Un scrutin essentiel pour les droits des salariés
Cinq millions de salariés de très petites entreprises (TPE) sont appelés à élire leurs représentants lors des élections professionnelles du 25 novembre au 9 décembre 2024.... Lire la suite
Les très petites entreprises (TPE) ne sont pas tenues d'organiser la représentation de leurs salariés, alors que ces derniers sont plus souvent confrontés que les autres travailleurs à la difficulté de faire respecter leurs droits. « Salariés et patrons des TPE se côtoient au quotidien, sans intermédiaires, observe Laurent Indrusiak, chargé de la syndicalisation et de la vie syndicale à la CGT.
Cela se traduit par un fonctionnement autoritaire ou paternaliste – et souvent pernicieux – de la part de l'employeur. » En situation de conflit, ces salariés doivent alors chercher du soutien à l'extérieur. « Comme la plupart des unions départementales (UD), nous tenons une permanence juridique ouverte à tous. Pendant longtemps, le fait d'appartenir à une TPE n'a pas fait l'objet d'une attention particulière de notre part », reconnaît le syndicaliste, également secrétaire général de l'UD de l'Allier.
Mais en étudiant la fréquentation de sa permanence, la structure a récemment constaté que près des trois quarts du public provenaient des TPE. « Nous avons essayé de changer de pratique d'accueil, raconte le secrétaire général. Une fois qu'on les a écoutés, informés et conseillés, on tâche de prolonger la discussion autour des droits des salariés des TPE, du rôle d'un syndicat et des revendications portées par la CGT. »
En dehors des permanences, pour aller vers les salariés isolés, de nombreuses unions rurales ou urbaines organisent des « maraudes », en allant de boutiques en salons de coiffure, de petits restaurants en cabinets d'études et autres professions libérales… L'occasion de distribuer un tract thématique, les coordonnées de la CGT et, parfois, d'échanger en l'absence du patron. De temps à autre, les salariés approchés reprennent contact ; le plus souvent quand ils ont un contentieux avec leur employeur…
Et puis, après ? Comment les syndiquer ? Comment leur permettre de s'organiser pour défendre leurs intérêts ? « C'est compliqué de travailler avec les salariés des TPE, reconnaît Dominique Holle, de l'UD du Puy-de-Dôme. Ils sont dispersés dans des métiers très divers et ne sont disponibles qu'en dehors des heures de travail. Cela nécessite du temps et des militants. Mais, l'agenda nous impose des priorités… »
David Gistau, en charge de la vie syndicale, confirme : « Il serait malhonnête de masquer le déficit de la CGT à l'égard de ces salariés. Nous ne sommes pas non plus dans une démarche naturelle lorsque nous nous adressons à eux. Car le lieu de structuration “naturel” de la CGT reste l'entreprise. » Alors, les organisations tâtonnent, expérimentent. En Ille-et-Vilaine, trois unions locales (UL) ont mis en place des syndicats multiprofessionnels pour les salariés isolés, dont ceux des TPE, rapporte Philippe Pussat, le responsable du collectif TPE en Bretagne.
Des syndicats interentreprises se sont ainsi constitués autour du commerce, mais aussi de la métallurgie, de la construction et, à l'échelle de la métropole rennaise, dans le transport. « L'approche métier me semble la plus efficiente, constate Philippe Pussat. Car les salariés des TPE y trouvent des sujets communs avec les autres syndiqués. »
« Chez nous, les syndicats multipro des UL représentent pas loin de 300 adhérents, raconte Catherine Giraud, secrétaire générale de l'UD de la Vienne. Les cotisations rentrent, mais il n'y a pas beaucoup d'activité. Cette structuration n'empêche pas l'isolement. »
L'UD a donc décidé de changer de stratégie en faveur de syndicats interentreprises. « Il s'agit de travailler par champs professionnels », amorce Catherine Giraud. La démarche a débuté avec la création d'un collectif Commerce, qui a d'abord suscité peu d'enthousiasme chez les adhérents concernés.
« Nous les avons sondés sur l'idée d'un syndicat départemental du commerce. Et là, une quinzaine de salariés se sont déclarés prêts à s'investir dans son animation, poursuit la secrétaire de l'UD 86. C'était une surprise. C'est qu'ils avaient besoin d'une entité formalisée pour s'approprier l'action syndicale. » Le syndicat du commerce de la Vienne a ainsi vu le jour il y a quelques semaines.
D'autres expériences sont menées dans le département, de la pratique d'éducation populaire des « porteurs de paroles » dans l'espace public – pour se mettre à l'écoute plus que pour diffuser la « bonne parole » –, à l'union locale mobile, un camion qui s'installe régulièrement dans différents coins du territoire. « Il faut changer notre approche, prône Catherine Giraud. Nous devons partir des besoins et réalités exprimés par ces salariés pour penser des solutions de structuration, y compris de nouvelles formes. »
Animatrice CGT de l'activité TPE en région Auvergne-Rhône-Alpes, Lynda Bensella, représente l'organisation à l'espace régional de dialogue social de l'économie sociale et solidaire (ESS), une instance paritaire fondée en 2018 avec l'organisation patronale de l'ESS, l'Udes.
« Nous avons décidé d'en faire un outil de paritarisme tout-terrain, pour sortir des fonctionnements classiques des commissions paritaires régionales », relate Lynda Bensella. L'espace ESS a organisé des rencontres de fin de journée, animées par un binôme Udes-organisation syndicale de salariés, auxquelles ont été invités les propres salariés et dirigeants de structures de l'ESS. « Plutôt que de monopoliser la parole, insiste la syndicaliste, nous nous contentons de poser des questions. »
Comment se pratique la démocratie dans votre structure ? Qu'est-ce qu'une bonne journée de travail, selon vous ? « La parole se libère vite, témoigne l'animatrice de l'activité TPE. Cela fait cogiter les employeurs sur leurs pratiques, pas toujours en adéquation avec les valeurs de démocratie portées par l'ESS. De leur côté, les salariés prennent conscience des sujets sur lesquels ils peuvent négocier pour améliorer leurs conditions de travail. »
Pour la CGT, ces rencontres sont l'occasion d'atteindre et de mobiliser des salariés difficilement accessibles. L'idée d'un syndicat interentreprises ESS est en train de germer. « On souhaite transposer cette expérience dans le cadre des commissions paritaires régionales », ajoute Lynda Bensella. Des réunions seront organisées prochainement avec des patrons et des salariés de salons de coiffure et de cafés-restaurants, deux secteurs qui peinent à fidéliser leurs salariés.
« Nous savons bien comment ils pourraient améliorer la situation, note la responsable CGT. Ils l'entendront peut-être mieux si cela sort de la bouche des salariés ! » Des salariés, pour beaucoup éloignés des organisations syndicales, qui, potentiellement, pourraient s'y engager à l'avenir.
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