Haro sur les bourses du travail
À Toulouse, tout a commencé en février dernier, lorsque Cédric Caubère, secrétaire général de l'union départementale de Haute-Garonne, reçoit une lettre de la mairie de Toulouse. La lettre l'informe que la municipalité, récemment repassée aux mains de Jean-Luc Moudenc (LR), souhaitait reprendre possession de la Bourse du travail, située en plein cœur du quartier Saint-Sernin, juste derrière la fameuse basilique romane qui participe au surnom de la « ville rose ». Le syndicat est sommé de quitter les lieux avant le 30 juin 2015, sauf à « assumer un loyer correspondant à la valeur locative de bien ».
Coup dur pour le syndicat qui occupe les lieux à titre gracieux depuis 1892, date de l'inauguration de ce site symbolique de la CGT. La bourse du travail, inaugurée en présence de Jean Jaurès lui-même, et reconstruite, dans les années 30 « par les travailleurs de la CGT, par les salariés, pour les salariés, par l'intermédiaire d'une coopérative ouvrière », comme l'explique Cédric Caubère, porte le sigle du syndicat de manière omniprésente dans son architecture, des médaillons gravés dans la façade, à la mosaïque dessinée au sol.
« Le message était clair », déplore Cédric Caubère, « la CGT, il y a 120 ans, ne pouvait pas payer, aujourd'hui, elle ne peut pas payer, au prix, comme ils disent, “du marché”. »
La ville repose sa décision sur le coût de la mise en sécurité du bâtiment, s'élevant, selon le courrier, à 1 000 000 d'euros, qu'elle « a été obligée d'assurer seule ». Mais pour Cédric Caubère, il s'agit plutôt d'une volonté de « gentrifier » le quartier, alors que Toulouse vient de postuler pour obtenir le label « patrimoine mondial de l'Unesco ».
Se déclenche alors une vague de manifestations et d'actions. Au cours des derniers mois, se rappelle Cédric, chaque cortège de manifestants se terminait systématiquement devant le Capitole, pour rappeler à la municipalité que le syndicat avait toute sa place au cœur même de la ville. Les syndicalistes rencontrent le préfet, puis le maire « quatre jours avant la fin de l'ultimatum ». Une solution temporaire est alors trouvée : le syndicat pourra rester au 19 place Saint-Sernin.
SYNDICAT ET CLUB DE PÉTANQUE
Mais l'histoire ne finit pas toujours aussi bien. D'autres villes ont également décidé de reprendre possession de locaux syndicaux. À Foix, dans l'Ariège, l'équipe CGT fuxéenne se bat pour conserver les locaux qui abritent actuellement son union locale.
Le maire, Norbert Meler (Union de la Gauche), a récemment demandé aux militants CGT de quitter le local syndical mis à leur disposition par la mairie, pour les reloger au sein de la maison des associations. Les militants déplorent la différence entre le local actuel de 50 m2 et les deux pièces de 8 et 12 m2 qui leur sont proposées.
Comment accueillir les travailleurs, ou même tenir une réunion dans un local de cette taille, s'interroge Didier Mezin, secrétaire général de l'union départementale CGT de l'Ariège.
Ici encore, la municipalité argue, dans un communiqué, d'une volonté de « réhabilitation et de valorisation » du quartier, mais aussi de la volonté d'équité dans le traitement des différents syndicats. Elle rappelle également qu'il « n'y a pas obligation pour les collectivités locales de mettre à disposition les locaux gratuitement. »
Pour la secrétaire de l'union locale, Maryse Gomes, déménager n'est pas nécessairement hors de question, mais elle rappelle que le syndicat a présenté sept alternatives à la mairie afin que l'union locale d'un des plus gros viviers CGT du pays ne soit pas traitée à la même enseigne que le club de pétanque, proposant même de participer, sur le plan financier et humain, à la remise à neuf de ces sites.
LOGER LES SYNDICATS
Une position que ne partage d'ailleurs pas Cédric Caubère. Pour le Toulousain, le principe de la gratuité des locaux syndicaux est non négociable, y créer une brèche pourrait ouvrir les portes à bien d'autres cas.
La réduction des dotations de l'État aux collectivités locales place celles-ci devant des situations financières intenables. Des choix budgétaires cornéliens doivent donc être faits et les maires les moins sensibles à la question syndicale se tourneront rapidement vers cette option.
« On a des élus de mauvaise foi qui vont se servir de ces arguments », prévoit Cédric Caubère, « on va être confronté dans les mois et les années qui viennent à d'autres cas, comme celui de Toulouse ou de Foix, ou de Castelsarrasin, à moins qu'on arrive à trouver à se prémunir par le biais de conventionnement ou par la loi. »
En effet, les syndicats étant, en partie, financés eux-mêmes par de l'argent public, Cédric Caubère refuse de devenir « une boîte aux lettres » pour faire passer les enveloppes budgétaires d'une collectivité à une autre.