3 mars 2020 | Mise à jour le 3 mars 2020
Les chercheurs sont invités à déserter labos et amphis, jeudi, pour marquer leurs inquiétudes face à la future loi de programmation pluriannuelle pour la recherche, collectif et syndicats voyant se profiler précarité et crédits en berne.
« A partir du 5 mars, nous disons stop » , annonce la Coordination nationale des facs et labos en lutte qui appelle également à une manifestation dans le quartier latin à Paris. Selon elle, au moins 111 universités et écoles, 268 labos et 145 revues scientifiques sont impliqués dans le mouvement.
L’appel à la grève est également relayé par les syndicats, du Snesup-FSU au SNTRS-CGT en passant par l’Unef et les syndicats réformistes, dont la Sgen-CFDT, le Snptes et l’Unsa.
Au cœur des inquiétudes: la future loi de programmation pluriannuelle pour la recherche, annoncée il y a un an par Édouard Philippe. Après des travaux préparatoires remis au Premier ministre puis des concertations avec les syndicats menées par Frédérique Vidal, ministre de la Recherche, la présentation de la loi en conseil des ministres, initialement prévue fin 2019, est attendue fin mars/début avril.
« Le ministère n’a fourni aucun projet précis aux organisations syndicales » , regrette le Sgen-CFDT dans un communiqué. « Les bribes de textes qui circulent s’ajoutent aux déclarations malheureuses et créent un climat délétère où prospèrent rumeurs fantasques mais aussi inquiétudes légitimes » , note le syndicat.
« Le ministère regrette que de nombreuses fausses informations continuent à circuler sur la loi de programmation pluriannuelle de la recherche, dont l’ambition n'est autre que de redonner du temps, de la visibilité et des moyens à la recherche » , répondent les services de Mme Vidal.
Mais depuis deux mois, la tension monte. Pétitions, motions, conférences, flashmobs, retraites aux flambeaux, construction d’un mur de paperasse…
« Coopération » plutôt que « compétition »
La coordination réclame notamment « la création de postes pérennes« , « l'emploi scientifique étant en décroissance et en grande précarisation » .
« Il y a aujourd’hui 130.000 vacataires en France qui font fonctionner les universités » , assure Marie Sonnette, du comité de mobilisation. « A l’Inserm, certains laboratoires tournent avec 60/70% de CDD« , ajoute Franck Loureiro, du Sgen-CFDT.
Le SNTRS-CGT chiffre à 50.000 le nombre de recrutements nécessaires pour titulariser les précaires, compenser « le potentiel de recherche perdu ces 20 dernières années » et obtenir « des contrats doctoraux pour toutes les disciplines« .
Or, les partenaires sociaux voient plutôt se profiler la création des recrutements CDD en parallèle de ceux de la fonction publique et des contrats bornés par la durée du projet donné, « abusivement appelé CDI » de mission, selon Philippe Aubry, secrétaire général adjoint du Snesup-FSU.
Les grévistes s'inquiètent également du futur mode de financement de leurs recherches. Actuellement, deux cohabitent: les crédits réguliers attribués aux labos ou aux établissements, en forte diminution ces 30 dernières années, et les crédits conditionnés à la sélection de projets.
Emmanuel Macron a annoncé son ambition de consacrer 3% du PIB à la recherche mais selon Philippe Aubry, le gouvernement prévoit « d’accroître les financements avec les appels à projets alors que toutes les organisations demandent à revenir à plus de financements récurrents« . Ce que la coordination nationale des facs et labos en lutte dénonce comme étant une « production de la recherche sous le seul mode de la compétition et de l’évaluation« .
« Les appels à projets sont très chronophages et créent de la compétition entre les équipes« , explique Franck Loureiro. « Aujourd’hui si la médecine avance rapidement face à l’épidémie de Covid-19 c’est grâce à une coopération, une mutualisation de l’ensemble des équipes de recherche au niveau national et international« .
Autre point de crispation, la revalorisation des rémunérations, très sensiblement inférieures à celles des pays de l’OCDE. Même si Frédérique Vidal rappelle pour sa part avoir annoncé y consacrer 120 millions d’euros en 2021 dont 26 millions d'euros pour la remise à niveau des débuts de carrière.