Syndicalisme britannique et Brexit : « la CES sera notre seul lien avec l’Europe »
Entretien avec Elena Crasta, responsable du bureau européen de la confédération britannique (Trades Union Congress, TUC), à Bruxelles. Lire la suite
Le lexique du BrexitLe traité de Lisbonne (signé en 2003) stipulait dans son article 50 la possibilité pour « Tout État membre peut décider, conformément à ses règles constitutionnelles, de se retirer de l'Union [européenne] ». Ça a donné le Brexit et depuis un tas de nouveaux termes avec lesquels il faut se familiariser ou réapprendre à vivre.
Backstop : ce « filet de sécurité » a été initié par l'UE et le gouvernement britannique afin d'éviter le rétablissement d'une frontière physique « en dur » entre la république d'Irlande et l'Irlande du Nord, membre du Royaume-Uni. Prévu pour n'être que temporaire, le backstop ne résout pas la question du devenir de cette frontière entre les « deux » Irlandes.
Brexit : formé à partir des mots British et exit, c'est l'appellation familière de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne. Ce qui se décline aussi en Frexit (French et exit) pour les partisans de la sortie de la France de l'UE.
Brexiter : personne soutenant le Brexit.
Espace économique européen : trois pays européens, Islande, Liechtenstein et Norvège, ne faisant pas partie de l'UE ont cependant rejoint l'Union dans le cadre de cet espace économique crée en 1994 et garantissant la libre circulation des marchandises, des services, des capitaux et des personnes en son sein.
No deal (absence d'accord) : Une des possibilités du Brexit (hard Brexit). La sortie de l'UE du Royaume-Uni ferait de celui-ci un pays tiers dépendant des règles de l'OMC dans ses relations commerciales avec l'UE.
Remainer : Britannique en faveur de l'Union européenne.
Ce n'est pas vraiment un plan B. La Première ministre a dit qu'elle allait essayer de renégocier quelques concessions à propos du fameux « backstop » (cf. lexique) pour l'Irlande du Nord avec les 27 mais n'a toujours pas défini ce que seront les relations futures entre le Royaume-Uni et l'Union européenne. Elle croit encore que la perspective de sortie sans accord va effrayer les députés et les convaincre de la soutenir.
Des amendements ont été déposés afin d'étendre la période de négociation au-delà du 29 mars, de mettre en place une union douanière permanente avec l'UE ou encore de rejoindre la Norvège dans l'Espace économique européen. Il y a aura un vote au Parlement le 29 janvier. Le problème, c'est qu'il n'est pas sûr qu'il y ait une majorité pour l'une ou l'autre de ces trois options proposées par les amendements. Et l'on risque de se retrouver à nouveau dans une impasse. La Première ministre joue la montre. Les élections européennes qui arrivent vont en effet être une vraie échéance pour les 27.
Dans son discours d'hier soir, Theresa May a mentionné trois fois les droits des travailleurs et dit vouloir renouer le dialogue avec les syndicats. Comme on dit en anglais : « too little too late », « trop peu trop tard ». Non seulement elle avait déjà promis de protéger ces droits pendant son mandat mais aussi de les améliorer. Or, depuis deux ans qu'elle est au pouvoir, on a rien vu.
Dans ce contexte très particulier, il faut cependant absolument prolonger la période de négociations au-delà du 29 mars parce que l'on risque d'arriver sans accord ce jour-là, ce qui serait une catastrophe. Dans l'impasse dans lequel se trouve le Parlement et puisque ce gouvernement n'est pas capable d'aboutir à un accord, il faut un autre gouvernement. Il faut des élections générales anticipées. À circonstances extrêmes, mesures extrêmes.
Pour les employeurs, il est désormais « critique » d'éviter un « no deal » et de négocier au plus vite les termes d'une future relation avec l'UE. Ils avaient cru pouvoir tirer tous les bénéfices sans les entraves de cet accord de Brexit, comme les régulations en matière d'environnement, de santé ou sécurité, ce qui est le rêve de tout Brexiter, mais ils ont maintenant compris que non seulement ce gouvernement ne va pas leur offrir ce fantasme mais qu'il est à peine capable de négocier les termes d'une sortie pour éviter le chaos.
Car s'il n'y a pas d'accord, au lendemain du 29 mars, nos relations commerciales seront gérées par les règles de l'Organisation mondiale du commerce. Avec toutes les taxes et les barrières tarifaires qui vont avec. Beaucoup d'entreprises n'existaient pas avant 1973 et le marché unique. Elles ont toujours connu un marché dans lequel les marchandises circulaient librement. Elles n'ont pas les personnels, l'expertise ni les marges pour faire face à la hausse des coûts que vont entrainer les contrôles aux frontières, les frais de douane à payer, la paperasse qui va se développer.
Nos délégués nous ont fait remonter des informations selon lesquelles il y a une volonté chez certains employeurs d'utiliser le Brexit comme une excuse pour ne pas accorder des augmentations de salaires, ne pas faire de concessions. D'autres disent clairement que les décisions concernant les investissements futurs sont suspendues. Il y a eu des annonces de fermeture ou de licenciements, mais les sociétés concernées ne parlent pas du Brexit, même si le lien est parfois évident.
Des sociétés menacent de partir ou l'ont déjà fait. Il ne faut d'autre part pas oublier, que même dans le cas d'une union douanière permanente avec l'UE, ce que demande le Parti travailliste, seules les marchandises pourront circuler librement.
Or, si l'on estime entre 3 et 5 millions le nombre de postes de travail dans les secteurs manufacturier et industriel dépendant du commerce avec l'UE, qui pourraient donc se retrouver affectés si des frontières s'érigent, 80 % du PIB britannique vient du secteur des services. Le moment des choix est donc venu. Des choix et de leurs conséquences.
13 juillet 2016 : Theresa May, conservatrice, succède au travailliste David Cameron au poste de Premier ministre britannique.
Mars 2017 : Le Parlement britannique, et la reine, donnent leur accord pour enclencher la procédure de sortie de l'UE.
19 juin 2017 : début des négociations entre l'Union européenne et le Royaume-Uni.
13 novembre 2018 : un accord de sortie est finalement trouvé entre les deux parties.
15 janvier 2019 : l'accord de sortie de l'UE présentée devant le Parlement britannique est rejeté à une écrasante majorité, 432 voix contre, 202 pour. Theresa May survivra de peu à une motion de censure déposée dans la foulée de ce camouflet.
29 janvier 2019 : les Parlementaires britanniques se prononcent sur le plan B proposé par leur Première ministre.
29 mars 2019 : le Royaume-Uni ne fait officiellement plus partie de l'Union européenne, sauf si le délai pour les négociations de sortie est prolongé de 2 ans.
30 mars 2019 : début de la période de transition qui durera jusqu'en 2020 et permettra de négocier les futures relations entre l'UE et le Royaume-Uni.
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