France Télécom : le procès des suicides a commencé
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Les faits remontent à 2017, quand Claire, embauchée en alternance au service marketing du cartonnier Ondulys où travaillent près de 250 salariés (dont 70 intérimaires), est victime de harcèlement sexuel et moral.
Avec sa petite vingtaine d'années, la jeune femme qui travaille au service marketing se plaint des propos et agissements de trois collègues, un cadre, un agent de maitrise et un employé.
Mais entourée d'un petit noyau de jeunes en alternance qui, tout aussi choqués, la soutiennent et l'encouragent à aller en parler au syndicat, la jeune femme décide de ne pas se laisser faire. « On en a parlé ensemble, on a saisi l'inspection du travail, rassemblé des certificats sur l'honneur, trouvé un avocat et on s'est lancé dans la procédure avec l'idée que ce type de comportement soit banni de l'entreprise », se souvient Alice Gorlier, déléguée syndicale CGT de l'entreprise.
« À peine arrivé dans l'entreprise, ce cadre tenait des propos ouvertement salaces. On était abasourdis, raconte Alice. C'était un prédateur de notoriété publique, l'agent de maîtrise était plutôt du style dragueur invétéré et l'employé, un suiveur ». Précédemment, une autre jeune femme en contrat d'alternance aurait déjà fait les frais de ces agissements, et aurait préféré partir plutôt que de mener bataille.
« Ces trois hommes ont usé de leur position hiérarchique pour agresser Claire et la direction a pris ça à la légère et renvoyé la faute sur sa tenue vestimentaire », regrette la syndicaliste. Mais un petit noyau d'alternants – hommes et femmes – présents dans l'entreprise au moment où Claire en est victime, la soutient et l'encourage à aller voir le syndicat. « Ils n'étaient pas dans le même service, mais ils partageaient un même statut, ils étaient solidaires et ça a tout changé face à l'abus du lien de subordination dont abusaient les salariés harceleurs », note la syndicaliste.
Depuis, un nouveau responsable régional des ressources humaines a été nommé et la direction du site a été renouvelée. De nouveaux acteurs auprès desquels plusieurs salariés ont témoigné de cette situation. À la suite de quoi des entretiens individuels ont été menés avec toutes les salariées des bureaux du site. Résultat : des procédures en cours devraient déboucher sur des sanctions allant du licenciement à l’avertissement. « Il aura fallu quatre ans pour que la direction réagisse », constate Alice.
« Le harcèlement sexuel et moral reconnu et 12 000 euros versés à la plaignante pour le préjudice subi sont une belle victoire dont nous espérons qu'elle pourra faire reconnaître l'action de la CGT, explique la syndicaliste. Mais nous savons que le contexte de fusion entre les sites de Lomme et de Saint-Quentin a favorisé le licenciement du cadre impliqué, la direction ayant besoin de se débarrasser de gros salaires ; ça correspond à leur politique actuelle. » Prudente, la CGT espère que cet épisode entrainera la mise en place de mesures de prévention car « c'est très compliqué de briser l'omerta et de passer de l'indignation à l'action », conclut Alice Gorlier, qui se bat pour sa réintégration dans l'entreprise, après avoir été licenciée en novembre 2019.
Après la création du syndicat CGT dans l'entreprise en 2017, cinq syndicalistes CGT ont été licenciés entre 2018 et 2019. Seul l'un d'eux a pour l'instant réussi à échapper à ce qui s'apparente à « une chasse aux sorcières ». Du coup, « se syndiquer à la CGT est un geste risqué surtout dans un territoire où le taux de chômage est important, mais cette victoire montre aux collègues qu'on avait raison d'agir, résume la syndicaliste. Cette victoire humaine et syndicale devrait conforter l'image de la CGT auprès de ses sympathisants, et peut-être les mener à se syndiquer… »
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