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Langage

Égalité, équité, un jeu de dupes ?

13 août 2018 | Mise à jour le 16 juillet 2018
Par | Photo(s) : Babouse
Égalité, équité, un jeu de dupes ?

La NVO ouvre ses colonnes à une tribune mensuelle sur le langage dans le monde du travail. Intitulée « Le bal des mots dits », elle est écrite à plusieurs mains, selon des styles propres à chacun, par un collectif de chercheurs et de syndicalistes CGT, le Groupe Langage, dans le cadre d'une réflexion sur le travail engagée depuis 2008 par la direction de la CGT.

L'emploi du mot équité précède celui d'égalité. Pour le philosophe grec Aristote, il désigne l'équilibre. C'est un principe de justice, naturel, non écrit, antérieur et supérieur aux lois. Dans l'ancien régime, les tribunaux jugeaient « en équité ». En 1789, les révolutionnaires jugent ce principe arbitraire, car dépendant de qui décide. Ils proclament alors les citoyens libres et égaux « en droit ».

Qu'en est-il aujourd'hui de l'usage fait de ces deux mots ? Le monde capitaliste repose sur trois sources juridiques essentielles : l'égalité en droit, la propriété privée et le contrat. Depuis 1789, les libéraux ont su utiliser l'égalité pour justifier l'exploitation. Ils présentent le contrat comme juste puisque les individus sont égaux en droit. Pourtant le contrat de travail établit un lien de subordination entre le travailleur et l'employeur, et donc un rapport d'inégalité.

Dans le même ordre d'idées, l'égalité des chances, théorisée par le philosophe américain John Ralws, signifie que le statut social des individus d'une génération ne doit plus dépendre des caractéristiques morales, ethniques, religieuses, financières et sociales des générations précédentes. Penser pouvoir être tous sur la même ligne de départ est une belle idée. Mais c'est une vue de l'esprit. Dans la pensée libérale, seule compte la compétition, où les concurrents ne partent pas tous avec les mêmes armes. L'inégalité réelle prend ainsi le pas sur l'égalité théorique.
Le règne du capital peut s'accommoder d'une égalité formelle, il en va autrement de l'égalité réelle, de l'égalité des conditions. Celle-ci en effet est indissociable d'un autre principe, la solidarité, c'est-à-dire la fraternité dans le langage de 1789.

Prenons un exemple : la Sécurité Sociale a été mise en place au nom d'un principe de solidarité tendant vers l'égalité des conditions. Chacun reçoit selon ses besoins sur la base de droits identiques et contribue au financement en fonction de ses moyens. L'équité a été invoquée pour chambouler cet équilibre en conditionnant les prestations aux ressources, sous prétexte qu'il n'était pas équitable d'accorder certains droits à des personnes dotées de revenus parfois élevés. Le libéral avisé a vu plus loin que le bout de son nez car ceux qui verraient leurs droits réduits en continuant à payer plus pourraient être tentés d'aller du côté des assureurs privés, c'est-à-dire de tourner le dos à la solidarité.

L'équité est une notion chatoyante et parfois utile. Mais pour ne pas être victime de duperies, n'oublions pas les principes de la Révolution française, qui font rimer liberté, égalité et solidarité.