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Japon

Entretien avec Masako Obata, présidente de la confédération syndicale japonaise, Zenroren

4 avril 2023 | Mise à jour le 7 avril 2023
Par et | Photo(s) : Tatiana Markkoff
Entretien avec Masako Obata, présidente de la confédération syndicale japonaise, Zenroren

Masako Obata est la première femme Présidente d’une organisation syndicale japonaise. © Tatiana Markkoff

Autre pays, autre femme. En France, l’élection de Sophie Binet à la tête de la CGT a créé la surprise. Au Japon, Masako Obata, élue présidente de Zenroren en juillet 2020 est devenue la première femme à accéder à la tête d’une confédération syndicale nationale. Elle était auparavant secrétaire générale de la fédération des syndicats d'enseignants pendant neuf ans. Une révolution dans un pays qui reste encore conservateur.

Votre élection en tant que présidente de la confédération Zenroren est-il le signe d'une évolution des mentalités sur le plan de l'égalité des chances ?

Je l'espère, mais je me souviens encore de ce coup de fil reçu d'un membre du syndicat lorsque j’ai commencé à travailler à plein temps pour le syndicat des enseignants au niveau préfectoral à Zenroren, en 2002. En entendant ma voix, celui-ci m'avait spontanément prise pour une assistante. Il ne pouvait pas imaginer que j'étais une responsable et insistait pour que je lui passe un autre cadre masculin. C’était assez étrange.

Cet incident m’a beaucoup appris car je pensais que l’éducation publique japonaise et les syndicats d’enseignants japonais étaient dans une meilleure situation en termes d’égalité des sexes. Rétrospectivement, l’égalité des sexes dans les écoles publiques a progressé plus vite que sur les autres lieux de travail au Japon. Mais ce type de préjugé sexiste est toujours présent dans l’enseignement public japonais et parmi les enseignants. Ce qui appelle à renforcer encore nos efforts en vue de rendre effective l’égalité des sexes dans l’enseignement public. Cela permettra également à nos enfants et à nos étudiants d’être plus conscients de l’égalité des sexes. En 2011, lors de mon élection au bureau national du syndicat des enseignants Zenroren, le syndicat comptait 17 responsables à temps plein, dont seulement deux femmes. J’ai cherché à changer cette situation en m'appuyant notamment sur la préconisation gouvernementale qui appelait à une participation minimale de 30 % de femmes à tout organe décisionnel au sein du gouvernement ou des autorités publiques. Ce fut ma première tâche au bureau national du syndicat des enseignants. Il nous aura fallu près de quatre ans pour y arriver.

Pensez-vous que votre élection encourage davantage les femmes à se syndiquer ?

Oui absolument. Mais l’une des plus grandes difficultés des travailleuses japonaises pour s'investir dans un syndicat sont leurs responsabilités familiales. Au Japon, nous sommes encore confrontés à ce schéma classique, où la femme s'occupe de tout au foyer. Par conséquent, de nombreuses femmes ne peuvent pas assumer de s'investir dans un syndicat ou même être élues à un poste de dirigeante. Cette situation doit impérativement changer si nous voulons avoir davantage de femmes militantes au sein de Zenroren.

Quels sont les principaux combats auxquels votre confédération syndicale est confrontée aujourd’hui ?

Tous les ans, nous préparons une lutte, appelée « Shunto ». C’est ce qu’on appelle une offensive de printemps. Ce sont des négociations collectives annuelles qui débutent en mars et nous insistons sur le fait que nos syndicats doivent formuler des demandes plus incisives à l’encontre des employeurs. Cette année, la demande unifiée de la négociation de printemps porte sur l'augmentation de 10 % des salaires, y compris pour les travailleurs précaires. Nous mettons l’accent sur une stratégie ascendante en matière de salaires, en nous concentrant particulièrement sur l’augmentation du niveau du salaire minimum.

L'autre bataille que nous menons consiste à restaurer le service public au Japon. En raison de plus de trois décennies de politique économique et sociale néolibérale, le service public japonais s’est érodé. Aujourd’hui, tout est confié à des entreprises privées. C’est particulièrement vrai pour le secteur de la santé et celui de l'éducation. Lors de la pandémie, nous avons soudainement découvert que le nombre de centres de santé et hôpitaux publics était très faible. Le confinement nous a également alertés sur le fait que le nombre d'école publiques avait drastiquement diminué. Ce qui pose un réel problème de scolarisation des enfants vivant en banlieues, qui aujourd'hui sont très nombreuses.

Le président de la République, Emmanuel Macron, a imposé une réforme augmentant l’âge de départ à la retraite à 64 ans. Qu'en est-il au Japon ?

Le gouvernement japonais étend également ce type de réforme depuis longtemps. Chez nous, l'âge de départ à la retraite est de 65 ans. Mais le niveau des pensions japonaises est très bas et de nombreux retraités souffrent de la baisse de leurs revenus. Le gouvernement Kishida II ne cesse de répéter qu'il n'y a pas d’argent pour augmenter ces pensions. Pourtant, le budget militaire a explosé ces deux dernières années. Ce qui a provoqué la colère et l’inquiétude des Japonais. Nous devons donc mener une campagne plus forte pour pousser le gouvernement à abandonner ces actions politiques impopulaires.