Mai 68 : sous les clichés, la grève
Aujourd’hui, nombre de ses « experts » autoproclamés en détournent le sens, dans une France où ils entendent faire régner un nouvel ordre libéral. Lire la suite
En 1968, le contenu de « l'hebdomadaire de la CGT » se veut très généraliste. Ainsi, l'ouvrier –syndiqué bien sûr – pouvait se renseigner sur l'état du monde qui l'entourait. Une interview de Jacqueline Maillan pouvait lui parler d'humour et d'amour dans un numéro, et être suivi, la semaine d'après, d'une enquête au sein de l'équipe du professeur Cabrol, à l'occasion de la première transplantation cardiaque en Europe. Histoires de cœur toujours.
Des conseils « bricolage », pour monsieur, et « couture », pour madame – la répartition des tâches est encore bien séparée –, les résultats de la « Coupe de la V.O. », de la « Marche des facteurs » ou du Tour de France, pour les aficionados de sport, ou encore les critiques de Le bon, la brute et le truand ou de L'incident, pour les cinéphiles. Chacun y trouve son bonheur.
Vendue 1 (nouveau) franc – et souvent sous le manteau au sein des « taules » –, chaque mercredi, La Vie Ouvrière est distribuée à 220 000 exemplaires. « On attendait le vendredi, quand les contremaîtres étaient moins vigilants, pour la vendre, se souvient Henri Zalugas, ancien métallo devenu rédacteur juridique, puis syndical, à la V.O. depuis 1959, on planquait les exemplaires dans les bleus de travail pour les distribuer aux camarades et ils nous payaient une fois par mois. » À l'époque, pas de liberté de diffusion. Certains patrons ne se gênent d'ailleurs pas pour interdire la « V.O. » dans leurs locaux. « La direction Bendix vient encore, tout récemment, d'interdire impérativement l'entrée de la V.O. dans l'usine, » peut-on lire dans un article. Cette interdiction deviendra même un argument de vente pour l'hebdomadaire. Dans un reportage auprès des diffuseurs de la V.O. chez Renault Cléon, un tract est cité : « Si ça gêne la direction, c'est que cela est bon pour vous. »
C'est que la Vie Ouvrière ne se contente pas d'informer ses lecteurs des faits divers, du programme de télévision ou des résultats sportifs. Parmi les près de 150 salariés de l'époque, « il y avait des gars comme moi qui sortions de la production, explique Henri Zalugas, et d'autres qui étaient journalistes ou sortaient de la fac de droit. C'est ce qui faisait la valeur du journal. » Un journal illustré par de grands noms de la photographie comme Willy Ronis, Gerald Bloncourt ou Janine Nièpce. « On m'a envoyé, pour mon premier reportage, avec Robert Doisneau, se rappelle, amusé, Henri Zalugas, je ne connaissais rien au monde de la photo. J'ai compris bien plus tard que la production m'avait bien gâté. » À la direction du journal, se croisent Henri Krasucki, directeur de la V.O. mais aussi secrétaire de la CGT, Benoît Frachon, président d'honneur du comité de rédaction, et Robert Telliez, rédacteur en chef, ancien professeur de lettres et résistant.
Cette diversité permet de faire la part belle à l'information juridique et syndicale et aux éditos des responsables de la CGT dénonçant la politique gaulliste en ce dixième anniversaire du retour au pouvoir du « Général ». En mai 1968, alors que le pays s'échauffe, la rédaction appelle à « l'unité de toute la gauche, condition du changement ! », Gérard Carrère souffle « Dix bougies sans gâteau », dans le numéro daté du 15 mai 1968, dans lequel il analyse le bilan du gouvernement, avec le renfort du dessinateur André Escaro, et, dans le premier numéro spécial de ce fameux mois de mai, Georges Séguy, alors secrétaire général de la CGT, « proteste avec véhémence et indignation contre l'attitude du gouvernement », au cours des premières « nuits des barricades » dans le quartier latin.
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Aujourd’hui, nombre de ses « experts » autoproclamés en détournent le sens, dans une France où ils entendent faire régner un nouvel ordre libéral. Lire la suite
Médiapart et les Editions de l’Atelier se sont associés pour collecter des centaines de témoignages sur celles et ceux qui ont vécu Mai 68. Lire la suite