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FONCTION PUBLIQUE

La CGT porte plainte contre le recours aux cabinets privés

27 octobre 2022 | Mise à jour le 7 novembre 2022
Par | Photo(s) : Laure Boyer / Hans Lucas via AFP
La CGT porte plainte contre le recours aux cabinets privés

Trois syndicats de la CGT fonction publique (Union fédérale des syndicats de l'Etat UFSE, fédération des services publics, santé et action sociale), ont déposé mardi 25 octobre une plainte contre X auprès du Parquet National Financier concernant l'intervention des cabinets privés dans les politiques publiques. Un phénomène qualifié de « tentaculaire » d'après un rapport sénatorial rendu en mars 2022, particulièrement visible au moment de la crise sanitaire.

La bataille judiciaire que s'apprête à mener la CGT est éminemment politique. « Utilisation de fonds publics disproportionnée à la réalité des prestations, qui s'avèrent inutiles, collusions entre acteurs publics et privés, procédures opaques à haut risque de conflits d'intérêts, conservation de données publiques à des fins privées… Les faits documentés par la mission sénatoriale sont susceptibles de caractériser des infractions telles que le détournement de fonds publics », explique Delphine Colin, responsable CGT de la Fonction publique de l'État, lors d'une conférence de presse. Le rapport montrait que les dépenses de conseil de l'État ont plus que doublé durant le précédent quinquennat Macron.

Pognon de dingue

Rien qu'en 2021, McKinsey, Accenture, Capgemini, Eurogroup, Roland Berger et Consorts ont coûté à l'État plus d'un milliard d'euros, au bas mot. Un pognon de dingue qui, selon la CGT, aurait pu financer l'embauche de 20 000 fonctionnaires. S'appuyant sur de nombreux exemples, le rapport sénatorial dénonçait l'opacité dans laquelle exercent ces cabinets de l'ombre et leur influence sur les politiques publiques, prônant une vision libérale et moins de dépenses. Mais si l'intervention de ces cabinets privés pose des questions politiques et démocratiques, encore faut-il les traduire sur le plan judiciaire et pénal. Ce à quoi s'emploient les avocats William Bourdon et Vincent Brengarth. « Des prestations inutiles, sans suite peuvent être qualifiées de détournement de fonds public ; l'intervention de consultants à titre gracieux interroge sur un éventuel trafic d'influence. Au regard des relations entre des politiques tels que le président Emmanuel Macron et des associés de cabinets privés, on peut s'interroger sur une prise illégale d'intérêts, de favoritisme. Des notes de cabinets rédigées sous le sceau de l'administration peuvent s'apparenter à de la contrefaçon », égrène l'avocat Vincent Brengarth.

L'entre-soi, ce cancer français

A ses côtés, son confrère William Bourdon enchaîne : « dans les esprits, l'association de malfaiteurs renvoie au grand banditisme. Mais l'endogamie qui caractérise les liens entre ces cabinets privés et les politiques, l'absence de transparence dans l'utilisation des deniers publics est un cancer français». L'avocat pointe « une constellation de responsabilités privés et publiques, jusqu'au plus haut sommet de l'État. »

Cette plainte intervient alors que le Sénat a adopté une proposition de loi encadrant l'intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques, jugée peu ambitieuse par la CGT. « Les projets de loi de finances et de financement de la Sécurité sociale 2023, imposés par 49-3, confirment les politiques d'austérité pour la fonction publique ainsi que la pérennité du recours aux cabinets conseil au mépris de l'intérêt général », dénonce Delphine Colin. Le rapport de la sénatrice Eliane Assassi a montré comment ces cabinets profitent du démantèlement du service public et la manière dont ils apposent leur marque sur les réformes gouvernementales. Le cabinet Roland Berger est intervenu en appui de la réforme de la formation professionnelle pour 2.16 millions d'euros ; l'évaluation de la stratégie nationale de santé a rapporté 1,2 millions d'euros à Accenture et McKinsey ; la réforme des aides personnalisées au logement, 4 millions à Mc Kinsey.

« Dégager des irritants »

Aude Evrard-Debatte, de la CGT Ofpra, raconte la mission menée par le cabinet Wavestone entre septembre 2021 et mars 2022 pour réduire les délais de traitement des demandes d'asile. « Les consultants parlaient de clients et non des usagers. Lors d'ateliers, on devait réfléchir à comment dégager « des irritants », autrement dit, les facteurs nous faisant perdre du temps. L'idée étant de réduire les délais à moyens constants. Nous devions justifier du temps passé sur chaque dossier. La démarche était très infantilisante. On devait, par exemple, rêver l'équipe idéale à grand renfort de post-it, ou réfléchir à une autre organisation du travail avec des Lego ». Coût de la mission ? 485 818 euros. « Soit l'équivalent de 22 instructeurs ETP, 6000 dossiers supplémentaires instruits à l'année », évalue Aude Evrard-Debatte.

Sur quoi la procédure peut-elle déboucher ? L'action en justice de la CGT peut « permettre d'établir les responsabilités, sans que les auteurs se retranchent derrière le secret défense ou le secret des affaires », se félicite William Bourdon. En l'absence de réponse du parquet national financier d'ici trois mois, la CGT peut aussi déposer une nouvelle plainte et se constituer partie civile. Ce qui déclencherait la nomination d'un juge d'instruction. Affaire à suivre.