soient portées politiquement.