BlackRock au pays des Smarties
Dans le déminage de l'affaire BlackRock, ce géant de la finance mondiale accusé d'être le cheval de Troie de la réforme des retraites, la macronie s'enlise dans les eaux troubles de la dénégation et de la fake news, qu'elle dénonce par ailleurs. Une ligne de défense inefficace, voire contreproductive.
Au 29e jour de grève contre la réforme des retraites, alors que la polémique « BlackRock » ne cesse de faire des vagues, Agnès Pannier-Runnacher a tenté de déminer le terrain. Invitée de « Bourdin Direct » (BFM-TV RMC) qui l'interroge sur le lobbying exercé par BlackRock en faveur d'un régime de retraites par capitalisation, la secrétaire d'État auprès du ministère de l'Économie et des Finances a démenti en « block ». Non, pas de lobbying, BlackRock n'étant pas un fonds de pension, mais un gestionnaire d'actifs.
Exact, mais visiblement insuffisant pour l'intervieweur qui l'interroge alors sur la Légion d'honneur décernée le 1er janvier au PDG de BlackRock France, Jean-François Cirelli. Une promotion que nombre de contempteurs de la réforme des retraites considèrent « tout sauf anecdotique », certains y voyant la preuve de connivences entre l'exécutif et le géant américain.
Pas de quoi déstabiliser la secrétaire d'État qui a dégainé l'artillerie lourde. D'abord, avec ce chiffre, 6000 milliards de dollars d'actifs, histoire de donner la mesure de l'étendue de la voilure des actifs de BlackRock. Puis, en faisant constater cette évidence, qu'en rapport à ces 6000 milliards de dollars, « le marché français, c'est une boite de Smarties, ça ne représente rien pour BlackRock, arrêtons de croire que nous sommes au centre du monde ! »
Quant à la promotion de monsieur Cirelli, il va de soi qu'un dirigeant de cette envergure ne va pas jouer les lobbyistes pour gérer des Smarties. Partant de quoi, l'élever au grade de chevalier de la Légion d'honneur en plein conflit autour des retraites ne serait que « pure coïncidence ».
Bruno Le Maire veut un retour à la raison et la fin des fantasmes
C'est aussi la version soutenue par le ministre de l'Économie et des Finances, Bruno le Maire qui s'agace, lui, de ces fake news autour de BlackRock, qui n'en finissent plus de jeter la suspicion sur le gouvernement et son projet de retraite universelle dont la finalité est de doter les Français d'un système enfin juste, car fondé sur l'égalité de traitement entre tous. Loin des polémiques, le ministre a d'ailleurs formulé ce vœu solennel : qu'en 2020, « La politique en France revienne à la raison et quitte le terrain du fantasme ».
Nicolas Beytout, BlackRock et le règne du n'importe quoi
Or, du fantasme au complot, il n'y avait qu'un pas que le patron du journal l'Opinion, Nicolas Beytout, a franchi d'une seule enjambée. Dans un tweet très commenté, l'éditorialiste s'agace : « Avec l'affaire BlackRock, l'information en France vient de franchir un nouveau cap dans le n'importe quoi. Le complot est partout, la suspicion règne, et l'approximation prend chaque jour davantage le contrôle des cerveaux ». Mal lui en a pris, à en juger par les centaines de commentaires à ce tweet.
Quelques pépites :
- « La propagande de certains journalistes ne fonctionne plus et c'est tant mieux, laissez donc nos cerveaux tranquilles »
- « Oui oui, c'est ça, Macron reçoit le boss de BlackRock à huis clos pour parler de leur passion commune pour le bricolage. »
- « Avec les éditocrates, l'information en France vient de franchir un nouveau cap dans le n'importe quoi. Le larbinisme est partout, le lêche-botisme règne, et l'approximation prend chaque jour davantage le contrôle des cerveaux. »
À quoi s'ajoutent les publications de vidéos où des dirigeants de BlackRock USA vantent leur bonne gestion des fonds de pension et la republication en boucle d'une note de monsieur Cirelli de juin 2019 où l'auteur explicite ses préconisations au gouvernement en matière d'épargne retraite et où, augurant « une réforme des retraites réussie », il évoque l'objectif du gouvernement de porter l'épargne retraite à 300 milliards d'euros d'ici la fin du quinquennat. D'euros, ou de Smarties ?